ENTRETIEN. Calendrier surchargé dans le football : "Une Coupe du monde n'est pas envisageable tous les deux ans" selon David Terrier, vice-président de l'UNFP

Elle résonne désormais dans les têtes comme une rengaine entêtante. Quand la pandémie de Covid-19 s'est abattue sur l'ensemble de la planète, elle a fait voler en éclat de nombreux cadres, des modes de vie établis et acceptés. Le monde d'après est resté le même pour certains, pas pour d'autres dans notre société. Dans le football aussi, les choses évoluent à mesure que les langues se délient.

Alors que l'heure est à la multiplication des compétitions et des rencontres, entre réforme de la Ligue des champions, l'ajout d'une nouvelle coupe d'Europe (la Ligue Europa conférence) et l'idée d'une Coupe du monde tous les deux ans, un rapport de la Fifpro, le syndicat des joueurs de football professionnels du monde entier, est venu rappeler qu'il était temps de ralentir la cadence et penser à la santé mentale et physique des joueurs. Vice-président de l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), et co-auteur du rapport au côté de la Fifpro, David Terrier s'est confié sur ce sujet à Franceinfo: sport.

Franceinfo: sport : Pourquoi tirez-vous ce signal d'alarme sur la surcharge du calendrier chez les footballeurs professionnels ?
David Terrier : La proposition de faire une Coupe du monde tous les deux ans, ça a été l'élément déclencheur. Trop c'est trop ! Les joueurs, déjà, sont complètement contre. Ce n'est pas envisageable, car rajouter des dates sera au détriment de quelque chose. Et le but est uniquement pécuniaire. On a envoyé une lettre à Gianni Infantino signée par les capitaines de tous les clubs français de Ligue 1 et Ligue 2 pour que les calendriers soient repensés car ce n'était plus tenable. Ce rapport est la suite logique.

Comment expliquez-vous que les joueurs s'expriment enfin ?
Claude Makélélé expliquait qu'en son temps, quand il sentait l'usure arriver, il allait voir son coach pour lui demander de souffler mais il avait le sentiment qu'il n'allait pas perdre sa place en demandant ça. Ce qui n'est pas le cas de beaucoup. Les langues ont mis aussi du temps à se délier parce que le foot est un milieu où il ne faut pas montrer de faiblesse. Donc on se tait.

>>> INFOGRAPHIES. "Nous sommes des athlètes, pas des machines", le signal d'alarme des footballeurs face au rythme infernal du calendrier

Quelles sont les conséquences d'un calendrier surchargé pour les joueurs ?
Prenons l'exemple de Sadio Mané, l'attaquant de Liverpool, qui va disputer la finale de Ligue des champions face au Real Madrid dimanche. Il va terminer à près de 70 matchs sa saison (64 rencontres disputées pour le moment). Et nos experts ont analysé le fait qu'au-delà de 55 matchs, les conséquences physiques et mentales sont énormes. On ne sait pas encore si cela va aboutir à une fin de carrière anticipée, ou est-ce qu'ils vont le payer après. Il y a moins de récupération qu'avant tandis que la recherche de performance va toujours plus loin.

Tous les joueurs sont-ils touchés ?
Chacun à sa manière. La DTN a fait une étude et a révélé que 90% du temps de jeu de chaque club était effectué par 16 joueurs en moyenne. Mais cela pose un gros problème car des joueurs sous contrat ne jouent même pas de matchs en compétition. Quand certains vont tout jouer, d'autres vont être mis au ban et pensent qu'ils ne servent à rien. Ils sont venus au football parce que c'était une passion, et ils sont écoeurés par ces méthodes. Le trading se développe aussi beaucoup en France et favorise ces méthodes.

La Ligue 1 est-elle en danger ?
Cette surcharge de calendrier va avoir un impact aussi sur le business. Les chaînes achètent aussi les droits parce qu'il y a des stars étrangères ; or, si les compétitions se multiplient, les Sud-Américains, par exemple, vont manquer 4-5 matchs sur 38 journées parce qu'ils vont mettre trois jours pour revenir de sélection.

"Que va dire Amazon ou Canal + si un Mbappé ne joue qu'à 50% de ses capacités les matchs de Ligue 1 parce qu'il se préserve pour le Mondial tous les deux ans ou la Ligue des champions ?"

David Terrier, vice-président de l'UNFP

à Franceinfo: sport

Quelles sont les solutions ?
La trêve estivale comme hivernale est essentielle. Pas seulement pour le physique mais aussi pour le mental du joueur. Et quand vous avez une semaine de vacances, mais que vous êtes Sud-Américain, vous perdez déjà deux jours dans l'avion au total. Des fois, certains ne peuvent ainsi pas rentrer. J'avais discuté avec Maxwell il y a quelques années quand il évoluait au PSG. Il m'expliquait qu'ils avaient éliminé Chelsea en huitièmes de finale une saison (2016) parce que les joueurs londoniens étaient cramés après le Boxing Day, et ils n'avaient pas réussi à le digérer.

Comment trouver un accord avec la Fifa et l'Uefa ?
On n'est pas en train de les attaquer, ce n'est pas un tribunal, on vient avec des éléments factuels. On a fait intervenir joueurs, entraîneurs et même un dirigeant, Olivier Létang [Le président de Lille] qui est intervenu en faveur d'une refonte des calendriers. La Fifa pose ses dates sur un calendrier. Puis l'Uefa pose les siennes et nous dit : 'Démerdez-vous avec le reste'. Nous ça ne marche pas comme ça ! Tout doit être fait en harmonie. Il faut penser le football de demain ensemble.