A Lens, dans les coulisses de la reprise d'un promu modeste mais pas comme les autres
De retour à l’entraînement depuis le 24 juin, le RC Lens a patienté une dizaine de jours avant d’entrouvrir les portes de son vaste centre d’entraînement de La Gaillette. Pour l’occasion, la presse locale et nationale a largement répondu à l’appel, bien plus que pour un simple promu en temps normal. Et pour cause : le RC Lens est tout sauf un simple promu. C’est un club phare du football français qui revient enfin en Ligue 1 avec son fervent public. Mais en cette première séance d’entraînement ouverte à la presse, les supporters lensois ne sont pas conviés, protocole sanitaire oblige. Le peuple Sang & Or devra encore patienter pour fêter une montée officialisée en plein confinement. "Ce sont des moments qu’on a envie de vivre et partager avec plus de monde, mais on avait eu le temps de se faire à l’idée. Ça n’empêche pas la satisfaction du travail accompli, mais il manque la fête", glisse le coach lensois Franck Haise.
Une montée en puissance à tous les niveaux
En attendant cette fête tardive, le groupe lensois se dirige vers son terrain couvert, malgré le beau soleil qui brille sur le bassin minier. A l’intérieur, sur la pelouse synthétique, plusieurs ateliers physiques attendent les Sang & Or. "La préparation est plus longue que d’habitude, donc on l’organise en 3 phases : d’abord les tests médicaux et la reprise, puis les premiers matchs amicaux dès le 16 juillet, avec plus de travail collectif. Ensuite, après une petite coupure, on passera de la préparation à la compétition", détaille Franck Haise. En ce vendredi, c’est donc travail physique, puis technique. "On monte progressivement en intensité, on a déjà retouché le ballon. Je trouve qu’il y a beaucoup d’intensité après une si longue coupure. Le niveau est très bon", se réjouit le milieu Yannick Cahuzac, qui passe tous ses ateliers physiques avec son compère Jean-Louis Leca, lui aussi corse et ancien du SC Bastia.
Une bonne demie heure plus tard, le groupe quitte le dôme de la Gaillette pour la pelouse voisine. Sur un terrain fraîchement tondu, les joueurs enchaînent les ateliers techniques pendant une petite heure. "C’est important de retoucher le ballon après une si longue coupure", explique le coach. En retrait, Franck Haise observe silencieusement chaque exercice pendant que ses adjoints, Alou Diarra en tête, animent la séance. "C’était ma volonté d’avoir un deuxième adjoint technique pour pouvoir prendre plus de recul que jusqu’alors, pour intervenir au moment où je le souhaite", témoigne l’entraîneur dont le staff s’est effectivement agrandi depuis la fin de saison dernière en Ligue 2. Un département "performance et optimisation" a ainsi été créé, en débauchant Laurent Bessière et Ghislain Dubois du Stade de Reims. "On a besoin d’optimiser notre potentiel et le collectif. Je souhaitais de l’expertise parce qu’il y a des domaines où je ne suis pas compétent", reconnaît modestement Franck Haise.
Engouement, modestie et inexpérience
Cette modestie, on la sent d’ailleurs à tous les niveaux d’un club qui retrouve son rang en revenant en Ligue 1, mais qui refuse de se voir trop beau, trop vite. "On arrive avec beaucoup d’humilité", répète Franck Haise, qui n’a que deux matches au compteur à la tête du RC Lens, et autant en Ligue 1 lors d’un intérim à Lorient en 2016. Mais pas de quoi l’effrayer pour autant : "Il faut bien commencer un jour, tous les entraîneurs sont passés par là". De toute façon, le coach lensois n’est pas le seul à manquer d’expérience en Ligue 1 au RCL, que ce soit au sein du vestiaire, du staff ou même des dirigeants. "On n’a pas tous vingt ans de Ligue 1 derrière nous, mais il y a de l’expérience quand même dans l’équipe, le staff et la direction. Je ne pense pas qu’on paiera notre inexpérience. Le RC Lens saura se faire entendre, surtout sur le terrain et ça c’est mon rôle". Du haut de ses sept saisons en L1, Yannick Cahuzac rassure : "Le staff et les dirigeants ont prouvé l’an dernier qu’ils avaient le niveau. La montée c’est la réussite de tout un club. A Lens, il n’y a peut-être pas énormément d’expérience , mais il y a beaucoup de compétences".
