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"Mon Petit Gazon" : 10 choses à savoir sur le jeu préféré des fans de football

En près d'une décennie, ce fantasy game porté et développé par trois amis a déjà séduit 1,8 million d'utilisateurs. À tel point qu'aujourd'hui, l'application est devenue un acteur incontournable du paysage footballistique français.

Article rédigé par franceinfo Culture - Gaël Simon
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 16min
90% des utilisateurs du jeu sont des hommes. (CAPTURE D'ECRAN)

La France compte 67 millions de sélectionneurs. Cette vieille rengaine n’a jamais été aussi vraie que depuis l'existence de Mon Petit Gazon (MPG). Le but de ce jeu lancé en 2011 : créer une compétition et son propre club de football fictif en Ligue des champions ou dans un championnat au choix (Ligue 1, en Ligue 2, Liga espagnole, Premier League anglaise ou Serie A italienne), recruter les vrais joueurs professionnels du ballon rond avec un bugdet de 500 millions d'euros, et remporter ses matchs face aux autres membres de la ligue, les résultats dans MPG étant basés sur les performances réelles des joueurs membres de son effectif. Ainsi, si vous comptez Neymar dans vos rangs, chaque but marqué par l'attaquant brésilien avec le PSG vous permettra d'inscrire un but dans votre match fictif sur l'application.

Un concept simple qui a su conquérir les fans en moins de 10 ans. Chaque saison, ce sont près de 950 000 entraîneurs en herbe qui s'affrontent et se chambrent sur MPG. À tel point qu'aujourd'hui, l'application est un acteur incontournable du paysage footballistique français qui travaille en partenariat avec la Ligue de Football Professionnel (LFP) et des médias comme L'Équipe et Canal +. Mon Petit Gazon, c'est l'histoire d'une aventure lancée par trois camarades devenue un succès digital fédérant autour de lui une forte communauté d'utilisateurs. Retour sur un phénomène qui dure depuis une décennie en dix faits marquants.

Un phénomène né dans un bar

Cette success story qui trouve son origine… dans un bar de Paris : "On était en train de boire une bière, peut-être la bière de trop, et on s’est dit ‘allez on y va, on a les compétences en digitale, on va faire notre jeu de foot auquel on aimerait bien jouer !’", s’amuse à raconter Martin Jaglin, co-fondateur de l’application avec Benjamin Fouquet et Grégory Rota. Les trois complices, managers d'une agence de marketing digital et fans de football, décident de reprendre la structure du jeu de fantasy auquel ils jouent depuis des années : Fanta league.

Mon Petit Gazon, "le jeu qui va vous faire aimer le lundi" est alors lancé à l’été 2011. En 2014, il compte déjà 45 000 utilisateurs, essentiellement grâce au bouche-à-oreille. Le succès grandissant, et le développement de l'application leur prenant de plus en plus de temps, les trois fondateurs décident de se consacrer à plein-temps au projet entre 2016 et 2018. Une décennie après la lancement de MPG, la promesse semble en tout cas tenue. Robin, joueur aguerri l’affirme : "On a hâte d’avoir les résultats le lundi matin. Qu’ils soient bons ou mauvais !".  

950 000 joueurs chaque saison  

Comme cet ingénieur de test de 26 ans, ils sont plus d’1,8 million d’utilisateurs à avoir joué au moins une fois à MPG en 10 ans. Et depuis deux ans, ce sont 950 000 entraîneurs passionnés qui s'affrontent grâce à l’application. "On a un jeu qui rassemble les gens. Dès qu’on aime le foot et qu’on a un smartphone, on peut jouer. On est au croisement de quatre univers : le jeu, le pronostic quand on mise sur un joueur, les réseaux sociaux, quand on joue, on crée un groupe avec ses potes, et le foot", analyse Martin Jaglin.

