Pythium : pourquoi les terrains de L1 font pitié
Le pythium, c'est un champignon tenace qui aime ravager les pelouses. Cette année, plusieurs clubs de L1 sont touchés (et le spectacle aussi).
Des terrains jaune-marron. Des joueurs obligés de tremper leurs crampons dans un pédiluve en sortant du terrain. Un gazon "qui sent mauvais", de l'aveu même du gardien caennais Rémy Vercoutre. Voilà le triste spectacle qu'offre la Ligue 1 depuis quelques semaines, avec en point d'orgue le sinistre Bordeaux-Caen (0-0) du samedi 24 septembre. Tout ça à cause d'un champignon, le pythium, qui sème la désolation sur les rectangles verts des clubs de l'élite installés dans la moitié sud du pays... et aussi hors de nos frontières. Le Bayern Munich vient de décider de changer sa pelouse.
Parce que l'été a joué les prolongations
La pelouse du stade Matmut Atlantique avant la rencontré des Girondins contre Caen #Football Ligue 1 pic.twitter.com/2E8wykrAnO
— Cottereau Fabien (@fabcot33) 24 septembre 2016
Même si le petit monde de la Ligue 1 a découvert le nom de ce champignon cette saison, le pythium est un fléau récurrent pour les jardiniers. Il se développe particulièrement quand la température dépasse 30°C le jour et ne descend pas sous les 20°C la nuit. Les mois d'août et septembre, où il a fait particulièrement chaud, entrent dans cette catégorie. Et cela risque de se reproduire dans les années à venir, réchauffement climatique oblige. "On nous compare tout le temps aux jardiniers anglais, mais ils n'ont pas à gérer les cinq climats différents qui règnent en France. Dès que vous descendez au sud de Poitiers, on doit faire face à des conditions beaucoup plus difficiles, insiste Patrice Therre, spécialiste de l'entretien des terrains sportifs, qui revenait d'une journée passée au chevet de la pelouse de Bordeaux.
Parce que le pythium est piégeux
"C'est surprenant que ça se développe à ce point sur les terrains de L1 qui sont très surveillés", s'étonne Adrien Vabre, de la société d'entretien de terrains sportifs Coseec, contacté par franceinfo. Il existe un traitement fongicide qui peut résoudre le problème en quelques heures. Mais il faut ensuite proscrire toute utilisation du terrain pendant 48 heures. En Ligue 1, c'est dans le domaine du raisonnable, les terrains étant utilisés tous les quinze jours en moyenne. Même si le règlement limite le recours à ces produits à deux applications par an. "Il y a toujours un risque de confondre le pythium avec la sécheresse, car le gazon a le même aspect dans les deux cas. Du coup, vous arrosez encore plus, et là, le champignon se régale." L'essentiel, selon le spécialiste, est de faire le bon diagnostic au bon moment. "Une fois que votre gazon est brûlé au pythium, c'est fini, il ne repoussera pas."
Parce que l'Euro a bousculé le planning
Plusieurs des pelouses touchées par le champignon ont accueilli l'Euro (Toulouse, Bordeaux...). Et c'est tout sauf un hasard, insiste Patrice Therre. Pendant l'intersaison ont lieu les opérations de régénération du gazon. Cette année, elles ont eu lieu de juin à mi-juillet, au plus fort de l'été. "En Premier League, vous pouvez scalper un gazon et semer le 25 juin pour pouvoir jouer six semaines plus tard. A Bordeaux, où on évolue sur un gazon semé en 2014 pour la mise en service du stade, on l'a fait le 10 juillet, et ça n'est pas passé."
Parce que les gazons en kit sont fragiles
Rappelez-vous : lors de l'Euro, les pelouses françaises avaient été montrées du doigt pour leur mauvaise tenue. Les jardiniers des stades concernés avaient répliqué que l'UEFA avait imposé la pose de gazon élevé en Autriche, qui avait eu peu de temps pour s'acclimater à l'Hexagone. "Si vous stressez le gazon, physiquement, il sera moins résistant aux maladies, poursuit Adrien Vabre. L'idéal pour obtenir un gazon résistant est de semer une pelouse, ce qui prend minimum deux mois. Impensable en L1. Mais le gazon tout prêt a aussi un autre défaut : son manque de variété. "Un terrain de L1 compte une ou deux variétés de graminées, maximum. Un terrain plus rustique, dans une petite commune, en comptera une vingtaine... et résistera mieux au pythium, qui ne s'attaque qu'à un seul type d'herbe, deux au maximum."
Parce que les stades ne sont plus consacrés qu'au foot
L'OGC Nice s'est installé dans son stade flambant neuf de l'Allianz Riviera en 2013. En trois ans, le concessionnaire du stade a déjà procédé à six changements de pelouse. Les raisons sont multiples : la canicule, les effets dévastateurs d'un match de rugby... et l'inévitable pythium. "Aujourd'hui, on est dans l'ère de la pelouse jetable", regrette Adrien Vabre. A 400 000 euros le changement, tout de même. De plus en plus de stades multimodaux alternent concerts et matchs, imposant de fortes contraintes à une pelouse en rouleaux plaquée à la va-vite.
La porte-parole du concessionnaire du stade azuréen se voulait rassurante dans Nice-Matin : "Cette opération de maintenance est tout à fait logique dans un stade multifonction. Le coût de ce changement a été prévu dans le budget d'exploitation." N'empêche, le club niçois est l'un des mauvais élèves du classement des pelouses réalisé chaque année par la LFP. L'an prochain, a assuré son directeur Didier Quillot dans L'Equipe, des sanctions financières seront imposées aux mauvaises graines, dans le genre de l'OGCN.
A Toulouse, la mairie avait déboursé 1,3 million d'euros pour installer une pelouse hybride à l'été 2015 qui, selon le fabricant, pouvait tenir "quinze ans" avec un entretien correct, rappelle le site Côté Toulouse. Le coach Pascal Dupraz l'avait comparée au "désert de Gobi" avant qu'elle ne soit finalement changée courant septembre.
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