Ligue 1 : Les promus, animateurs du marché des transferts, sont-ils devenus fous ?
Si les promus brillent sur les terrains de Ligue 1, à l’image de Lens tombeur du Paris Saint-Germain, ils ont surtout animé le marché des transferts. C’est simple, à l’exception de Monaco, et son portefeuille russe, jamais des clubs fraîchement arrivés parmi l’élite n’avaient dépensé autant ces dix dernières années.
Lorient, qui a dépensé 18,5 millions d’euros, a frappé fort en alignant 9 millions sur Adrian Grbic, étincelant à Clermont, 17 buts, en Ligue 2 la saison passée. Lens qui a dépensé plus de 20 millions d’euros, un temps intéressé par l’international autrichien, a vite répondu en signant Seko Fofana, auteur d’une saison pleine à l’Udinese, au nez et à la barbe de plusieurs clubs italiens, pour 8,5 millions d’euros, et 1,5 million de bonus. Deux recrues qui comptent, déjà, parmi les plus intéressantes à suivre pour la saison à venir.
Covid, fais-moi peur
Si beaucoup s’attendaient à un mercato plus calme, en raison du ralentissement économique provoqué par la Covid-19, Lorient et Lens ont fait taire les sceptiques. Une activité qui s’explique par les contraintes financières moindres pour les promus de Ligue 2. "Toute proportion gardée, par rapport à des clubs comme Paris ou Lyon qui ont perdu beaucoup d’argent par exemple, les clubs promus n'ont perdu que peu d'argent en raison de la Covid. Cela s'explique par le fait que c'était des plus petits clubs qui avaient moins de contraintes financières", détaille Pierre Rondeau, économiste du sport. "Les salaires sont moins importants dans les clubs de Ligue 2 : 20 000€ en moyenne par mois contre 96 000€ en Ligue 1."
Surtout, pour Pierre Rondeau, les aides accordées par l’Etat ont eu un impact bien plus important sur les clubs aux masses salariales les plus faibles. "Les aides au chômage partiel étaient plafonnés à 5500€. Proportionnellement, l’impact de ses aides sur les finances des clubs promus est plus important. En effet, par rapport à un club de Ligue 1 qui ne reçoit 'que' 5500€ pour payer un salaire de 100 000€, eux reçoivent la même somme pour payer un salaire de 20 000€."
Début août, Claude Puel, entraîneur de Saint-Etienne, affirmait que "Lorient et Lens pouvaient assumer des transferts que son club ne pouvait assumer". Une dure réalité pour les Verts, pourtant européens l’an passé. "Dès lors que l'on est très contraint par une masse salariale très onéreuse, mécaniquement, s'il y a arrêt de l'activité et maintien des salaires, on perd de l'argent", poursuit Pierre Rondeau. "Pour un club comme Saint-Etienne, les aides de l'Etat ne sont que dérisoires par rapport au poids de la masse salariale."
L’impact non négligeable des droits TV
En rejoignant l’élite du football français, Lensois et Lorientais vont toucher un joli chèque en fin de saison. "Aujourd'hui, pour cette saison 2020-2021, le dernier de Ligue 1 touchera 39 millions d'euros contre 19 millions l'an passé", analyse Pierre Rondeau. Un chiffre à la hausse qui trouve son origine dans le juteux contrat de diffusion passé entre la LFP et le groupe Mediapro. "Avant, le dernier de Ligue 1 touchait un chèque de 19 millions d'euros et le premier de Ligue 2, un chèque de 12 millions d'euros. Avec l'arrivée du nouveau diffuseur, la Ligue a décidé, pendant le confinement, que les 400 millions d'euros de gains par rapport à l'ancien contrat seraient redistribués de façon égalitaire entre tous ses clubs."
Avec une telle augmentation, les promus bénéficient d’une marge de manœuvre financière plus importante pour investir massivement sur le marché des transferts. "Dans la tête des comptables lensois et lorientais, on se dit sans doute que quelque soit la performance sportive on touchera une très belle somme", réagit Pierre Rondeau. "Ce gain permet aux deux clubs d'investir sur le marché et d'y faire de beaux coups."
Limiter les risques de scénario catastrophe
En investissant autant, Lens et Lorient espèrent bâtir des escouades compétitives pour mener à bien leur opération maintien. Cela garantirait une stabilité financière certaine pour ces deux clubs fraîchement promus, surtout lorsque l’on sait que les clubs professionnels devront commencer à rembourser le prêt garanti par l’État dès la saison prochaine. Une situation inquiétante pour les clubs qui devront intégrer le prêt garanti par l’État dans leur trésorerie. Dans le même temps, ils ne pourront plus bénéficier du bonus donné par l’augmentation des droits tv sur le bilan comptable.
Rester en Ligue 1 devient donc presque une nécessité pour les clubs promus. "Si Lens et Lorient font également cet investissement, c'est également pour s'assurer le maintien en Ligue 1 qui pourrait leur assurer des droits tv et une visibilité permanente", conclut Pierre Rondeau. "S'ils venaient à descendre en Ligue 2, ça serait ajouter à toutes les contraintes que l'on connaît, le poids économique d'une relégation." Selon les comptes de la DNCG, on observe une baisse de recettes d’exploitation moyenne de 38,64 % pour les clubs relégués, un impact considérable.
L’affrontement entre promus, bien qu’intervenant très tôt dans la saison, aura donc des conséquences sportives, entre deux équipes qui ambitionnent le maintien, mais peut-être également financières à l’issue de la saison.
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