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Equipe de France : le boycott des sponsors par Kylian Mbappé est "une remise en cause fondamentale du foot business", selon un expert en marketing

La décision de l'international de ne pas honorer une séance obligatoire pour les sponsors de l'équipe de France peut avoir de multiples conséquences sur l'économie du football.

France Télévisions - Rédaction Sport
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Kylian Mbappé à l'entraîneemnt avec les Bleus le 21 mars 2022, à Clairefontaine (FRANCK FIFE / AFP)

Convié comme tous les Bleus à participer à une matinée avec les sponsors de l’équipe de France, mardi 22 mars, Kylian Mbappé a esquivé la séance en faveur de Volkswagen, Orange, Coca-Cola, Konami, Uber Eats et Xbox. Une décision inédite à Clairefontaine, mais pas dans le monde du football. Avant lui, en juillet dernier, Cristiano Ronaldo avait fait sensation à l'Euro 2021 en provoquant la chute de l’action Coca-Cola en bourse. Comment ? En écartant le fameux soda placé devant lui en conférence de presse. Quelques jours plus tard, Paul Pogba l’imitait, cette fois avec une bouteille d’Heineken. Une tendance en voie de développement ? Décryptage.

"Jusqu’à présent, un joueur de foot était quelqu’un qui n’avait pas de cerveau, pas d’opinion, qui tapait la balle et c’est tout, raconte Gary Tribou, maître de conférences à l’université de Strasbourg et expert en marketing sportif. Dès le début de sa carrière, Mbappé s’est positionné comme un joueur qui a un avis. Ce n’est pas le seul à prendre position, à porter un jugement sociétal, c’est plutôt bien pour le foot." Déléguée générale de Sporsora, Magali Tézenas du Montcel avoue avoir été étonnée par le geste de Mbappé : "Oui, ça m’a surprise, même s'il y avait eu le geste de Ronaldo, de Pogba ou encore celui de Griezmann qui a abandonné son partenaire Huawei pour soutenir les Ouïghours. On savait que des partenaires pouvaient quitter un sportif au comportement incorrect, mais des sportifs qui, eux, renient leurs sponsors, c’est assez récent." 

Cette absence de l'international français va à l'encontre de la convention des Bleus qui oblige chaque joueur à se soumettre aux opérations marketing des partenaires de l’équipe de France, contre une rémunération de 25 000 euros par match aux joueurs. Mais pour le clan Mbappé, la raison est simple : toutes les marques ne correspondraient pas aux valeurs de Kylian Mbappé, qui reverse déjà ses droits d’image à des associations caritatives qu'il a choisies. De plus, les revenus générés par ces contrats ne seraient pas assez redistribués au "football d’en bas". La star des Bleus aimerait par ailleurs plus de concertation entre les joueurs et la FFF à ce sujet.

Des collaborations gênantes

Avant Mbappé, Ronaldo ou Pogba, d'autres grands noms du ballon rond avaient déjà contesté les obligations liées aux sponsors. On pourrait ainsi citer l’exemple célèbre de Johan Cruyff, égérie Puma dans les années 1970, qui avait fait retirer une des trois bandes Adidas du maillot des Pays-Bas.

La différence, c’est que dans le cas de Mbappé, cela ne concerne pas un conflit avec un contrat personnel du joueur, qui a noué ses propres partenariats avec Hublot, EA Sports ou encore Nike. D’après Le Parisien, ce sont les collaborations de l'équipe nationale avec Betclic, Coca-Cola et KFC qui gêneraient Mbappé, sensible aux problématiques liées à la nutrition et aux paris sportifs. Son avocate Maître Delphine Verheyden échange sur le sujet depuis plusieurs mois avec la FFF, sans obtenir gain de cause. Ce qui explique le boycott de mardi, une décision qui pourrait faire date.

"Pas un coup de com'"

Si l’intelligence du génie de Bondy est souvent mise en avant, il faut aussi rappeler qu’il est très bien entouré, insiste Magali Tézenas du Montcel : "Son avocate est extrêmement compétente, elle fait très attention à l’image des sportifs dont elle s’occupe. Ce n’est pas du tout le genre à faire un coup de com’. Mbappé a peu de partenaires, il est engagé, reverse régulièrement de l'argent à des associations." En prenant cette décision, Kylian Mbappé crée donc un précédent qui va dans le sens de plus de concertation entre la FFF et les joueurs au sujet du choix des partenaires. Si le geste est louable, cette perspective est-elle plausible ?

« S’il faut obtenir l’accord des joueurs pour signer des partenaires, ça va poser quelques problèmes. Un joueur qui joue pour une institution doit être solidaire du modèle économique de l’institution ou de la compétition. Ça risque de se multiplier, ne serait-ce que pour les autres joueurs de l’équipe de France. »

Magali Tézenas du Montcel

à franceinfo: sport

Magali Tézenas de Montcel résume : "Pour l’image, c’est bien, on préfère des personnalités avec des aspérités. D’un autre côté, pour le modèle économique du football, je ne vois pas comment ça peut se concilier. Où est-ce qu’on met le curseur ? Aucune marque ne sera à 100% incriticable." 

Une position appuyée par Gary Tribou, maître de conférences à l’université de Strasbourg : "Les meilleurs sponsors sont ceux qui ont des choses à se faire pardonner, on appelle ça du sponsoring de disculpation. Si on se met à pinailler, ce que je peux comprendre d’un point de vue éthique, on arrête par exemple la Coupe du monde au Qatar. Ca peut mener loin. C’est une remise en cause assez fondamentale du foot business."

La FFF joue la carte de l'apaisement

En attendant, la question qui demeurait était celle des possibles sanctions envers le Français. "La seule porte de sortie, c’est de minimiser l’affaire. Personne n’a intérêt à en faire une affaire d’Etat à la une des médias", prophétisait Gary Tribou, quelques minutes avant que Noël Le Graët ne sorte du silence dans l’Equipe [article payant]. "Une lettre des avocats de la Fédération va être adressée à Mbappé et son avocate, a confirmé Le Graët, qui s’est dit contre toute forme de sanction. On va voir point par point ce qui pose problème. On souhaite améliorer les choses et que les gens soient contents, sponsors et joueurs."

Le président de la FFF rappelle, au passage, que "tout ce qui est recettes va au football amateur (90 M€ cette saison) et à la formation". Le Graët a indiqué se contenter d’une discussion ces prochains jours avec la star des Bleus, avant de conclure : "Les petits soucis, ça fait partie de la vie. Kylian sera sur la pelouse à Marseille et j'espère qu'il va être bon."

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