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Football : entre développement des jeunes joueurs et pression des résultats, la délicate gestion des équipes réserves

Derrière le groupe professionnel, les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 doivent aussi gérer leurs équipes réserves, qui finissent de former les jeunes joueurs dans un contexte souvent exigeant.
Article rédigé par Maÿlice Lavorel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Les jeunes du Paris Saint-Germain en Youth League, contre Séville, le 1er mars 2022. (DAVID WINTER / SIPA)

Tous les week-end, ou presque, les clubs professionnels français sont mobilisés sur d'autres pelouses que celles de Ligue 1 et de Ligue 2, avec leur équipe réserve. Cette saison, trente-quatre d’entre elles sont inscrites dans les championnats de National 2 et de National 3 (respectivement les quatrièmes et cinquièmes échelons du football français). Mais comment les clubs gèrent-ils ce groupe spécial à côté de l’effectif professionnel ?

Pour un club, une équipe réserve sert avant tout à former et accompagner les jeunes joueurs. "La mission première, c’est de faire en sorte que plusieurs éléments du groupe basculent chez les pros la saison suivante, ou même dès celle en cours", explique Arnaud Le Lan, entraîneur de l’équipe réserve de Lorient, qui se définit comme un formateur avant d'être un entraîneur. 

Progression et environnement exigeant

A travers leur réserve, les clubs tentent d’inculquer à leurs jeunes les premiers principes de jeu. "Quand vous formez des joueurs, la compétition fait partie de leur métier, il faut leur expliquer que les objectifs c’est de finir le mieux possible, de prendre goût à la victoire et de refuser la défaite", affirme Frédéric Garny, entraîneur de l’équipe réserve de Montpellier. 

Mais le système n’est pas sans contraintes. Avec la progression des joueurs comme but principal, les résultats collectifs passent parfois au second plan. “A la différence de d’autres équipes, la réserve est plus axée sur l’individu que la notion d’équipe et les résultats”, estime Arnaud Le Lan. "Au départ, il n’y a jamais d’objectif sportif fixé", abonde Frédéric Garny. "On essaye de faire au mieux avec notre effectif." D’autant que les réserves sont encadrées par des règles strictes dans les échelons inférieurs du football français. Si le club dont elle est issue possède un centre de formation, la réserve ne peut pas aller au-delà du championnat de National 2. Si le club n’en possède pas, elle ne peut pas dépasser le National 3. 

"Vous rencontrez des joueurs aguerris, revanchards, et moi j’avais une moyenne d’âge de 19 ans, la difficulté est là."

Frédéric Garny, entraîneur de l'équipe réserve de Montpellier

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Le quotidien dans ces championnats est également exigeant pour les réserves. Face à des équipes aguerries, qui jouent le maintien ou une promotion, les jeunes joueurs expérimentent des conditions de jeu souvent inédites pour eux. "Tout ce qu’ils ont connu sur leur parcours de formation, c’est de jouer contre des garçons qui ont un an de plus, un an de moins, deux ans grand maximum", rappelle Arnaud Le Lan. "Là, vous pouvez retrouver des joueurs qui ont eu des carrières avant, et qui ont basculé dans le milieu amateur, avec un vécu et une diversité d’expérience très riches."

Deuxièmes de leur groupe la saison dernière, les jeunes Merlus se sont bien repris après un début de l'exercice 2022-2023 difficile, et pointent à la 5e place après 14 journées. "Tout est très fort en face, physiquement, techniquement, le niveau, la qualité", confirme Frédéric Garny, dont les jeunes montpelliérains végètent difficilement dans le ventre mou du groupe Occitanie en N3. 

Ces dernières années, plusieurs réserves ont connu des relégations. La saison passée, quatre d’entre elles d'équipes de L1 ont été reléguées de la N2 à la N3 (Montpellier, Marseille, Lens et Monaco), rejoignant d’autres réserves évoluant déjà à cet échelon (Clermont). Pour tenter de surnager, certains font le choix d’étoffer leur groupe avec des joueurs plus expérimentés. "C’est très difficile, voire même impossible si on y va avec une équipe composée uniquement du centre de formation. Il faut à tout prix qu’ils soient encadrés par des joueurs qui ont l’expérience de ce niveau-là", explique Arnaud Le Lan. Les réserves peuvent parfois permettre, par la même occasion, de relancer un pro après une longue absence, ou entretenir des joueurs en manque de temps de jeu. En décembre, par exemple, Paul Bernardoni avait joué avec la réserve d'Angers, de retour de blessure.

De nouveaux systèmes à explorer

Face à ces contraintes, certains clubs choisissent de prendre une nouvelle direction avec leur équipe réserve. C’est le cas de l’AS Monaco qui a pris, à l’été 2022, la décision de retirer son équipe du championnat, après la relégation en National 3. A sa place, un groupe "Elite" a été mis sur pied pour les jeunes joueurs. Avec au programme des matchs amicaux choisis contre des réserves de clubs français, et des tournois entre des réserves européennes et mondiales.

Le choix du club monégasque est né de l’envie d’élargir l’horizon dans le développement des jeunes joueurs. "On s’est demandé : est-ce que jouer en N3 c’est le mieux à faire ? Pour nous, jouer contre des équipes N3, c’est bien, c’est nécessaire, mais jouer uniquement contre ces équipes, ce n’est pas suffisant", explique Pascal De Maesschalk, le directeur du développement des jeunes joueurs de l’ASM. "Nous devons préparer nos jeunes pour jouer contre des équipes variées, avec des principes différents."

“Quand on était en difficulté la saison passée, ce n’était plus l’apprentissage individuel qui comptait mais maintenir le groupe dans la compétition. Ce n’est pas notre esprit. A la fin, les jeunes n’ont pas assez appris individuellement pour progresser. Ce n’était pas cohérent.”

Pascal De Maesschalk, directeur du développement des jeunes à l'AS Monaco

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Désormais, le groupe Elite est axé sur la préparation aux exigences de l’équipe professionnelle. "C’est gagner des matchs, d’une certaine manière et avec certains principes. Mon objectif c’est que quand un jeune va intégrer le groupe pro, on ne voit pas de différence au niveau physique, tactique avec un joueur pro de l’AS Monaco", assure son entraîneur, Damien Perrinelle. Depuis le début de la saison, les jeunes monégasques ont ainsi disputé des matchs amicaux contre les réserves de l'Ajax, d'Alkmaar, ou encore le tournoi Al Abtal, un tournoi de réserves.

Un choix que d’autres clubs ont déjà tenté par le passé. En 2019, le PSG avait fait beaucoup de bruit en supprimant sa réserve, alors en N2, qui "n’offrait plus les conditions souhaitables pour le développement de ses jeunes talents". "On a tous le même projet idéal, on l’avait aussi à Lorient, on avait supprimé nos U19 nationaux à un moment pour ne disputer que des matchs amicaux", se souvient Arnaud Le Lan.

De quoi nourrir les débats sur la création d'un championnat des réserves, pour mettre tout le monde au même niveau, et trouver le bon équilibre entre développement et esprit de compétition. Une évolution étudiée par les instances du ballon rond, au coeur des réformes des championnats (passage de quatre à trois groupes en N2 cette saison), qui prendra peut-être forme un jour.

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