Mais le monde de MPG, comme celui du football, reste majoritairement masculin. 90% des utilisateurs sont en effet des hommes, qui se regroupent en deux catégories. Les étudiants de 15 à 25 ans et les 25-45 ans. "Je joue depuis ma période lycée. C’est mon frère qui m’a initié. Je joue avec lui et des amis", raconte Robin. Benjamin, 27 ans affronte lui aussi sa bande d’amis sur l’application. "Mais ça m’est arrivé d’être sur un groupe Facebook et de jouer avec des inconnus"MPG n’est pour autant pas réservé qu’aux hommes dans la force de l’âge ! "On a un enfant de 10 ans qui nous a écrit qu’il jouait avec son père. Les deux se lancent des défis. On a aussi le cas d’une mamie de 72 ans qui nous a envoyé un message pour nous demander d’écrire les caractères en plus gros dans le jeu", rapporte Martin Jaglin. Un vrai jeu pour les 7 à 77 ans.  

Comme une série Netflix avec des épisodes  

Par son concept simple et ludique, MPG arrive à attirer l’adhésion d’une bonne partie des fans de football. L’un des moments favoris des utilisateurs : le mercato. Chaque membre d’une ligue mise une somme sur le joueur qu’il souhaite obtenir. Si son enchère est la plus importante, le joueur rejoint alors son équipe. Une manche en cinq tours souvent intense et disputée. "Ce qui me plaît le plus, c’est le suspense des tours de mercato. C’est ce qui fait le plus marcher le jeu je pense", estime Benjamin. Robin partage aussi cette passion pour les enchères cachées en début de partie : "Il faut être malin. Une pépite peut vous sauver une saison. D’ailleurs, grâce à ce jeu, je me suis intéressé aux matchs du dimanche habituellement réservés à la sieste. C’est amusant de voir certains paris porter leurs fruits ou de constater que ses adversaires ont recruté des cireurs de bancs. Ça rajoute du piment aux matches".

On présente ça comme une série avec des épisodes. Créer la ligue. Le mercato. Les matches. C’est une série Netflix !

Martin Jaglin,

cofondateur de MPG

Le jeune homme, supporter de l’OM en vient même à encourager parfois des joueurs d’équipe rivales. "J’ai acheté des joueurs lyonnais et j’étais derrière eux. En fait dans l’idéal, toujours avec l’exemple de l’OL, le scénario parfait serait que Lyon perde son match 5-4 avec 4 buts des joueurs lyonnais que j’ai recrutés". Martin Jaglin confirme les effets que peut avoir MPG sur la manière de vivre un match de football : "Avant, on regardait passivement. Aujourd’hui, on devient actif, n’importe quel fan devient coach. Tu participes au match que tu es en train de voir". Et certains vont même plus loin en se donnant des gages en marge de leurs parties. "On nous a mentionné le cas d’un joueur qui s’était jeté dans le Vieux-Port de Marseille. Il avait parié de le faire s’il terminait dernier de sa ligue". Même sur MPG, il faut savoir mouiller le maillot.  

La Ligue 1, championnat préférée des joueurs  

MPG offre la possibilité à ses utilisateurs de s'affronter sur les championnats de quatre pays, mais aussi en Europe avec un mode réservé à la Ligue des Champions. Mais 55% des joueurs préfèrent créer leurs propres compétitions en Ligue 1. Benjamin fait partie des utilisateurs qui apprécient jouer à travers tous les championnats disponibles, mais avoue opter "en général pour la Ligue 1, ou la Premier League parce que ce sont les championnats les plus suivis par les autres"

Mais il y a ceux qui jouent leurs propres championnats, avec des règles singulières. "On a vu des MPG à l’envers. C’est-à-dire que le but est de perdre tous ses matchs, mais qu’avec des joueurs recrutés pour plus de 10 millions d’euros", s’amuse Martin Jaglin. Autre création originale : des amis qui engagent exclusivement des joueurs dont le nom commence par la lettre de l’alphabet qu’ils ont tiré au sort.  

