En nommant Zidane au Real, Pérez espère avoir trouvé son Guardiola
Depuis son retour à la tête du Real Madrid en 2009, Florentino Pérez n’a qu’une obsession : faire tomber de son piedestal le FC Barcelone. Il pensait y être arrivé en embauchant José Mourinho mais son vestiaire n’y a pas survécu. Carlo Ancelotti lui a offert la Decima mais l’Italien, adoré de ses joueurs, avait un profil peut-être trop similaire à Vicente Del Bosque (sage, respecté, fin tacticien, mais pas sexy). En fait, depuis son retour à la tête du Real, Pérez gardait un as dans sa manche, préparait scrupuleusement un projet qu’il mûrit depuis longtemps et qui a pris forme lundi soir : nommer Zinédine Zidane à la tête du Real. Car Zidane, dans son esprit, peut-être à la Maison Blanche ce que Pep Guardiola a été pour l’ennemi juré catalan. Son guide. Les deux hommes n’ont qu’un an d’écart (43 ans pour Zidane, 44 ans pour Guardiola) et partage plusieurs points communs.
Des légendes dans leur club
Les deux hommes n’ont pas été les joueurs d’un seul club, mais Zidane comme Guardiola sont à jamais associés aux deux géants espagnols. "ZZ" a écrit ses plus belles années au Real Madrid où il a terminé sa carrière (2001 à 2006), tandis que Pep a été formé et a explosé au FC Barcelone (1990-2001). Les deux ne se sont jamais affrontés en Liga alors qu’un Clasico aurait été savoureux entre ses deux milieux de terrain. Si le Français a été le meneur de jeu génial que l’on connaît, l’Espagnol a éclaté sous la houlette de Johan Cruyff qui a lancé dans le grand bain ce jeune de 19 ans à un poste de meneur de jeu reculé juste devant la défense.
Guardiola a tracé le sillon dans lequel les Pirlo, Xabi Alonso, Busquets, Xavi se sont installés. Il n’était pas le plus rapide, ni le plus technique mais il était le cerveau de la fameuse Dream Team de Cruyff. Zidane, lui, est arrivé au Real en 2001. Il était déjà une star quand Guardiola en est devenue une. Acheté à prix d’or (75 millions d’euros, le plus gros transfert à l’époque), il a laissé une trace indélébile au Real pour les succès qu’il a offerts (le but en finale de C1 contre le Bayer Leverkusen en 2002), mais aussi pour les touches de son talent qu’il distillait au Bernabeu. Le chroniqueur du quotidien As, Juanma Trueba, a parlé un jour d’une "irruption de beauté". Enfin et évidemment, au Real, comme au Barca, ils ont tout gagné : Ligue des champions, Liga.
Des mentors prestigieux
Zidane et Guardiola ont joué dans les plus grands clubs du monde (Barcelone, Juventus, Real Madrid) et ont donc cotoyé les plus grands entraîneurs du monde. Pep a été façonné par Johan Cruyff. Le Batave a largement inspiré le joueur et l’entraîneur en instillant en lui sa philosophie de la possession de balle, le fameux tiqui-taka qui a fait la renommée du Barca de Guardiola. "Je suis fier de lui, avait déclaré le Hollandais lors d’une interview à France Football. Il est l'incarnation de nous tous qui, à quinze, dix-huit ans, étions petits et maigrichons. Sans Pep, il aurait été difficile de monter une telle équipe, car il faut comprendre les problèmes des joueurs de petite taille. Il a eu le courage de les mettre ensemble et compris que, quand tu as le ballon, l'adversaire ne peut pas te mettre un but. Le Néerlandais a d’ailleurs été à l’initiative de sa nomination sur le banc après le départ de Frank Rijkaard. Cruyff avait dit à Juan Laporta que Guardiola était prêt à prendre les rênes de l’équipe première quand le golden boy catalan voulait nommer José Mourinho.
Le Français, lui, a beaucoup appris aux côtés de Marcelo Lippi, le seul qui lui a fait confiance à ses débuts à la Juventus. Il a découvert la "culture de la gagne" et approfondi l’aspect tactique. A la fin de sa carrière en 2006, Zidane s’est cherché avant de revenir près des terrains. Dans l’ombre de Mourinho et d’Ancelotti, il a vu et écouté. De l’Italien, il a appris "que la relation avec les joueurs est essentielle, déclarait-il dans France Football en juin 2015. Son idée de base est de mettre le joueur dans les meilleures conditions possibles pour réussir. Il ne varie jamais sur ce principe". Du Portugais, il retient "la compétence". Selon lui, Mourinho était "capable de tout chambouler au bout de 45 minutes, à la fois les joueurs et la tactique. Pas beaucoup d’entraîneurs sentent ces choses-là et, surtout, arrivent à changer le cours du jeu. Lui, oui".
