Reprise de la Liga : à huis clos, le derby de Séville perd de sa saveur
Une ville en ébullition, les couleurs des deux clubs de sortie - le blanc et rouge pour le FC Séville et le vert et blanc pour le Betis –, et des médias qui ne parlent que de ce 98e derby de l’histoire du championnat entre les deux équipes. Voilà ce à quoi devait ressembler l'ambiance autour de la rencontre qui se déroulera ce soir entre le FC Séville et le Betis Séville au stade Ramón Sánchez Pizjuán. Mais voilà, après plus de trois mois d’interruption liée à l’épidémie de Covid-19, le championnat d’Espagne reprend ses droits ce jeudi soir avec un derby qui perd inévitablement de sa saveur en raison du contexte actuel.
Pour la Liga, le coup de communication n’est pas dénué de tout sens : une reprise avec un derby, le projet est porteur. Mais le contraste entre l’ambiance, à l’intérieur et en-dehors du stade, qui fait de ce match LE derby d’Espagne, et celle à laquelle les téléspectateurs pourront assister ce soir, peut remettre en question cette initiative. Le FC Séville et le Betis, deux clubs centenaires dont les stades sont distants de quatre kilomètres, sont intimement liés. Selon les historiens du football espagnol, le second serait né d’une scission avec le premier en 1907. C'est cette histoire et la rivalité qui en découle qui font de chaque rencontre entre les deux équipes un match unique.
"Je ne sens pas d'enthousiasme dans la ville"
"La semaine du derby, la vie s’arrête à Séville, les gens laissent de côté le reste", expliquait en 2017 Dani Ceballos, formé au Betis, mais également par le FC Séville dans les catégories de jeunes, qui évolue dorénavant à Arsenal. "Dès que je suis arrivé là-bas, j'ai senti l'engouement pour cette rencontre qui était celle à ne pas perdre", raconte quant à lui Sébastien Squillaci, défenseur du FC Séville pendant deux saisons (2008-2010) et désormais formateur au centre de formation de l'AS Monaco. Mais pour ce nouveau derby, la situation est forcément moins festive que lors des dernières confrontations. L’Espagne, qui a recensé 289 000 cas de coronavirus dans le pays, déplore plus de 27 000 morts. Dans ce contexte, même s’il permet de remonter le moral à la population espagnole, le retour du football apparaît secondaire.
"Je ne sens pas d’enthousiasme dans la ville. Les gens sont contents du retour du football après trois mois d’arrêt, mais c’est tout", témoigne Carlos Urbano, journaliste spécialiste du Betis Séville. Les jours qui précèdent la rencontre sont généralement l’occasion de voir les supporters des deux camps se croiser dans les rues, se taquiner et argumenter sur le club qui a la plus belle histoire. "On sentait un énorme emballement quelques jours avant le match, souligne Sébastien Squillaci. Il y avait beaucoup de folklore dans les rues." Mais avec le contexte actuel, "tout paraît très froid en ce moment par rapport à ce qu’un derby représente en temps normal", souligne Carlos Urbano.
Alors que les médias espagnols devraient également s'étaler sur cette confrontation historique, la plupart se concentre principalement sur les enjeux de cette fin de saison et les conditions particulières de la reprise. "Avec ce qu’on voit en Bundesliga, certains pensent que le grand gagnant du huis clos est le Betis", précise Carlos Urbano, alors que le taux de victoires à domicile a grandement chuté dans le championnat allemand. Finalement, ce que le journaliste spécialiste du Betis Séville craint le plus autour ce derby sont les potentiels débordements.
Un dispositif policier important autour du stade
Alors que le côté chaleureux et bon enfant de ce match prédomine d’ordinaire avant et pendant les rencontres entre le FC Séville et le Betis, les débordements entre supporters ne sont jamais loin, caractéristique d’une rivalité historique. "C'était toujours très chaud, dès qu'on rentrait sur le terrain, on sentait une forme d'agressivité", explique Sébastien Squillaci. L’autre derby de l’histoire à s’être joué à huis clos, il y a treize ans, s’était d’ailleurs déroulé au paroxysme des tensions entre supporters des deux clubs dans les années 2000. Le 28 février 2007, le quart de finale retour de la Coupe du Roi entre les deux équipes au Benito Villamarín, le stade du Betis, avait été interrompu à la 57e minute de jeu.
Juande Ramos, l’entraîneur du FC Séville, avait ainsi reçu une bouteille en verre sur la tête alors que son équipe venait d’ouvrir le score. La dernière demi-heure de ce derby s’était donc déroulée à huis clos, à Getafe, près d’un mois plus tard. "Tout simplement lamentable", avait affirmé Jaime Lissavetzky, le secrétaire d’État au Sport espagnol de l’époque. "C’était un spectacle honteux", confirme Carlos Urbano. Si la situation a bien évolué, que les tensions sont retombées depuis et que ce derby se jouera sans supporters, "la rencontre reste à haut risque", juge le journaliste espagnol.
Alors que des supporters ultras des deux camps pourraient se retrouver ce soir autour du stade Jamón Sánchez Pizjuán, des mesures de sécurité ont été prises pour contenir de potentiels affrontements : plus de 1 000 policiers seront mobilisés ce soir pour apporter une réponse "adaptée aux circonstances" selon les autorités, un dispositif considérable pour un match à huis clos. Un stade sans supporters, une ville peu concernée par une rencontre qui transcende généralement les deux camps et un dispositif policier exceptionnel malgré les circonstances. Ce derby de reprise a donc bel et bien une saveur bien particulière, à laquelle les joueurs goûteront ce soir, à l’occasion de la 28e journée la Liga.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.