Ca s'est passé un 9 mai 1998 : Lens décroche son seul titre de champion de France
"Quand on me parle de 1998, ce n’est pas la Coupe du monde qui me vient en tête. C’est le titre de champion du RC Lens. C’était une émotion bien plus forte, beaucoup plus intense. J’ai pleuré à chaudes larmes quand on a gagné ce soir-là à Auxerre, mais pas pour les Bleus, même si j’étais très heureux", confie Gervais Martel, président du RC Lens en 1998. Et le mythique dirigeant lensois n’est pas le seul dans ce cas-là : "Je pense que pour tous les supporters lensois, le titre de champion, c’était plus fort. C’est incomparable. C'était tellement inattendu", confie Jérémy, qui était au stade d’Auxerre pour le match décisif le 9 mai 1998.
Metz et Lens mettent les cadors au pas
Un an plus tôt, le RC Lens bataillait à l’autre bout du classement, et se maintenait tout juste en première division. Qui aurait pu penser que le club Sang & Or allait jouer le titre, aux côtés de l’OM, Monaco ou Nantes ? Personne. Et encore moins que les Lensois se disputeraient la couronne nationale avec une autre équipe surprise : le FC Metz. "On sortait d’une saison compliquée. L’objectif, c’était d’obtenir le maintien plus sereinement, et c’est tout", raconte Gervais Martel. Jérémy abonde : "La saison précédente est catastrophique. Daniel Leclercq, jusque-là adjoint, prend les commandes avec un recrutement discret. Mais on garde une bonne ossature mine de rien. De là à dire qu’on était confiant... Franchement, personne ne nous voyait jouer le haut du tableau, alors le titre..."
Le tournant, cela a été la victoire à Metz. Là, on a su que c’était possible.
Pendant plus de la moitié de la saison, le RCL ne joue d’ailleurs pas ouvertement les premiers rôles. Les Lensois laissent le soin à Metz de malmener l’OM de Courbis et l’AS Monaco de Tigana. "C’était ma première saison en tant qu’abonné, et quelle saison ! On a tapait tous les gros à domicile, Bollaert était imprenable !", se souvient toutefois Jérémy. En deuxième partie de championnat : tout s’accélère. Lens enchaîne les victoires. "Le tournant, cela a été la victoire à Metz. Là, on a su que c’était possible", se remémore Gervais Martel. Si bien qu’à la dernière journée du championnat, Lens devance Metz de deux points. Les Sang & Or ont leur destin entre leurs pieds, au moment d’affronter l’AJ Auxerre de Guy Roux, qui lutte pour l’Europe. De son côté, Metz doit battre Lyon à domicile.
Metz champion pendant une heure
Stade de l’Abbé Deschamps, Auxerre. Plusieurs milliers de supporters Lensois ont fait le déplacement pour ce match qui doit être celui du titre. "J’avais 14 ans, et j’ai réussi à me procurer des places. Le sentiment était spécial : on se sentait invincible, littéralement", affirme Jérémy. Pourtant, le RC Lens vient alors de perdre la finale de Coupe de France contre le PSG : "On s’en fichait, on se disait qu’on allait gagner le championnat à la place. Ca ne faisait aucun doute. Toute la semaine avant ce match, il y avait une incroyable énergie positive". Gervais Martel confirme : "On avait un avantage psychologique sur Metz depuis notre victoire chez eux. On n’était pas du tout inquiets, même après la finale perdue, et même si en face c’était l’AJ Auxerre de Guy Roux".
Pourtant, les Messins vont vite donner de quoi s’inquiéter aux Lensois. Sur leur pelouse, les Lorrains ouvrent d’entrée le score par Bruno Rodriguez. Quelques minutes plus tard, Auxerre prend l’avantage grâce à Sabri Lamouchi. A ce moment de la soirée, Metz est champion. "On le savait grâce à des radios, mais on était confiant. Ce soir-là, on était plus fort qu’Auxerre et on ne pouvait pas perdre", raconte Jérémy. Sur la pelouse, les Sang & Or dominent effectivement les débats, mais loupent de trop nombreuses occasions. Inarrêtable en cette fin de saison, Tony Vairelles n’arrive pas à régler la mire. A la mi-temps, le titre file entre les doigts lensois.