Neymar, Mbappé et Memphis, joueurs stars

D’autres s'imposent de ne pas prendre de joueurs du PSG pour ne pas déséquilibrer les débats entre joueurs. "Avec mes amis, on avait mis en place une règle interdisant de recruter des joueurs du PSG", explique Robin. Pourtant, les stars Kylian Mbappé et Neymar restent les joueurs les plus choisis par les utilisateurs de l’application, devant une autre figure majeure de la Ligue 1, le Lyonnais Memphis Depay.  

Pour autant, existe-t-il une stratégie pour gagner son championnat sur MPG ? "Il n’y en a pas, affirme Martin Jaglin. Heureusement, sinon on mettrait la clé sous la porte ! Il ne suffit pas d’acheter des Parisiens pour gagner. Les petits joueurs sont autant achetés que les gros. Par exemple, un joueur comme Ecuele Manga qui est titulaire chaque semaine à Dijon est plus intéressant qu’un joueur du PSG souvent blessé. Il y a une part d’expertise, et d’aléas". D’ailleurs, aussi bien Benjamin que Robin font le choix de cibler des joueurs moins connus. "Avant, je mettais le paquet sur les gros noms. Maintenant, j’essaie de flairer les bons coups, et de prendre moins de stars", explique le jeune homme de 27 ans qui vit à Aix-en-Provence.  

Une communication atypique

Présent sur les réseaux sociaux, MPG se fait remarquer par une communication percutante, prônant le second degré et les post humoristiques. Une ligne dans l’esprit du jeu. Mon Petit Gazon, c’est du football, mais aussi beaucoup de chambrage et des vannes entre amis. "On ne cherche pas à avoir un positionnement. C’est spontané, on ne se prend pas au sérieux, détaille le co-fondateur du jeu. On a commencé l’aventure entre amis. Et on parle à nos utilisateurs comme à des amis. On est entiers et les gens aiment ça". La petite structure répond ainsi à la main aux milliers de messages qu'elle reçoit chaque semaine.

Une communication authentique et décalée qui se veut en écho de certaines valeurs véhiculées par le football. "Quand on parle de football, ce n’est pas formel ou ‘prout-prout’. On retranscrit ce ton-là. Quand on regarde un match, on se lève, on crie, on fait des vannes. Ce n'est pas aseptisée. On essaie d'être comme ça. Et ça marche, les gens en ont marre des communications trop lisses", affirme Martin Jaglin.

Le jeu taclé par la LFP et L'Équipe à ses débuts

Mais l'ascension de MPG ne s'est pas faite sans accrocs. En 2016, la Ligue de football professionnelle, alors dirigée par Frédéric Thiriez veut faire barrage à l'application et lancer une procédure judiciaire. La raison : l'utilisation irrégulière de l'image de la Ligue 1. "Ça avait pété à l'époque, se souvient Martin Jaglin. Thirriez. Il est de l'ancienne école, il n'est pas trop sur l'innovation et les start-up !". Mais l'arrivée de Didier Quillot a la tête de l'entité change la donne. La LFP et MPG sont alors partenaires depuis 2017. "On a convenu que notre jeu est une machine à suivre la Ligue 1. On a trouvé un accord de partenariat, on s'échange de la visibilité".

Le journal L'Équipe aussi s'est opposé à l'application, en 2014 cette fois. "On avait fait les pirates, avoue le cofondateur de MPG. On avait pris un système pour récupérer les notes des joueurs qu'ils donnaient. Ils n'ont pas trop aimé. On a arrêté et développé notre propre algorithme de notation"Mais trois ans plus tard, les deux structures trouvent également un accord. Depuis des émissions sont produites par les deux structures et les notes de L'Équipe sont proposées aux utilisateurs de MPG. En outre, la structure qui compte 14 employés a signé plusieurs autres partenariats avec des sociétés comme Uber, Puma ou Allianz, dont les logos apparaissent dans le jeu. De quoi permettre à MPG de rester gratuit. "On vit à 70% de la publicité et grâce à ces marques, et à 30% des options que les gens peuvent acheter dans le jeu", précise Martin Jaglin.

