Cet article date de plus de six ans.

"Le foot m'a tout apporté et il m'a tout repris" : Bernadette Adams, la femme du footballeur plongé dans le coma depuis 36 ans, témoigne

Une bénigne opération du genou a plongé l'ancien joueur de l'équipe de France, Jean-Pierre Adams, dans un coma végétatif qui dure depuis 36 ans.

Article rédigé par Cécilia Arbona
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Bernadette Adams, 74 ans, veille depuis 36 ans sur son mari, le footballeur international Jean Pierre Adams. (CECILIA ARBONA / RADIO FRANCE)

Une erreur d'anesthésie a brisé la vie de Jean-Pierre Adams. Le 17 mars 1982, le joueur de l'équipe de France est opéré au genou. Mais l'intervention, pourtant bénigne, tourne mal. Une erreur d'anesthésie le plonge dans un coma végétatif. Ajourd'hui, alors qu'il vient de fêter ses 70 ans, Jean-Pierre Adams semble toujours dans un autre monde : il respire, il mange mais il ne parle pas. Son épouse est à ses côtés, elle veille sur lui.

Jean-Pierre Adams, le 13 octobre 1972 à Paris, lors du match France - URSS (1-0). (AFP)

Bouquets de fleurs

Dans sa villa de Caissargues, dans le Gard, Bernadette Adams contemple avec tristesse les bouquets de fleurs qu'elle a reçus pour les 70 ans de son mari. "Cela me peine, forcément. Mais d'un autre côté, je suis contente que l'on pense encore à lui." Bernadette est une femme énergique, blonde aux yeux bleus, une grand-mère "dans le coup" pour ses petits-enfants mais depuis 36 ans.

Elle est surtout le phare, la bouée d'un mari alité et dépendant. "Je suis tout à la fois infirmière, garde-malade, docteur, kiné." Au fil des années passées aux chevet de son mari, Bernadette a appris à lire en lui : "Il entend, ça c'est certain. Je ne dirais pas qu'il comprend, ou alors par instant, ça se voit à sa bouche qui remue."  Bernadette Adams résume en quelques mots sa vie au service de son mari dépendant : "Le foot m'a tout apporté et il m'a tout repris." Car elle épouse Jean-Pierre Adams en 1969, un an avant qu'il intègre le club du Nîmes Olympique. Le défenseur jouera ensuite à l'OGC Nice et au PSG.

La "garde noire" de l'équipe de France

En 1972, Jean-Pierre Adams rejoint surtout l'équipe de France. C'est à cette époque qu'il forme avec Marius Trésor la charnière centrale des Bleus. Il est alors au faîte de sa gloire. Marius Trésor, aujourd'hui consultant pour la chaîne des Girondins de Bordeaux, s'en souvient parfaitement : "Stéphane Kovacz, sélectionneur de l'équipe de France, avait trouvé une bonne formule. En Pologne notre performance avait été à la hauteur et dans son discours d'après-match, il avait simplement dit : ce soir j'ai trouvé ma garde noire."

Mais Jean-Pierre Adams était aussi capable de partir à l'assaut des buts adverses, comme lors du match qualificatif pour la Coupe du monde qui opposait la France à l'URSS, le 13 octobre 1972, lors de l'inauguration du Parc des Princes.

Un ami "disparu en étant toujours là"

Plus de 36 ans après l'erreur d'anesthésie, Marius Trésor, 68 ans désormais, est toujours hanté par l'histoire de son ami. "Même si Jean-Pierre se réveille maintenant, il ne reconnaîtra pratiquement rien. Alors est-ce que ça vaut le coup de continuer à vivre comme ça, s'interroge son ancien co-équipier ? S'il devait m'arriver quelque chose de ce genre, j'ai dit à ma femme de ne rien faire pour me retenir."

Dans les années 70, Marius Trésor composait, avec Jean Pierre Adams,  la charnière centrale de l'équipe de France. (CECILIA ARBONA / RADIO FRANCE)

Même chagrin et même embarras chez Michel Mézy, l'ex-entraineur du Nîmes Olympique qui, les larmes aux yeux, est partagé sur le cas de son copain Adams : "Il était tellement avide de vie. C'est ça qui me fait le plus mal. Il s'est dit "je vais tout manger". Peut-être que la vie l'a emporté. Il y avait trop de vie en lui. Et aujourd'hui il n'y en a plus. C'est d'autant plus dramatique que c'est un ami qui a disparu en étant toujours là."

Impossible "d'arrêter de lui donner à manger" 

Marius Trésor et Michel Mézy ne parviennent pas à venir saluer leur ancien camarade. Difficile à comprendre pour Bernadette qui avance tout de même une explication : "Peut-être qu'ils manquent de courage. Je leur pardonne." En revanche, il y a une chose qu'elle n'accepte pas... "Les gens sur Facebook disent qu'il faut le débrancher, tonne-t-elle. Mais il n'est pas branché ! Moi je ne me sens pas le courage d'arrêter de lui donner à manger ou à boire." Si le temps s'est arrêté pour Jean-Pierre Adams, dont le visage lisse est celui d'un homme sans âge, son épouse de 74 ans s'inquiète à l'idée de partir avant lui : "On ne sait pas combien de temps ça va durer." 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.