Ligue 1 : le faible spectacle sur les terrains et les faits de violence auront "une influence marginale" dans la négociation des droits TV d'après un spécialiste
La démission surprise de l'entraîneur de l'OM, Marcelino, après une réunion tendue avec les supporters, le caillassage du bus de l'OL, l'interruption de Montpellier-Clermont après un jet de projectile sur un joueur... Voilà pour le côté obscur du championnat de France, pas plus éclairé par la qualité du spectacle, avec des 0-0 en pagaille (15/97 matchs, il s'agit du score le plus fréquent cette saison). La Ligue 1 connaît un début de saison particulièrement peu réjouissant pour sa première année sous un format à 18 équipes pensé pour une plus grande redistribution des droits TV aux clubs. La Ligue de football professionnel attendait de voir grimper le montant du nouveau contrat, pour la période 2024-2029, jusqu'au milliard d'euros par exercice.
Mais l'appel d'offres s'est avéré infructueux le 17 octobre dernier, les opérateurs ne souhaitant pas payer le prix demandé par l'instance. C'est dans ce contexte de faible attractivité, sur et en dehors des terrains, que la LFP négocie avec les potentiels diffuseurs intéressés par les lots qu'elle a mis sur le marché, de gré à gré. Pas de quoi tout changer au point de faire descendre en flèche le montant des droits TV d'après le spécialiste Pierre Maes, consultant international en la matière et auteur du livre "La Ruine du football français", édité chez Fyp en 2022.
Franceinfo: sport : Le faible spectacle proposé par ce début de saison de Ligue 1 peut-il avoir une influence dans les négociations des droits TV du championnat de France ?
Pierre Maes : Une influence majeure ? Certainement pas. Une influence marginale ? Certainement. Tout cela contribue au climat actuel. La Ligue tente de vendre un produit qui ne suscite pas l'enthousiasme des foules, ni des diffuseurs. On est surtout dans un environnement économique où les diffuseurs-candidats ne sont pas aussi nombreux que la Ligue le voudrait. Après un appel d'offres lancé tambour battant et qui s'est soldé finalement par un échec, la dynamique n'est certainement pas bonne. Mais tout ça est marginal dans la mesure où le plus important, et c'est ce qui détermine le prix, c'est la concurrence entre les opérateurs pour acquérir les droits. Et cette concurrence n'existe pas vraiment parce que Canal+ est en situation de quasi-monopole.
En quoi pouvez-vous dire que Canal+ est en situation de quasi-monopole ?
Canal+ a noué des accords avec les derniers concurrents en lice pour ne pas les concurrencer frontalement. Les principaux sont beIN et DAZN. Le seul avec lequel aucun accord n'a été noué c'est Amazon, qui n'a pas répondu à l'appel d'offres. Le groupe était très content de payer si peu cher et je ne pense pas que l'expérience ait été si concluante [le groupe américain diffusait 80% des matchs de la L1 depuis la saison 2021-2022]. En plus, la situation d'Amazon a complètement changé depuis. 50 000 personnes ont été licenciées et ils ont mis fin aux expériences en tous genres. D'autres ont disparu, dont le groupe Altice (RMC Sport) qui a jeté l'éponge après avoir surinvesti comme un cow-boy dans les droits TV.
Est-ce qu'un opérateur qui se retrouve en position de force, à la manière de Canal+, peut essayer de réduire la note en se servant du manque de spectacle sur les terrains actuellement ?
Dans du gré à gré, c'est un argument qui sera certainement utilisé dans les négociations. Mais je ne pense pas que ce soit le type d'argument qui vous fasse gagner 50 millions d'euros. Certes, il y a un quasi-monopole du côté de Canal+, mais il y a un vrai monopole et c'est celui de la Ligue. C'est la Ligue qui déterminera le prix.
La Ligue n'est donc pas tant dans une position de faiblesse que cela ?
C'est elle qui a la position la plus forte. Par contre, le pouvoir des diffuseurs a augmenté grâce à la faible concurrence entre eux. Ce n'est que quand la Ligue est face à plusieurs diffuseurs aux poches pleines, qui se livrent une concurrence pour acquérir les droits que le rapport de force est à 100% en sa faveur. Si vous voulez acheter les droits de la Ligue 1, il n'y a qu'un endroit où les acheter, c'est à la LFP.
Est-ce que si on ajoute les incidents dans et en dehors des stades, comme à Marseille, le rapport de force penche toujours du même côté ?
Dans tous les cas, le facteur n°1 c'est la concurrence. Elle représente 95% de la définition du prix. Ça n'aura pas une influence majeure, mais marginale. Ça donne de manière générale une image pas très professionnelle à la Ligue. En Premier League, ça fait 20 ans qu'ils ont réglé le problème de la violence. Que la LFP soit encore confrontée à ce problème sans manifester une tendance claire vers la résolution, ce n'est pas bon, surtout pour les diffuseurs internationaux.
Combien de temps faudra-t-il compter pour aboutir à un dénouement ?
La Ligue a montré un appétit important et a fait une grosse communication sur des objectifs très ambitieux, ce qui fait que ça risque de durer longtemps. Au moment où un accord sera là, forcément à des montants bien inférieurs à ce qui était attendu, il faudra sauver la face. Tout ça va prendre du temps. Ils ont jusqu'au début de la saison prochaine.
La Ligue 1 a-t-elle atteint son plafond d'attractivité. Est-elle complètement déconnectée de la réalité, surtout quand on voit que les droits TV sont en baisse dans les autres championnats majeurs européens ?
C'est très clair. On est complètement hors sujet, si ce n'est pas hors-sol. Cette communication agressive de Vincent Labrune [le président de la LFP] sur l'ambition du milliard était très surprenante. Les présidents de clubs n'ont pas vraiment relayé ça. La Ligue italienne a dû encaisser une nouvelle baisse. Les droits de la Premier League sont sur le marché et vous n'entendrez personne dire qu'ils visent une augmentation. Ils connaissent bien le marché et ses difficultés. C'est exactement la même situation là-bas, Sky est en position de force, comme Canal+ en France. Mais, à l'inverse de la France, il n'y a pas un cow-boy qui va vous dire 'on va faire 1 milliard ou 1,5 milliard'.
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