Pourquoi le PSG se trouve sous un plafond de verre
La gouvernance, l'origine du mal
"Pour être un grand club, il y a une histoire, le poids des anciens, des anciens présents dans l'organigramme. Quand on voit le Bayern, avec Hoeness, Rummenigge, ils sont là parce qu'ils connaissent le foot, ils connaissent le club", souligne Michael Tapiro. "Au PSG, le leadership est vertical, pas horizontal. On n'a pas l'impression que le club peut gérer les forts caractères qui sont là, comme Neymar. Il semble que les joueurs ont le pouvoir. L'affaire Aurier est un cas d'école. Si cela était arrivé dans un grand club comme la Juventus ou Manchester United, le joueur aurait été mis à pied. On ne transige pas avec l'institution. Il a été soutenu par le président, et cela a envoyé un message aux joueurs qu'ils étaient au-dessus du club." Conséquence indirecte de cet épisode: "Pastore et Di Maria sont en droit de demander du temps de jeu aujourd'hui. Le club s'est créé son propre problème."
L'expert pointe du doigt une vision peu claire du projet. "Le projet PSG, c'était Leonardo et Ancelotti. Ce dernier avait déjà gagné la Ligue des Champions, et il savait gérer un vestiaire avec de grands joueurs. Leonardo était la pierre angulaire. Il avait recruté des stars, des joueurs solides comme Thiago Silva, Thiago Motta, Maxwell et Ibrahimovic, mais aussi des jeunes à fort potentiel comme Verratti ou Pastore. Aujourd'hui, la politique du club n'est pas claire, même si le recrutement de Mbappé, joueur français et parisien est important pour avoir une tête d'affiche tricolore." Et de citer l'exemple de Kingsley Coman, formé à Paris et recruté par le Bayern. "On ne lui a pas donné sa chance au PSG, et au Bayern, on l'a clairement installé comme le successeur de Ribéry. Hormis Rabiot, qui a mené un bras de fer pour avoir plus de temps de jeu, la politique sportive envers les jeunes n'est pas claire." Les derniers mercatos l'ont aussi prouvé: Ben Arfa, Krychowiak, Guedes, Jesé notamment ont été recrutés sans avoir vraiment leur chance.
Le fair-play financier, un premier obstacle
Si le PSG a défrayé la chronique cet été en arrachant Neymar et Kylian Mbappé pour plus de 400 millions d'euros cet été, ces investissements ne sont pas choquants du point de vue économique. "On n'est pas dans un cadre normal", souligne Michael Tapiro. "On a affaire à un Etat, gazier, qui sait que sa ressource va s'épuiser et a choisi d'exister par le sport. Quand le Qatar rachète le PSG, avec le logo de la Tour Eiffel sur le maillot, pour 40 millions d'euros, c'est extraordinaire. Quelque soit l'investissement, il est correctement admis."
Le problème, c'est le fair-play financier, qui contraint les clubs. "Anciens riches" ou "nouveaux riches". "Il a un effet pervers, qui s'apparente à du protectionnisme tacite des grands clubs. Quand on voit le palmarès de la Ligue des Champions, il correspond aux équipes encore candidates au titre aujourd'hui et qui n'ont pas de problèmes avec cette règle", explique Michael Tapiro. Avec des clubs structurés depuis longtemps tant au niveau sportif que marketing, "qui ont une logique équilibrée entre formation de jeunes, recrutement de stars et le marketing", Paris veut rattraper son retard. "Mais ceux qui donnent les cartes, c'est ceux qui ne veulent pas que le PSG se mêle à la lutte. Aucune cadeau ne leur sera fait." Et de conclure: "La Ligue des Champions, c'est une chasse gardée. Dans le football moderne, il existe un plafond de verre qui, malgré les moyens financiers, peut être constitué de la culture, du poids de l'histoire..." Si Paris venait à être sanctionné, par une interdiction de recrutement par exemple, "cela freinerait le projet. Mais cela ne l'arrêterait pas. Car le projet, c'est de mettre le Qatar sur une carte du monde."
Le terrain, le deuxième obstacle
En perdant contre le Bayern (3-1), le PSG n'a pas perdu un simple match. Il a montré des carences qui rappellent celles apparues la saison passée au Camp Nou. "On a l'impression que cette équipe n'a pas le mental d'un champion", avance Michael Tapiro. A la dérive notamment en 1re période, le collectif a failli. "On a eu l'impression qu'en Bavière, le syndrome du Camp Nou revenait insidieusement. Cela semble être le talon d'Achille de cette équipe." Pour le PSG, 1er de sa poule pour la première fois, qualifié pour les 8e de finale, leader intraitable de la Ligue 1, "les voyants sont plutôt bons", admet Michael Tapiro. "Mais ce sont de vrais signaux faibles. L'équipe a perdu de sa majesté."
Et on en revient au leadership dans le club. "Lorsque le RCT en rugby devient triple champion d'Europe, avec Wilkinson sur le terrain, l'homme fort, c'était Bernard Laporte. Unai Emery a gagné trois Ligues Europa, mais est-il suffisamment costaud pour gérer son vestiaire ? Quand on fait des remplacements en cours de match, on montre son pouvoir sur l'effectif. A Munich, il ne l'a pas fait, et cela ne l'a pas renforcé dans l'esprit de ses dirigeants ni de son vestiaire. Je crains qu'il se soit coupé de son banc, en ne faisant pas jouer certains dans des matches où c'était possible. Soit on veut les garder, et il faut les mettre dans les meilleures dispositions, soit on veut les vendre. Là, c'est un poker-menteur." Critiqué, le coach espagnol est-il l'homme de la situation ? "Quand on veut faire partie des quatre meilleurs, il faut recruter les meilleurs pilotes, à savoir le meilleur coach qui colle avec l'esprit du club et la gouvernance", résume Michael Tapiro. Est-ce le cas ?
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