: Édito Ultras ou pas, tous ensemble contre le huis clos
En France, il aura fallu attendre de longues années pour voir les supporters de tout bord s’entendre, et se réunir pour défendre leur cause commune via l’Association Nationale des Supporters (ANS). Normal : dans le monde du supportérisme, les antagonismes sont exacerbés comme nulle part ailleurs. Et l’on ne parle pas ici des amalgames entre ultras et hooligans, mais bien des fiertés locales, régionales et parfois sociales qui s’expriment dans les tribunes françaises. Alors, quand quarante-cinq de ces groupes s’expriment d’une voix commune, leur message ne peut être pris à la légère.
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Qu’on aime ou non les Ultras, qu’on soit pour ou contre les fumigènes, qu’on tolère ou non les provocations, difficile d’être en désaccord avec ce communiqué qui dénonce les querelles entres dirigeants, la cupidité du foot actuel devenu un "exercice budgétaire" ou encore l’impatience des instances. Plus que jamais, il est urgent d’attendre. Certains diront que les supporters ne font que, eux aussi, défendre leur part. Après tout, les abonnés ont payé, ils veulent voir leur match. Pour eux aussi, ce serait une question d’argent. Bien au contraire.
Miroir, mon beau miroir
Ultra ou pas, il s’agit avant tout d’une question de passion. Les quelques matches disputés à huis clos avant le confinement auront suffi à convaincre les plus sceptiques que le football se joue pour les supporters. Plus que leur intérêt propre, les Ultras de France œuvrent ici pour l’intérêt commun, comme ils le font depuis plusieurs semaines partout en France contre le Covid-19. Difficile d’en dire autant pour les dirigeants et les instances, occupés à se quereller pour des histoires de droits TV ou de calendrier. Qu’on ne s’y trompe pas : cette nouvelle saillie des Ultras contre le football business est loin d’être caricaturale. Au contraire, elle serait plutôt vitale. Et puis, à l’heure où, à chaque micro tendu, on entend que plus rien ne sera comme avant une fois la crise passée, pourquoi le foot ne se regarderait pas dans la glace pour se poser, lui aussi, les bonnes questions ?
La demande des tribunes françaises est claire : ne reprenez pas le championnat sans nous. Mais la question devrait être : peut-on vraiment reprendre le football sans elles, dans des stades vides ? Bien sûr, à l’heure où une crise économique majeure menace le monde du sport, il faudrait reprendre au plus vite pour que les droits TV soient versés. Mais reprendre un peu plus tard avec des stades pleins ferait plus de bien que quelques semaines plus tôt à huis clos. Tant d’un point de vue économique que social. Confiné depuis des semaines, la France (du foot) a besoin de se retrouver. De vibrer. De célébrer.
Bien sûr aussi, les joueurs n’ont jamais été coupés aussi longtemps, pas même entre deux saisons classiques. Mais les clubs ont les moyens de les remettre sur pied rapidement. D’ailleurs, une trêve forcée un peu plus longue permettrait de mieux effacer les disparités de forme physique. Bien sûr enfin, ce ne serait ni juste, ni équitable d’arrêter le championnat au classement actuel, pas plus qu’à la trêve. Peu importe les critères alors retenus, il y aurait toujours des déçus.
Souvent caricaturés, diabolisés, réduits aux dérives violentes du supportérisme, les Ultras, ces "enfants terribles du foot français" sont aujourd’hui ceux qui font preuve de sagesse. Une qualité qui fait défaut à d’autres échelons de ce sport, miné par des orgueils mal placés. Par cet appel du 13 avril, les Ultras de France rappellent à tous que le football demeure avant tout une fête. Et l’on n’organise pas une fête sans invités. En revanche, on peut toujours la décaler.
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