Il n’y avait pas de smartphones etc à l’époque. Tout le monde profitait du moment à maximum. L’ambiance était folle.
Au retour des vestiaires, la bande des Sikora, Déhu, Ziani et Drobnjak emmenée par le druide Daniel Leclercq reprend sa domination. Mais, comme un symbole, c’est un Ch’ti, enfant du pays, qui va offrir le titre aux Lensois. Formé au club, le latéral gauche Yoann Lachor déboule dans la surface et glisse le ballon dans le but auxerrois, après une merveille de passe de Frédéric Déhu. "Là, je ne vous raconte pas l’explosion en tribunes. Pour nous, c’était plié. On était champion. On n'imaginait pas perdre ce match. Au contraire, on pensait plutôt qu’on allait en remettre un ou deux…", assure Jérémy, qui poursuit : "Il n’y avait pas de smartphones etc à l’époque. Tout le monde profitait du moment à maximum. L’ambiance était folle". Et elle le restera longtemps après le coup de sifflet final. Lens est champion de France.
En pleine nuit, Bollaert se remplit
Après avoir longuement fêté le titre avec leurs supporters présents à Auxerre, les joueurs Sang & Or reprennent l’avion direction Lens. "On a atterri à l’aéroport de Lille-Lesquin vers 1h. Et là : une marée humaine Sang & Or", n’en revient toujours pas Gervais Martel. "L’autoroute jusque Lens était bouchée. Nous, on est vite remontés d’Auxerre pour faire la fête à Lens toute la nuit", développe Jérémy. Pendant ce temps-là, le centre-ville de Lens est en folie. Et bientôt le stade Bollaert qui, à 3h du matin, fait le plein.
On arrive au stade à 3h du matin, et là on voit 30 000 personnes. Que voulez-vous ? C’est Lens. C’était incroyable, impensable.
"On arrive au stade à 3h du matin, et là on voit 30 000 personnes. Que voulez-vous ? C’est Lens. C’était incroyable, impensable", se souvient, ému, Gervais Martel : "Il y avait des gens qui m’interpellaient pour me dire qu’ils n’étaient pas venus une fois au stade de la saison, mais qu’ils étaient fiers de nous. Certains n’aimaient même pas le foot". En pleine nuit, devant leur public, les joueurs fêtent le titre lors d'un long tour d'honneur insensé. Le début d’un long dimanche. "On savait que Téléfoot venait à Bollaert le matin, puis ensuite il y avait la parade. Je ne suis rentré chez moi qu’en fin d’après-midi le dimanche, après être parti tôt le samedi matin", se marre Jérémy, "J'étais épuisé, mais tellement heureux".
J’ai dû mettre une heure pour faire le trajet, sans profiter : j’avais trop peur d’écraser quelqu’un… J’aurais dû monter dans la benne avec les joueurs.
Le dimanche après-midi, la cité artésienne poursuit sa fête. Perchés dans une benne de tracteur, les joueurs tentent de rejoindre l’hôtel de ville. Gervais Martel raconte la genèse de ce drôle de défilé : "On n’avait pas de bus pour la parade. Un gars qui vendait des bennes près d’Arras a eu cette idée. C’est moi qui conduisait le tracteur : je ne l’avais jamais fait de ma vie. J’ai dû mettre une heure pour faire le trajet, sans profiter : j’avais trop peur d’écraser quelqu’un… J’aurais dû monter dans la benne avec les joueurs", sourit Martel, qui n’imaginait pas "vivre un tel moment". Aujourd'hui, la fameuse benne trône toujours au pied du stade.
Vingt ans plus tard, ce titre de champion reste le seul accroché par le RC Lens, qui n’a plus gagné. "On a fait plusieurs belles saisons ensuite jusque 2008, en frôlant le titre en 2002 et avec plusieurs campagnes européennes', énumère Jérémy. 'En 1998, tout était là : une génération dorée, une osmose, un peu de réussite. J’espère que cela se reproduira", prophétise Martel. Un an plus tard, Lens perd son titre mais poursuit son rêve éveillé en remportant la Coupe de la Ligue 1999 contre … le FC Metz. Jérémy conclut : "Ce titre de 1998 a changé l’Histoire du club. Avant, on ne parlait de Lens que pour son public. A partir de là, on était aussi les numéros un sur le terrain".
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