: Reportage Ligue 1 : comment le FC Metz a rendu son stade plus accessible aux supporters en situation de handicap
Le stade Saint-Symphorien s'élève le long du bras de la Moselle qui traverse Metz. Les supporters affluent par centaines vers les entrées pour la rencontre entre le FC Metz et le Losc, importante dans la course au maintien pour l'équipe qui reçoit ; dans celle à l'Europe pour les visiteurs.
Au pied de la tribune Sud – refaite à neuf –, Caroline Gateau tente de convaincre un couple, dont l'homme est atteint de déficience visuelle, de rester pour assister au match. Depuis septembre, elle est la référente Supporter en situation de handicap (SSH) du club, chargée de piloter et de mettre en œuvre le plan d'action sur l'accessibilité du stade à ce public. Sa nomination prend source dans une volonté plus large du club d'offrir une expérience d'accueil la plus complète possible à tous les supporters du FC Metz atteints d'un handicap visible ou invisible.
Des réunions tous les deux mois
Il y a près de deux ans, alors que les travaux de la tribune Sud – inaugurée en 2020 – étaient terminés, le club avait déjà fait des avancées en termes d'accessibilité. Un collectif composé de quatre associations et de salariés représentant plusieurs composantes du club a été créé pour optimiser le dialogue entre toutes les parties. Se sont alors engagées un ensemble de réflexions pour faciliter la vie des SSH : "Par exemple, les portes des toilettes handicapées étaient trop lourdes pour que les personnes puissent les manipuler facilement. Si vous n'avez pas l'expérience ou si vous ne discutez pas avec des gens qui sont au quotidien confrontés à ça, vous ne pouvez pas forcément l'anticiper."
Ce groupe de dialogue se réunit tous les deux mois depuis mars 2022 et évoque les aspects infrastructures mais aussi d'expérience spectateur. "On souhaite être un club moteur dans l'amélioration de cette expérience pour nos supporters en situation de handicap. Des supporters sont des ultras et d'autres aiment plutôt regarder le match dans une tribune familiale. On veut que nos spectateurs en situation de handicap aient le même choix que les autres." En tout, 194 places réparties dans les quatre tribunes du stade, virages compris, sont accessibles aux usagers en fauteuil roulant (UFR). A cela s'ajoutent des places de parking dédiées, un site réservé uniquement aux SSH, une billetterie adaptée à tous les handicaps avec des prix préférentiels (jusqu'à moins 70% sur le billet).
Nous prenons l'un des 11 ascenseurs installés pendant les travaux pour retrouver Caroline Gateau, au dernier étage de la tribune Sud. Cette ancienne chargée de communication dans une banque au Luxembourg vérifie que tous les supporters sont bien installés, ouvre une porte à ceux qui souhaitent récupérer du matériel d'audiodescription utilisé pour les déficiences visuelles ou briefe les huit agents d'accueil dédiés à ce public. "Il n'y a jamais personne qui s'est dit 'J'ai été trop mal reçu, je ne reviendrai jamais'. C'est une petite victoire. Je trouve ça hyper important de pouvoir accueillir tous les publics de ce stade. Parce que le foot, c'est le sport le plus populaire, tout le monde a envie d'en être", détaille-t-elle, tout en gardant un œil sur la rencontre.
Lorsque les ascenseurs s'ouvrent sur le dernier étage de la tribune, une sensation d'espace s'empare du visiteur. Les allées sont larges et les supporters qui se déplacent en fauteuil roulant ont des places clairement identifiées, tout comme leurs accompagnateurs. Quatre résidents de la maison d'accueil spécialisée du Centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville assistent au match, avec huit accompagnants. Ils sont tous atteints de lourds handicaps, sont sous assistance respiratoire : "Le lieu est adapté. Ce sont de gros fauteuils, on ne peut pas les mettre partout, l'espace est bien fait, avec une vue dégagée sur tout le stade, c'est très bien", s'enthousiasme Antoine Bolmont, directeur de cabinet et de la communication du CHR.
Un peu plus loin dans la tribune se trouve une salle dont on ne peut pas voir l'intérieur. Sur la porte est inscrit : "Salle sensorielle". C'est le premier club en France à en avoir mis une en place. En test depuis Metz-Monaco, elle permet, notamment pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique (TSA), de voir le match dans une situation qui ne génère pas de stress pour elle à cause du bruit ou de la foule : "Il y a des petites lumières apaisantes, une acoustique particulière, des jeux sensoriels dont des petites balles anti-stress, des petits jeux à démêler, emmêler. On a aussi mis du gazon synthétique. C'est vrai que le TSA (trouble du spectre de l'autisme), c'est un peu un angle mort, il n'y a pas de difficulté de déplacement, ce n'est pas un handicap visible, donc on ne se rend pas compte", détaille Caroline Gateau, qui s'est inspirée du modèle anglais pour développer cette salle.
"On voulait se focaliser aussi sur des choses qui sont faciles à mettre en place, qui ne nécessitent pas forcément un budget énorme, mais ça peut rendre beaucoup de services, abonde Hélène Schrub. On reçoit pas mal de mails de gens qui nous disent : 'Un membre de ma famille a un trouble autistique, je voudrais aller au match, comment c'est possible ?'." Les deux femmes confient déjà recevoir des demandes pour la salle sensorielle en vue de la saison prochaine.
De la responsabilité du club
"Je veux qu'on soit à la pointe de ce qui se fait de mieux pour les supporters en situation de handicap. Et ça, ça évolue tout le temps, insiste la DG du FC Metz. On a beaucoup de supporters qui nous disaient : 'Je ne viens plus au stade parce que l'accessibilité, ça ne marchait pas.' Et depuis la construction de la tribune Sud et le fait qu'on ait communiqué là-dessus, il y en a beaucoup qui reviennent, qui sont abonnés et qui sont ravis d'en profiter."
Entre la création du collectif et la fin de la saison 2024, le club a bénéficié d'une augmentation de 70% de ses abonnés SSH et accompagnateurs. Et il ne compte pas s'arrêter là : menus en braille, labellisation des places en fonction des handicaps, files d'attente dédiées, formation de l'ensemble du personnel… Le FC Metz se donne entre 12 et 18 mois pour aller encore plus loin : "C'est notre responsabilité sociétale de club de football professionnel ancré dans son territoire d'aller dans cette direction", conclut Hélène Schrub.
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