: Édito Encadrer davantage les déplacements lors des grandes affiches, un risque nécessaire
Le 18 novembre dernier, une circulaire signée par le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner donnait de l'espoir à tous les supporters des clubs français. Huit ans après la promulgation de la loi Loppsi 2, qui a instauré l'interdiction ou l'encadrement de déplacement des supporters dans des stades de l'Hexagone ne concernant pas leur club, la circulaire Castaner est apparue comme un assouplissement conséquent et surtout nécessaire. Après une saison 2018-2019 marquée par 101 arrêtés de ce type, la saison 2019-2020 avait débuté sur des bases inquiétantes pour les supporters, de plus en plus interdits ou contraints dans leurs déplacements.
Conscient de ces excès qui "portent atteinte à la crédibilité de notre action collective", le ministère de l'Intérieur a, dans cette circulaire, demandé aux préfets, responsables de la signature des arrêtés encadrant les déplacements, de limiter "autant que faire se peut" ces mesures de restriction "lorsqu'un travail en amont avec le monde du football aura permis de mieux définir les risques de troubles à l'ordre public et de tout mettre en œuvre pour les prévenir". L'objectif ? Plus de dialogues avec les groupes de supporters pour moins d'interdiction de déplacements, afin que les Ultras soient moins tentés de défier les interdits, comme il est précisé dans la circulaire.
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De la désobéissance civile
Les premiers effets de cette circulaire se sont fait sentir ces dernières semaines et certains groupes de supporters ont retrouvé leur indépendance dans leur liberté d'aller et venir à l'approche de matches. Antoine Mordacq, chef de la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), dans une interview accordée à l'AFP il y a quinze jours, a ainsi précisé que ces interdictions de déplacement ont régressé depuis l'introduction de la circulaire. Mais si certains Ultras peuvent à nouveau se déplacer librement, certains restent ostracisés et ne semblent pas avoir la moindre chance d'aller supporter leur équipe lors d'une rencontre se jouant à l'extérieur, dès que celle-ci est considérée comme "sensible".
C'est le cas des supporters stéphanois, qui ont donc subi un arrêté ministériel le 25 février dernier qui les a interdit de se déplacer à Lyon pour le derby. L'arrêté stipule que "le dimanche 1er mars 2020, de zéro heure à minuit, le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter de l'ASSE ou se comportant comme tel est interdit" vers Lyon et ses alentours. En réaction, les Ultras stéphanois, les Magic Fans 1991, ont choisi la désobéissance civile, comme d'autres supporters avant eux. Dans un communiqué publié hier, les MF91 précisent "que cet énième arrêté ministériel prenant effet à 0h00, nous, Magic Fans, avons investi le centre de Lyon et nous y sommes rassemblés depuis 19h ce samedi soir."
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Interdire devient ici contre-productif
À ne rien avoir à perdre et à ne rien avoir à espérer, tant il semble aujourd'hui improbable de voir le ministère de l'Intérieur et le préfet accepter un déplacement jugé aussi "sensible", les supporters stéphanois ont choisi de réagir. Avec la violence regrettable et intolérable que cela a pu engendrer lors des affrontements avec les supporters lyonnais. L'arrêté préfectoral du 25 février est donc apparu totalement contre-productif, la violence qui devait être évitée à quelques heures du match ou pendant celui-ci, ayant éclaté hier soir.
Ce genre d'événements violents pourraient se reproduire en cas de nouvelles interdictions concernant les matches sensibles tels que les clasicos entre le PSG et l'OM ou les derbys entre l'OL et l'ASSE. Interdire aurait des effets contraires à ceux escomptés et prolongerait le caractère immuable des décisions concernant ces grandes affiches. Face à cette impasse, une seule solution est envisageable pour les autorités : davantage de dialogue avec les supporters, pour que ceux-ci puissent envisager des déplacements et retrouver les parcages visiteurs qui sonnent creux depuis trop longtemps lors de ces affiches qui sont une publicité sans commune mesure pour la Ligue 1.
Prendre exemple sur les voisins européens
Pour cela, la France doit s'inspirer de ses voisins européens où l'accueil des supporters visiteurs est bien mieux encadré. En témoignent les déplacements de supporters en Allemagne par exemple, un pays où certains clubs sont également rivaux et où les forces de l'ordre sont aussi mobilisées pour d'autres problèmes que le football. La Ligue de football professionnel (LFP), aux côtés de la Fédération française de football (FFF) et de l'Association nationale des supporters (ANS), participe pourtant au programme européen LIAISE, qui permet à la France d'observer chez ses voisins les bonnes pratiques concernant l'accueil des supporters visiteurs.
Fin août dernier, face à la recrudescence des interdictions de déplacement, Virginie Phulpin, journaliste chez Europe 1, déclarait de manière prémonitoire : "Les préfets interdisent les déplacements comme ça ils sont sûrs de ne pas avoir de problème. Mais quand on voit le degré d'agacement provoqué, j'ai peur que ça conduise au contraire à une recrudescence de violence". La boucle est bouclée. Aec les événements d'hier soir, les autorités savent ce qu'il leur reste à faire.
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