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Homophobie dans le foot : une-deux tendu entre Noël Le Graët et Roxana Maracineanu

Alors que le président de la Fédération française de Football Noël Le Graët avait assuré ce matin que le racisme dans les stades et l'homophobie en tribunes n'étaient "pas la même chose", la ministre des Sports Roxana Maracineanu lui a répondu en dénonçant une position "erronée"
Article rédigé par franceinfo: sport avec AFP
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
 

Une-deux tendu entre Noël Le Graët et Roxana Maracineanu : la ministre des sports a dénoncé la position "erronée" du patron du foot français, qui a différencié mardi lutte contre racisme et homophobie et demandé aux arbitres de ne plus arrêter les matches en cas de manifestations homophobes dans les stades. Depuis le début de la saison, plusieurs rencontres ont été brièvement interrompues en première et deuxième division françaises pour faire cesser des chants homophobes lancés des tribunes ou le déploiement de banderoles injurieuses. Une fermeté réclamée et vivement saluée par Roxana Maracineanu, sa collègue chargée de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, et par les associations de lutte contre l'homophobie.

La semaine passée, M. Le Graët avait déjà détonné en estimant dans les colonnes du quotidien régional Ouest-France "qu'on arrêtait trop de matches" pour des manifestations homophobes dans les stades. Cette fois, c'est sur la radio France Info que le président de la Fédération française, 77 ans, a enfoncé le clou, mardi matin : "L'arrêt des matches ne m'intéresse pas. C'est une erreur. J'arrêterais un match pour des cris racistes, j'arrêterais un match pour une bagarre, des incidents s'il y a un danger dans les tribunes", a poursuivi M. Le Graët, assurant que le racisme dans les stades et l'homophobie en tribunes, "ce n'est pas la même chose" et appelant les clubs à "agir" via leurs services de sécurité.

Reprise de volée rapide de Roxana Maracineanu, à la sortie des questions aux gouvernements, à l'Assemblée : "La position qu'a prise Noël Le Graët en faisant une différenciation entre homophobie et racisme est erronée", a-t-elle estimé. "Cette actualité dénote du manque de préparation sur ce sujet", a estimé la ministre des Sports, visée par plusieurs piques du président de la 3F ces derniers mois. "Pour être claire, il m'a fait un procès en légitimité dès que j'ai parlé sur ce sujet, que ce soit une femme qui parle de football, une nageuse qui parle de football, mais oui, mon rôle de pouvoir public, mon rôle de ministre, c'est de veiller à la protection de tous nos citoyens", a indiqué l'ancienne championne du monde de natation, qui cite également le règlement de la Fifa sur ce thème, une procédure en trois étapes pouvant aboutir à un match perdu par l'équipe dont les supporteurs sont fautifs.

Appel à la démission

La ministre des sports n'a pas été la seule à réagir aux nouveaux propos de Noël Le Graët. Du côté du corps arbitral, "le message (du président Le Graët) a été entendu", a indiqué à l'AFP une source proche des arbitres, se disant "dans l'attente d'une consigne qui sera certainement transmise" en vue du prochain week-end de championnat et confirmant que "les consignes données aux arbitres relèvent de la FFF".

Les associations qui luttent contre l'homophobie ont, elles, vivement réagi.  Le collectif Rouge Direct lance ainsi sur Twitter un appel à la démission de Noël Le Graët. Dominique Sopo, président de l'association SOS Racisme, l'invite lui "à prendre sa retraite". "Arrêter un match pour des cris racistes, oui! Pour des chants homophobes, non! Quand le président de la FFF fait un tri immonde entre discriminés. Propos totalement scandaleux. Quelle honte!", déplore également sur Twitter l'association des PanamBoyz & Girlz United, qui dénonce l'homophobie dans le football et travaille sur le sujet avec la Ligue de football professionnel (LFP).

Ces échanges interviennent en plein séminaire de la LFP, qui devait se conclure mercredi par une réunion, placée sous l'égide de la Ligue, entre l'Association nationale des supporteurs (ANS) et les associations de lutte contre l'homophobie (SOS Homophobie, Foot ensemble, Licra, Panam'Boyz). Mais l'ANS a annoncé dans un communiqué qu'elle participerait seulement si un "moratoire sur les sanctions collectives" dont ils se disent victimes est établi. 
 

L'ANS a jugé "impensable (...) de travailler sur la lutte contre les discriminations qui résultent de l'homophobie sans recevoir au préalable des gages sur les travaux à mener contre les autres discriminations, celles que vivent les supporters tous les week-ends". "Nous demandons un moratoire sur les mesures discriminatoires prises par les instances disciplinaires des instances sportives", c'est-à-dire la LFP et la fédération, affirment-ils, citant les "huis-clos, fermetures de tribunes" ou "de secteurs visiteurs".

"Soit on discute de tout, soit on discute de rien", affirment les groupes de supporters représentés par l'ANS, se disant par ailleurs "parfaitement disposés à s'impliquer dans l'ensemble des travaux de lutte contre les discriminations". "Les supporters sont les premières victimes des discriminations dans le football. Ces discriminations ont pour noms interdictions de déplacement, interdictions administratives de stade, sanctions collectives, etc", poursuivent-ils.

"La manière avec laquelle la lutte contre l'homophobie dans les stades a été soudainement et brutalement engagée est un fiasco", taclent-ils par ailleurs. "Improvisation, défaut de concertation, communication agressive et condescendante... Un naufrage où la posture et l'affichage se sont substitués à l'efficacité et au bon sens", ajoutent-ils.
 

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