Comment Pape Diouf a obtenu la bénédiction du peuple marseillais
Sa disparition mardi soir, à l'âge de 68 ans, a fait l'effet d'un coup de poignard. Unanime, le monde du sport a rendu hommage à Pape Diouf, icône du football français du XXIème siècle. Mathieu Valbuena, Samir Nasri, Djibril Cissé, André Ayew ou encore Habib Beye ont tous salué celui qu'ils considéraient comme un père, lorsqu'il était président de l'Olympique de Marseille entre 2005 et 2009. Même ses rivaux ont tenu à écrire un dernier éloge. Sur Twitter, Jean-Michel Aulas, son meilleur ennemi en Ligue 1, regrette la perte d'un "grand président, d'un homme droit, passionné et juste”.
Adoré par les siens, respecté par les autres
Au-delà du monde fermé du sport, la mort de Pape Diouf est avant tout un déchirement pour le peuple phocéen. Le Sénégalais n'a pas été qu'un simple président, il a su marquer l'histoire de l'OM pour en devenir une des trois grandes figures directrices après Marcel Leclerc et Bernard Tapie. "Pour moi, c'est Pape le plus grand de tous", nous souffle même René Malleville, supporter iconique du club. Chercher un supporter marseillais n'ayant pas les yeux qui brillent quand on lui parle de l'ère Pape Diouf est peine perdue. “Pendant mes trois saisons sur le banc de l’OM, j’ai pu mesurer sa popularité, immense, auprès des Marseillais dont il avait su gagner le coeur", a noté Didier Deschamps lors de son passage sur le banc du club entre 2009 et 2012.
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Pourtant, durant son mandat, Diouf n'a ajouté qu'un seul trophée au palmarès déjà bien garni de l'OM : une maigre et obsolète Coupe Intertoto en 2005. Il a été le patron de cet Olympique de Marseille battu deux fois de suite en finale de Coupe de France, dont une fois par le rival parisien en 2006. Cet OM là avait plié au Stade de France face à Bonaventure Kalou et Vikash Dhorasoo, lors de ce qui demeure encore la seule finale de coupe opposant les deux clubs rivaux.
Redresser la barre
Mais rien n'y fait. L'ère Pape Diouf active automatiquement la nostalgie chez les supporters marseillais. "Personnellement, j'ai plus d'attachement à cette période qu'à celle des titres obtenus sous Deschamps", tranche Nicolas, supporter de l'OM depuis l'enfance. Pour comprendre l'impact qu'a pu avoir Diouf sur le peuple phocéen, il faut inverser le prisme. S'il n'y a pas eu de titre notoire sous sa présidence, il a su redresser le club le plus agité du football français. Retrouver une finale de Coupe de France était un grand pas, sachant que l'OM ne l'avait plus fait depuis 1991.
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Quand Pape Diouf prend les rênes en janvier 2005, il récupère une équipe en deça de son standing, restant sur un seul podium lors des cinq dernières saisons. Après deux cinquièmes places, son Olympique de Marseille retrouve la Ligue des Champions grâce à trois podiums successifs entre 2007 et 2009. "Après il a été balancé en l'air par Labrune parce qu'il trouvait que Diouf faisait de l'ombre à tout le monde, cet espèce d'enfoiré. Je le dis et je le répète, le titre 2010 on le doit à Pape Diouf. Il ne faut pas oublier que c'est lui qui a fait venir Deschamps et il ne lui avait pas donné une équipe en bois", retrace René Malleville.
L'homme, ses actes et le symbole
Mais pour mieux comprendre pourquoi l'homme a autant marqué les supporters marseillais, il faut dépasser les résultats acquis sous sa houlette et plus largement le domaine du sportif. Sur la Canebière, les résultats ne suffisent pas pour faire de vous un bon président. Finaliste avec l'OM de la Ligue Europa en 2018, Jacques-Henri Eyraud peut en témoigner. Si Pape Diouf a su nouer un amour mutuel avec le peuple marseillais, c'est grâce à l'homme qu'il était, ce qu'il incarnait et par son dévouement pour le club.
"C'était un peu le patriarche, une combinaison de calme dans la voix, sans pour autant éclipser la fermeté. Il avait un charisme incroyable", raconte Malik, supporter du club phocéen. L'éloquence, la prestance et la culture de l'homme ont marqué quiconque a pu le voir s'exprimer à la télévision. Et à Marseille, on retiendra volontiers sa poigne de fer, notamment dans le dossier Franck Ribéry. Alors que le Français recevait des offres alléchantes, Diouf lui avait interdit de partir (avec succès), le menaçant d'évoluer avec la réserve.
La réussite urbi et orbi
A travers tous ses actes, celui que ses proches appellent "Mababa" a toujours œuvré pour le peuple marseillais. Ses larmes après le décès de deux supporters lors d'un déplacement au Havre en 2008 et son engagement solennel à faire sortir d'Espagne, Santos Mirasierra, accusé de violences lors d'un match contre l'Atlético de Madrid, en sont les exemples les plus concrets. Mais son coup de maître restera le match nul (0-0) obtenu au Parc des Princes en mars 2006 avec une équipe composée de minots et de joueurs placardisés. Diouf n'avait pas digéré l'interdiction de déplacement prononcée à l'encontre de ses supporters. "C'est un grand président parce qu'il n'a pas pris les supporters pour des cons, c'est aussi simple que ça", avance Malleville, sans concession.
L'enfant du Sénégal né au Tchad, fils de militaire, a gravi tous les échelons depuis son arrivée en France en 1970, en restant toujours à hauteur d'homme. D'abord postier, puis journaliste à la Marseillaise, Pape Diouf est devenu ensuite agent de joueur, puis président de l'Olympique de Marseille. Parti de très bas, il est arrivé au plus haut, fier de devenir le premier et seul président noir d'un club en Europe. Diouf est devenu l'allégorie de la réussite marseillaise, la preuve que tout était possible dans la cité phocéenne. Et ça, sa disparition ne lui enlèvera pas.
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