Des matches joués sur FIFA pour combler l'arrêt des championnats

La saison 2019-2020 a été particulière pour tout fan de football et utilisateur de MPG. En raison de l'épidémie de coronavirus, le conseil administratif de la LFP avait en effet décidé d'interrompre le déroulement des championnats professionnels, Ligue 1 et Ligue 2 à partir du 30 avril 2020. En Angleterre, la Premier League a été suspendue entre le 13 mars et le 17 juin. La Serie A et la Liga ont également été arrêtée, respectivement du 9 mars au 20 juin et du 11 mars au 11 juin.

"On a pris cher. MPG s'est arrêté avec le foot", se souvient Martin Jaglin. Alors pour essayer de contenter les utilisateurs, les propriétaires de l'application décident de jouer les matches qui auraient dû avoir lieu sur FIFA 2020. "La communauté a bien aimé. C'était une manière de ne pas baisser les bras, d'adresser un doigt d'honneur à la situation"L'iniative a duré un mois. Si les pertes sur le moment ont été inévitables pour MPG, les responsables de l'application assurent aujourd'hui avait retrouvé l'essentiel de leurs utilisateurs : "On a une communauté de fidèles".

Un lieu de refuge pour les supporters privés de stades

Le football retrouvant finalement son rythme habituel malgré la pandémie, Mon Petit Gazon a donc pu reprendre du service cette saison. Et pour les supporters qui n'ont pas la possibilité de se rendre dans les tribunes pour encourager leur équipe, le jeu représente une autre manière de vivre leur passion. "MPG est un sorte de catalyseur des émotions que l'on peut vivre lors d'un match. Cela permet de vivre des matchs un peu plus intensément en attendant de pouvoir à nouveau crier et chanter dans les stades", avance Robin.

Pour Martin Jaglin, affronter ses camarades sur l'application représente également l'occasion de maintenir une forme de lien social. "Le jeu crée un épisode hebdomadaire en famille ou entre potes. Ça donne quelque chose à raconter au bureau". Même si pour certains fans comme Benjamin, rien ne remplace le plaisir de suivre le match depuis des gradins. "Ça ne compensera jamais l'ambiance et tout ce qui se passe dans un stade pour moi. Je vois vraiment ça comme un jeu sur lequel on peut se vanner".

Le retour de Mon Petit Prono pour l'Euro 2021

Les développeurs fourmillent d'idées pour continuer à faire évoluer MPG. Une nouvelle version de l'application sera ainsi lancée à la fin de cette saison. "L'application datait de 2016 et n'était plus compatible avec Apple Store. On a tout refait, c'est tout beau tout neuf, vante Martin Jaglin. L'application est prête depuis avril 2020 mais on dû reporter la sortie". Un lancement qui coïncidera avec la fermeture du site internet, qui n'était utilisé que par 4% des utilisateurs. 

On a 10 000 idées et un groupe Facebook sur lequel les gens nous donnent des pistes mais on choisit nos batailles.

Martin Jaglin

cofondateur de MPG

D'autre part, la start-up propriétaire de MPG lancera en marge de l'Euro 2021 l'application gratuite Mon Petit Prono, comme elle l'avait fait pour la Coupe du Monde 2018. "C'est un jeu simple auquel tout le monde peut jouer. Il faut pronostiquer les résultats des matchs. C'est quelque chose qui avait connecté beaucoup de monde", mentionne Martin Jaglin. 800 000 personnes avaient en effet tenté de prévoir les résultats du Mondial gagné par la France. Mon Petit Prono fera donc son retour en avril.

De quoi permettre de prolonger la belle ascension de Mon Petit Gazon qui s'est déjà exporté en Espagne et en Angleterre. Voilà une application qui joue sur tous les terrains.

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