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Ligue 1 : Strasbourg, une nouvelle peau, des moyens conséquents et des craintes pour l'avenir

Le club alsacien, qui se déplace à Monaco dimanche (19h00), vit sa première saison sous pavillon américain. Mais à mesure que ses ambitions grimpent, la crainte du délitement de son identité grandit parmi les supporters.
Article rédigé par Andréa La Perna, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Le président de Strasbourg Marc Keller (gauche) lors de la présentation de Patrick Vieira, nouvel entraîneur du club alsacien, le 3 juillet 2023. (FREDERICK FLORIN / AFP)

Sept recrues, 56 millions d'euros investis d'après le site spécialisé Transfermarkt... Strasbourg est le troisième club français le plus dépensier du marché des transferts cet été, derrière le Paris Saint-Germain (209,5 M€) et l'Olympique de Marseille (67,5M€). Le club alsacien, qui s'est battu pour son maintien en Ligue 1 jusqu'à la fin de la saison précédente, a revu ses ambitions très à la hausse après son rachat le 22 juin dernier par le fond d'investissement américain BlueCo, également propriétaire de Chelsea en Angleterre depuis mai 2022.

“L’objectif est de permettre au Racing d’être encore plus ambitieux et compétitif dans un monde du football qui a considérablement changé (...). Cet investissement stratégique renforcera notre présence dans le football européen, parallèlement à notre participation dans Chelsea. Nous pensons qu’il créera d’énormes opportunités de partage des connaissances et d’expertise", a promis BlueCo dans le communiqué officialisant son arrivée au RCSA

Prudence et émotions mitigées

Pas forcément le bienvenu et même visé par une banderole hostile à son arrivée dès le mois de mai, lors du match face à Troyes, le consortium américain s'est senti le besoin de rassurer les fans de Strasbourg, craignant de voir l'identité de leur club être menacée. Le message a été reçu, mais la fédération des supporters du Racing a prévenu qu'elle serait "très vigilante" trois jours après l'annonce du rachat : "Est-ce que les nouveaux actionnaires qui entraînent notre club, et ses fans malgré eux, dans un modèle économique contestable et contesté tiendront leurs promesses en préservant l'héritage et l'identité de l'institution que représente le Racing Club de Strasbourg ?"

Sur le plan sportif, le RCSA a débuté sa saison de la meilleure des manières en s'offrant Lyon dans son stade (2-1), et ne demande qu'à confirmer à Monaco dimanche (19h00). "Je suis assez excité. J'en ai un peu marre de jouer la 15e place et de serrer les fesses pour le maintien une saison sur deux", confie Jeoffrey, supporter de Strasbourg, dont il compile les données statistiques sur le site Racingdatabase. Les Américains sont très bons dans leur communication. Tu ne les entends pas, tu ne les vois pas. Rien n'a changé dans le club, que ce soit le président, la direction sportive ou la cellule de recrutement".

"Pour le moment, la seule différence, c'est l'argent. C'est le Racing d'avant mais avec des sous."

Jeoffrey, supporter strasbourgeois

à franceinfo: sport

Maxime, un autre supporter de Strasbourg depuis les années 1990, ne l'entend pas de la même oreille : "Ma toute première impression quand j'ai appris le rachat du club, c'était un sentiment de trahison". Ce dernier déplore le passage du RCSA d'une "économie plus réelle, se basant sur ses propres revenus et ressources" à un modèle "spéculatif" et "hyper-financiarisé". "Ils ont acheté le club 70 millions d'euros, soit le prix d'un remplaçant à Chelsea aujourd'hui. Ils prennent un risque assez faible. Ca leur permet de mettre un pied à la LFP, dirigée par les clubs, mais aussi d'avoir un deuxième club pour faire du business avec des jeunes joueurs", analyse Maxime.

Cet été, en dehors de Jessy Deminguet, âgé de 25 ans et arrivé libre, les six autres nouveaux visages du RCSA ont au maximum 21 ans (Angelo 18 ans, Abakar Sylla 20 ans, Emanuel Emegha 20 ans, Junior Mwanga 20 ans, Dilane Bakwa 20 ans, Saïdou Sow 21 ans). Tous ont le profil du joueur prêt à exploser en Ligue 1 avant d'être vendus dans un autre championnat contre une indemnité importante et donc pas forcément à Chelsea. Seul la pépite brésilienne Angelo a été prêtée par le club londonien.

Marc Keller en "garde-fou"

Joueur historique du Racing, où il a été formé et dont il a porté les couleurs chez les pros de 1992 à 1998, Olivier Dacourt n'est pas particulièrement inquiet. Il trouve le projet "pas inintéressant", mais rejoint les supporters sur l'importance de préserver "l'identité forte du Racing". "J'espère en tout cas que ça se passera mieux que les six premiers mois de Chelsea. Ils avaient dépensé plus d'un milliard pour des résultats catastrophiques (12e de Premier League 2022-2023) (...). A Strasbourg, il y aura un problème le jour où l'effectif ne comportera pas assez de joueurs issus du centre de formation ou au club depuis pas mal d'années", se projette l'ancien international français.

Olivier Dacourt sous les couleurs de Strasbourg, face à Châteauroux, le 20 février 1998. (GERARD CERLES / AFP)

La crainte des supporters, elle, se forge dans un précédent douloureux. Le RCSA avait déjà été racheté par un investisseur américain, IMG McCormack, en 1997. "Dès qu'ils sont arrivés, ils m'ont vendu. Je suis parti à Everton pour 40 millions de francs", se souvient Dacourt. Le club était finalement descendu en deuxième division dès 2001. Fragilisé par cette gouvernance, il avait ensuite connu deux nouvelles relégations en 2006 puis en 2008, avant une descente aux enfers le faisant passer par le National 3, l'équivalent de la cinquième division.

"Aujourd'hui, il n'y a pas le feu à Strasbourg, parce qu'il y a Marc Keller en garde-fou", prévient Maxime. Bien que sa position soit diamétralement opposée, Jeoffrey estime également que la présence du président historique (depuis 2011), mais aussi ancien joueur du club, est cruciale, au point que son départ serait "un point de bascule" vers la défiance généralisée. Il y a cette crainte que, comme à Lyon cette année, ce dernier, également membre du comité exécutif de la FFF, prenne la porte comme Jean-Michel Aulas après l'entrée au capital de John Textor.

"Si demain, ça ne marche pas sur le plan sportif - quand on a une équipe avec énormément de jeunes joueurs, c'est possible que ça ne marche pas -, BlueCo peut très bien se désengager du jour au lendemain et laisser le club en plan. Strasbourg ne représente rien à l'échelle de leur porte-feuille", prévient Maxime, qui n'a pas oublié la liquidation judiciaire de son club en 2011. 

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