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Claude Puel tance le manque d'anticipation des instances du football face à la crise du Covid-19

Après le report de son premier match de Ligue 1 contre Marseille, l'AS Saint-Etienne a finalement démarré sa saison dimanche contre Lorient (succès 2-0). Le coronavirus chamboule les calendriers et les manières de travailler. Pour France tv sport, l’entraîneur des Verts, Claude Puel, observe cette situation avec inquiétude.
Article rédigé par franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Claude Puel lors du match aller Bordeaux - Saint-Etienne, le 20 octobre 2019. (NICOLAS TUCAT / AFP)

La Ligue 1 a démarré il y a deux semaines. Est-ce que ce championnat va aller à son terme ?  
Claude Puel : "Je n’en sais rien. On ne peut pas l’affirmer. On a reporté Lens-Paris SG, pour  rejouer cette rencontre 2 jours après un match international… Et on débute à peine la compétition. Sur le calendrier, il faut penser qu’on n’a qu’une date disponible de rattrapage, sur toute la saison 2020/21. Ça va être très compliqué."

Vous regrettez un manque de clarté de la part des instances du football français ?
CP :
"
Il y a des règlements qui sont édictés, mais ces règlements ne tiennent pas compte de la période que l’on vit. On ne connait pas les règles du jeu, tout simplement. On ne sait pas comment va se dérouler le championnat, quelles seront les conditions. On voit que dès la première journée de championnat, notre match a été reporté, et il y en aura surement d’autres, parce que le virus circule. 

"Si le championnat doit s'arrêter, il faut l'anticiper"

Il n’y a pas de dates pour récupérer ces matches, et notamment pour les clubs qui jouent les coupes d’Europe. Comment allons-nous faire ? Est-ce qu’on va être capable de finir ce championnat ? C’est une question qu’on doit se poser. On ne se la pose pas. On est toujours dans le 'on verra bien'. Si le championnat doit s’arrêter pour une raison ou une autre, il faut l’anticiper. 
Est-ce que ce sera une année blanche ? Est-ce que sera aux pourcentages de matches ? Il y a des équipes qui auront joué plus de matches que d’autres, c’est une vraie question… 
C’est une période très difficile pour tout le monde, il y a des mesures sanitaires, le respect de la santé des joueurs, du staff est primordial, mais nos instances doivent se pencher et regarder tous les cas de figure, anticiper et édicter des règles.

La Ligue 1 a-t-elle été lancée trop tôt ?  
CP : "Trop tôt, je ne sais pas, encore une fois, il faut des règles claires. Il y a des règlements qui ne sont peuvent pas être appliqués dans la période actuelle, avec le virus. On doit anticiper, ok, mais anticipons jusqu'au bout et fixons des règles. On a un certain recul, maintenant, avec la fin de saison dernière, avec l’arrêt du championnat, les montées et les descentes. Notre championnat débute, le virus circule, et toujours actif. On ne pourra pas tout anticiper ; mais au moins qu’on s’en donne les moyens."

Concrètement, comment faites-vous face à tous ces bouleversements ? 
CP : "Dans un premier temps, il a fallu sauver les clubs, trouver des ressources, et, ça se comprend. Après, il y a les aspects pratiques, concrets, sur le terrain. Nous techniciens, joueurs, on est dans l’anticipation permanente. D’un jour à l’autre, on peut passer d’un entraînement collectif à individuel, être privé de certains joueurs et disputer un match sans avoir fait d’entrainement collectif ou sans avoir travaillé les aspects techniques ou tactiques. On prépare les joueurs pour."

En 20 ans de carrière d’entraîneur, est-ce la première fois que vous avez eu une équipe aussi peu préparée, du fait du peu d’entraînements collectifs ou de match amicaux ? 
CP : "On fait au mieux. Déjà, il faut préparer physiquement et mentalement les joueurs. C’est une gymnastique très particulière, compte tenu des calendriers qui fluctuent. Il faut garder la fraîcheur mentale et physique des joueurs, bien doser les charges d’entraînements. Ça rajoute de l’incertitude, on peut se dire que ça rajoute du piment (rires).

"Il y a toujours un stress : y-a-t-il des cas positifs ?"

Comment se passent les tests dans votre club ?
CP :
"
On a deux tests par semaine. C’est une pression pour l’encadrement, pour les joueurs. Il y a toujours un stress : y-a-t-il des cas positifs ? Ça met une certaine pression sur les joueurs et le club. Et puis, ça engendre une gestion particulière, avec des entraînements isolés, sur des joueurs qui sont en quarantaine. A tout moment ça peut nous tomber dessus. On prépare les joueurs à ça, c’est notre travail."

Quand vous recevez les tests, quel état d’esprit êtes-vous?
CP :
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Le doc me téléphone ou me passe un message. Quand tout le monde est négatif, c’est un soulagement pour le staff, et bien sûr pour les joueurs en premier lieu. Les joueurs sont alors en quarantaine, à l’isolement, ils doivent reprendre toute une batterie de tests. C’est pesant."

Vous craignez des complications sur votre manière de gérer votre groupe ?
CP : "Nos équipes réserves sont confrontées à un problème majeur : elles jouent contre des amateurs, de niveau Nationale 2 ou Nationale 3. Les amateurs n’ont pas d’obligation de se tester, les professionnels oui. Comment va-t-on faire ? On va devoir compartimenter, c’est ce que font déjà la majorité des clubs. On fait des groupes bien distincts. Il n’y a plus de possibilité pour un jeune d’intégrer un groupe professionnel, ou pour un professionnel d’avoir des temps de jeu avec la réserve, ou des joueurs blessés de revenir avec la réserve pour avoir du temps de jeu et reprendre du rythme."

Le problème de jouer la Coupe de France face à des amateurs non testés

Ce problème risque de se poser pour la coupe de France…
CP : 
"
Evidemment. Comment allons-nous jouer la coupe de France ? Le monde professionnel joue contre le monde amateur. C’est une magnifique épreuve, mais à l’heure actuelle, les professionnels ne peuvent pas jouer contre des amateurs. C’est un vrai problème.

Est-ce que cette toute situation peut vous démotiver ?
CP : 
"
Non, non, quand on est entraîneur, on se doit d’affronter des choses. On est là pour essayer d’anticiper les choses, pour s’adapter. On est face à toutes sortes de contraintes. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’impondérables. On n’est pas sûr de l’équité de la compétition, de ce qui va se passer. Mais je suis dans l’action, en tant qu’entraîneur, je suis là pour avancer, je suis dans la compétition, malgré toutes les difficultés.

Propos recueillis par Vivien Roussel

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