Deux "projets présidentiels"
Zidane comme Guardiola sont arrivés à la tête des deux plus grands clubs du monde car ils incarnaient le projet de leur président. En 2007-2008, lors de la saison précédant l’arrivée de Guardiola, le Barca de Joan Laporta vit des heures sombres et assiste au sacre de l’ennemi madrilène. S’il est un temps tenté par Mourinho pour remplacer Rijkaard, le président du Mes que un club se range vite du côté de l’avis de son conseiller spécial, Johan Cruyff. Pep Guardiola est l’homme idéal : il connait la maison, il est jeune, charismatique, c’est une légende au Barca et surtout il est catalan. Comme Laporta. Cette nomination calme les socios et sera un succès total. La réussite du Barca de Guardiola servira les ambitions politiques de Laporta.
Pour Zidane, c’est un peu la même chose. La fronde des socios contre Perez commençait à prendre de l’ampleur. Accusé d’avoir éjecté Ancelotti, qui était très apprécié, unique artisan de la venue - et responsable du fiasco - de Rafa Benitez, Perez cristallisait le mécontentement. La nomination de Zidane ramène la paix sociale au Real et soulage son président. Zidane c’est son idée, son projet. Depuis qu’il est revenu à la tête du Real en 2009 et depuis que le Français s’est mis en tête de devenir entraîneur, Pérez gardait cette carte. Il l’a joué. C’était sa dernière.
Le passage par les équipes de jeune
Avant d’être lancé dans le grand bain, Zidane et Guardiola sont passés par la case "équipe jeune". Pep Guardiola a été nommé entraîneur du Barca B le 21 juin 2007. Pendant un an il va couver des joueurs qu’il emmènera avec lui en équipe première (Busquets, Pedro). Pendant un an, il fait ses gammes et apprend le métier. Prendre en main les jeunes a été une première étape pour les deux hommes puisque Zidane aussi a dirigé les jeunes de l’été 2014 à ce dimanche 3 janvier 2016. Une manière de découvrir le métier et de l’appréhender. Une manière de se préparer aussi à de plus hautes responsabilités.
"Il a commencé à mettre les mains dans le cambouis avec l’équipe réserve du Real Madrid, a déclaré Eric Roy dans L’Equipe. Est-ce qu’on s’est posé la question quand Guardiola était entraîneur de la réserve du Barca et qu’il s’est retrouvé entraîneur de l’équipe première ?". Pour Juan Manuel Lillo, l’autre mentor de Guardiola avec Cruyff, Guardiola a expérimenté avec le Barca B. "Moi, le Barca qui m’a captivé, c’est celui du Barca B. Et il n’y avait pas Messi. C’était des petits enfants sur des terrains de troisième division contre des adversaires qui avaient les dents longues. Et si vous regardez comment l’équipe a joué du début jusqu’à la fin de saison, ils dominé tous leurs adversaires et sont montés" en Segunda B.
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Des voyages pour s’inspirer
Avant de s’asseoir sur un banc, Guardiola et Zidane ont voyagé. Ils ont voulu apprendre au plus près de leurs héros. Voir par eux-mêmes, découvrir de leurs yeux les méthodes. Pour les comprendre, les apprendre, les digérer pour mieux les enseigner plus tard. Dès son départ du Barca en 2001, Guardiola sait où il veut aller. Son destin est de devenir entraîneur. Sa lente et longue fin de carrière va le conduire en Italie, au Qatar et enfin au Mexique. Des choix de carrière bien réfléchi. En Italie, il rencontre Fabio Capello et se frotte à la Série A, qui est encore à l’époque le meilleur championnat d’Europe. S’il échoue au Dorados de Sinaloa au Mexique, c’est surtout pour retrouver son ami et mentor Juan Manuel Lillo. L’Argentin est l’autre grand inspirateur de Pep Guardiola. Avec lui, il va passer des heures à discuter ballon rond.
César Luis Menotti, Marcelo Bielsa, Arrigo Sacchi, Ricardo La Volpe - sélectionneur du Mexique durant le Mondial 2006, une équipe qui a séduit Guardiola - seront aussi des interlocuteurs particuliers du Catalan. L'anecdote de sa rencontre avec "El Loco" est savoureuse : pendant 11 heures, les deux hommes dissèqueront le football. Et à la fin Guardiola en sortira avec un principe, il ne donnera pas d’interview individuelle aux journalistes, seulement des conférences de presse. Au cours de sa formation au centre de droit et d’économie du sport, Zinédine Zidane aussi vu du pays. Il est allé voir Bielsa à Marseille, Guardiola au Bayern Munich. Des stages de plusieurs en immersion qui entrait dans le cadre de sa formation d’entraîneur.
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Le style
Dernier point commun entre les deux hommes : le style. De jeu déjà puisque les deux hommes prônent un football offensif. Mais les deux hommes se ressemblent aussi sur le plan physique. Même génération on l’a dit, même calvitie désormais totalement assumée et aussi même style vestimentaire sur le banc de touche. Déjà sur le banc de la Castilla, Zidane arborait le combo pantalon noir-chemise blanche - cravate noire. Dès ses débuts sur le banc du Barca, Guardiola aussi a commencé à sortir le costume, une habitude qu’il a conservé les soirs de match. Ses joueurs sont en maillot, lui sa tenue de match, c’est le costard. Le costume noir, la cravate noire, c'est la tenue qu'a choisi Zidane pour sa première conférence officielle en tant qu'entraîneur du Real. Loués pour leur beau jeu durant leur carrière, les deux hommes vont poursuivre dans cette voie sur le banc.
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