A 35 ans, celui que ses coéquipiers surnomment “Cahu” est un des cadres du vestiaire lensois. "Même en L2, j’essayais d’apporter tout ce que je pouvais. Et dans l’autre sens, j’apprends beaucoup des jeunes : ils m’amènent toute leur fougue, leur jeunesse, leur qualité au quotidien. Mais je ne pense pas avoir plus de responsabilités que ça", minimise Cahuzac. Le vécu du milieu corse et de son compère Jean-Louis Leca seront toutefois bien utiles à Franck Haise et ses troupes pour se hisser au niveau de la Ligue 1 : "Je n’ai pas de baguette magique (rires). Il faut insister sur le travail et l’état d’esprit. Certes il y a des différences importantes entre L2 et L1, mais on a des cadres expérimentés et un certain nombre de joueurs qui vont passer le cap. Le chemin est long et passe par beaucoup de travail et d’humilité", glisse le coach. Sur le terrain d’entraînement, le sérieux des troupes lensoises, malgré la présence des caméras pour la première fois de l’été, lui donne raison.
Bollaert : l'atout majeur pour le maintien
Cette humilité et cette modestie caractérisent aussi les ambitions du RCL pour la saison : le maintien, et c’est tout. Avant de quitter la Gaillette, Yannick Cahuzac justifie ainsi en point presse : "Lens est un grand club mais on vient de remonter, il ne faut pas aller plus vite que la musique. Je suis très optimiste pour atteindre cet objectif mais il ne faut pas se voiler la face : ce sera difficile. On doit se concentrer sur ce maintien, puis pérenniser le club en L1. Après, il pourra grandir très vite". Un discours évidemment partagé par le coach, qui précise toutefois : "Ensuite, on ne se fixe pas de limites si on peut faire mieux". Auteur du penalty décisif pour la montée contre Orléans, l’attaquant Florian Sotoca ajoute : "Niveau supporters, on nous parle beaucoup du derby contre Lille. Ça va être un moment assez particulier, on espère faire plaisir à nos supporters. Il va y avoir de sacrés matches à Bollaert, j’espère qu’on va pouvoir faire plaisir à notre public".
Justement, ce public unique, toujours très nombreux et bruyant, sera-t-il un atout pour jouer le maintien, ou alors une source de pression supplémentaire ? "Je préfère jouer le maintien avec une ferveur, un stade plein et beaucoup d’envie, d’enthousiasme, plutôt que de jouer le maintien dans un stade vide et un contexte pesant", balaye Franck Haise. "La pression c’était plus de monter de L2 à la L1, parce que le public attendait ça depuis des années. Maintenant qu’on y est, on en a un peu moins", assure de son côté Florian Sotoca, qui salive déjà : "Quand vous êtes à côté du kop, vous avez du mal à vous entendre. Je me souviens du match contre Lorient cette saison, où il y avait 34 000 personnes, c’était fabuleux. Et là ça va être comme ça à tous les matches. On va profiter de ça, s’appuyer dessus et on espère faire de bonnes performances pour leur rendre ce qu’ils nous donnent".
En attendant, les joueurs Sang & Or sont privés de ce qui fait la force du club : ses supporters, souvent présentés comme les meilleurs de France. Pas autorisés à venir en ce vendredi d’entraînement à cause du protocole sanitaire, les supporters Sang & Or ne devraient pas l’être non plus pour les matches amicaux du club. Mais tandis que les joueurs et caméras quittent la Gaillette en début d’après-midi, le peuple Sang & Or est bien réuni. La scène se passe à la billetterie du stade Bollaert, où la campagne d’abonnement bat son plein. Dès l’ouverture, le club a ainsi vendu 4000 abonnements en une seule journée, dont 3079 nouveaux. Des chiffres qui annoncent un probable record d’abonnements à Bollaert, ce qui prouve bien que, derrière les discours humbles et modestes, se cache un promu pas comme les autres.
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