Liga : Pablo Machín, l'itinéraire d'un entraîneur qui s'est fait tout seul
Victor Hugo disait : "Je serai Châteaubriand ou rien". Pablo Machín, lui, sera lui-même et personne d'autre. C'est en tout cas ce qu'il répond quand on lui demande d'évoquer ses inspirations. Ce caractère bien trempé s'est forgé à Numancia, là où il a commencé sa carrière de joueur mais surtout son cursus d'entraîneur.
Car s'il a été joueur professionnel, ce n'est qu'en tant que coach qu'il a pu s'exprimer. A l'âge de 23 ans, sa trajectoire a été stoppée par une blessure au genou en 1998. Il rebondit deux ans plus tard en tant que technicien, prenant les rênes des équipes de jeunes du CD Numancia. Pendant sept ans il engrange de l'expérience dans les catégories inférieures du club, passant notamment par la réserve.
"Qu'est-ce que tu racontes, j'ai le même âge que toi"
En 2007, Machín rejoint le staff de Gonzalo Arconada dans l'équipe première. Alors âgé de 32 ans, il ne peut rêver meilleur lancement dans le grand bain. Numancia devient champion de deuxième division devant des équipes mieux armées comme Malaga ou le Sporting Gijon. Le club est promu en Liga.
De la réserve de Numancia à la tête de la Liga
"C'était ma meilleure saison en Espagne", se remémore Grégory Béranger alors titulaire toute la saison au poste de latéral gauche. Lui qui a passé presque 10 ans en pays ibérique conserve un souvenir intact de cette année passée aux côtés de Pablo Machín. Le Français, aujourd'hui entraîneur des U14 d'Elche, décrit un personnage méticuleux.
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"C'est un homme assez sérieux, très centré sur le travail. Il avait toujours deux ou trois détails sur chaque joueur adverse", explique Béranger. Mais cela ne l'empêche pas d'être "proche et à l'écoute" des joueurs. "Pour le chambrer, je lui disais : 'qu'est-ce que tu racontes, on a le même âge'", en rigole encore le Français qui a "conservé une super relation" avec Machín alors qu'il ne l'a coaché qu'une saison.
"Quand tu parles football avec lui, il a ses idées, ce n'est pas le genre d'entraîneur qui copie". Grégory Béranger raconte que Pablo Machín a beaucoup échangé avec Pep Guardiola la saison passée. Il faut dire que Gérone, où il était entraîneur l'an passé, est un club partenaire de Manchester City. Depuis ces échanges, il n'a pas fléchi.
L'apologie de la création originale
Pablo Machín est un des rares techniciens à avoir adopté un dispositif en 3-5-2. "Un système révolutionnaire en Espagne", selon Béranger. Il l'a notamment instauré en 2014 en tirant le club de Gérone d'une très mauvaise passe. Alors dans la zone rouge en seconde division, le club catalan a été sauvé, puis est monté en Liga. L'année dernière, il s'est même offert le scalp du grand Real Madrid et n'a pas été très loin d'une place européenne.
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Ce sont ces prouesses qui ont valu à Machín l'intérêt prononcé du FC Séville, qu'il a rejoint cet été. "Il est arrivé en position de force parce qu'ils le voulaient vraiment. Il a pu faire signer les joueurs qu'il souhaitait", explique son ami Grégory Béranger. Malgré quelques sifflets entonnés à son encontre en début de saison, Pablo Machín est aujourd'hui leader du championnat espagnol, devant le Barça.
Rien ne le prédestinait à atteindre les sommets. Né dans la petite commune de Gómara, dépourvue de terrain de foot, au sein d'une famille peu intéressée par le ballon, "il s'est battu tout seul et ne doit rien à personne", raconte Béranger. Machín est sûr de lui et ce n'est pas l'instabilité d'un club comme le FC Séville qui lui fait peur.
L'an passé, trois entraîneurs se sont succédés à la tête de l'équipe (Berizzo, Montella et Caparros). De surcroît, il récupère un effectif chamboulé par le mercato. Lenglet, Rico, N'Zonzi, Pizarro... Au total 14 joueurs ont plié bagage. En dépit de tout cela, une petite dizaine de matches a suffi pour qu'il trouve la solution et appose sa patte.
Une organisation tactique déjà opérationnelle
Cette solution ? Son bon vieux 3-5-2. Machín demande un effort intense et en bloc sur phases offensives et défensives. La principale force de son équipe tient à sa propension à se procurer des occasions. Verticalité et largeur sont recherchées et, pour ce faire, il s'appuie sur la qualité de passe de ses trois milieux axiaux, à savoir Ever Banega, Franco Vazquez et Pablo Sarabia. Ce dernier a été recentré et excelle d'un point de vue statistique (13 buts et 6 passes décisives déjà).
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Le but n'est pas de confisquer la balle dans l'axe. Au contraire, le site spécialisé lagrinta.fr note que 74% des attaques passent sur les ailes, où des jeux en triangle et autres combinaisons font souvent mouche. Guilherme Araña s'est vu confier les clés sur l'aile gauche et à droite c'est un Jesus Navas ressucité que l'on voit cavaler. Résurrection aussi pour André Silva, dans l'impasse à Milan. Son association complémentaire avec Wissam Ben Yedder en est déjà 17 buts cette saison.
Cette organisation tactique fait aujourd'hui que son FC Séville est la meilleure équipe de Liga, du moins pour l'instant. Le Real Madrid se souviendra longtemps de la déculottée concédée à Sanchez-Pizjuan le 26 septembre dernier (3-0). Mais comme tout technicien de premier plan, le perfectionnisme veut que Pablo Machín exige "un bloc équipe plus équilibré". La victoire d'accord, mais la manière aussi. Ce sera le plan de route pour ses joueurs ce dimanche pour un beau test à Alavés, autre équipe surprise de ce début de saison et pour l'heure quatrième du championnat.
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