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Reportage Marseille a fait ses adieux à son "Boss", Bernard Tapie

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les supporters marseillais arrivent à la cathédrale de la Major pour l'enterrement de Bernard Tapie, le 8 octobre 2021, à Marseille. (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)

Décédé dimanche à 78 ans, Bernard Tapie a été fêté puis inhumé vendredi 8 octobre à Marseille.

"Vous n’avez même pas de roi ici" lance un journaliste parisien. La réponse d'une supportrice marseillaise fuse du tac au tac : "Mais vous plaisantez ? Il est enterré juste ici, depuis quelques minutes !". Il est un peu plus de 14h, la scène se passe devant les grilles du cimetière de Mazargues dans le 9e arrondissement de Marseille. A l’ombre des platanes, les taquineries vont bon train entre la capitale et la Canebière. Le roi dont elle parle, c’est évidemment Bernard Tapie, qui est en train d’être inhumé de l’autre côté des grilles, dans l’intimité familiale. Après une journée marquée par la ferveur et l’émotion du peuple marseillais, la famille Tapie profite de ce moment. De son moment. En grandes pompes, Marseille vient de faire ses adieux vendredi 8 octobre à celui que tout le monde ici appelle affectueusement "Boss".

Marseille chante Tapie

Même s’il en a rêvé - et qu’il a essayé -, Bernard Tapie n’a jamais été maire de Marseille. Et pourtant jamais un ex-édile marseillais n’aura le droit à une journée d’enterrement comme celle que la cité phocéenne a offert à "Nanard". "La ville arrêtée comme cela, pour la mort de quelqu’un, je n’ai jamais vu ça. C’est rare qu’une personnalité se fasse enterrer à Marseille, ça nous touche qu’il ait choisi de reposer ici", note Linda, émue à l’entrée du cimetière. Avec son fils, elle tenait à être là, et attendra le temps qu’il faut pour aller se recueillir sur la tombe "tant que Tapie est encore un peu de notre monde, encore un peu avec nous. C’est important de lui dire au revoir." Ils sont alors quelques dizaines devant le cimetière, après avoir été des milliers à chanter, pleurer et saluer Bernard Tapie.

Pour cette journée historique à l’échelle locale, rendez-vous était donné dès le matin, à une heure où le Vieux-Port baigne encore dans l’ombre. Le marché aux poissons est bien là, mais ce n’est pas pour lui que la foule se rassemble. Minute après minute, une masse de supporters ciel et blanc - pour une fois vêtus de noir - se réunit face à la Méditerranée. Parmi eux, Patrick, 57 ans, membre de la première heure des "Marseille Tout Puissant" : "Je n’ai pas pu lui rendre hommage jeudi au stade, je me devais donc d’être là aujourd’hui pour le cortège et la cérémonie". À quelques mètres, Guy d’Endoume s’agite. Figure historique du mouvement ultra local, il tente d’organiser un peu le cortège, pour l'instant silencieux.

"J’ai eu l’honneur de porter la coupe aux grandes oreilles hier lors de l’hommage au stade. C’était très émouvant, notamment le silence à son entrée. Aujourd’hui, on va chanter fort car on est triste, mais on doit remercier le "boss"

Guy d'Endoume

à franceinfo

Membre de la Vieille Garde (des pionniers qui ont bien connu l’OM de Tapie), Guy est entouré d’une bonne flanquée d’anciens, venus de tout le pays, et même de Belgique pour certains. Autour d'eux, la foule s'épaissit. Et alors que le soleil pointe le bout de ses rayons, les premiers chants résonnent. Les anciens se mettent en tête du cortège. Pour l’occasion, ils ont même ressorti une bâche historique qui date des années Tapie, époque où le boss marseillais travaillait main dans la main avec les groupes de supporters, unis.

Il est 10h, le cortège de quelques milliers de supporters s’élance direction la cathédrale de la Major, en passant par la mairie de Marseille et le Mucem. Un trajet d’un peu moins de 2 km, que la foule va mettre une heure à effectuer, sans jamais cesser de chanter. Juste avant le passage devant la mairie, le cortège funéraire avec le corbillard de Bernard Tapie vient se glisser devant les supporters. Dans le port, les sirènes des bateaux retentissent. Autour du corbillard, des anonymes accompagnent respectueusement Bernard Tapie vers la cathédrale. Le temps semble s’être arrêté, Marseille la tumultueuse est tout à coup bien calme.

Le cortège finit par atteindre la Major, où nombre de personnalités sont déjà arrivées, dont le président actuel de l'Olympique de Marseille, Pablo Longoria. Accompagnée par les cloches, mais aussi les chants et les sirènes, la dépouille de Bernard Tapie pénètre dans la cathédrale. Deux cents supporters (répartis selon les groupes ultras) ont une place pour la cérémonie. L’immense majorité y assiste donc depuis le parvis, l’oreille collée aux hauts parleurs qui retransmettent l’hommage, ou les yeux rivés sur les écrans de téléphone. Pendant une heure, les discours s’enchaînent.

La cité phocéenne à l'arrêt

"Tu n’as pas été maire de Marseille mais tu as été Marseillais. (…) Comme Basile, tu as tenté de mettre un coup de boule à tes cancers et de tuer le match", illustre notamment Jean-Louis Borloo. La cérémonie religieuse prend le relais sur les discours, mais la foule reste fidèle au poste, malgré les deux heures d’attente. "On doit rendre hommage au boss, une dernière fois, pour tout ce qu’il a fait pour l’OM, et pour Marseille", résume Cathy, infirmière à la retraite.

"Tapie faisait beaucoup pour la ville. Tapie, c’était l’OM oui, mais bien plus que ça aussi."

Cathy, infirmière à la retraite

à franceinfo

Debout sur un fronton, Bruno, 33 ans, ajoute : "Mon patron m’a laissé partir à 11h pour venir, c’était trop important pour moi. J’aurai aimé amener mon fils de 3 ans, même s’il est trop jeune pour comprendre". La jeunesse est toutefois présente aussi, à l’image de Johnny et Tom qui ont roulé depuis Béziers pour l’occasion : "On n’a pas connu les années Tapie, mais on sait ce qu’on lui doit", salue le premier en montrant son tatouage sur le mollet : le trophée de la Ligue des champions  remportée en 1993.

13h10, la foule se pare de ciel et blanc : les écharpes sont tendues, le cercueil de Bernard Tapie ressort de la Major. Le début d’un long quart d’heure de chants en l’honneur du boss. De solennelle, l’ambiance redevient fiévreuse. Le convoi tente de se frayer un chemin au milieu de la foule, dense, direction le cimetière de Mazargues. À son passage, chacun tente d’embrasser le corbillard, d’adresser un mot - souvent "merci" - à Bernard Tapie.

Quelques minutes plus tard, après être passé devant le stade Vélodrome, le cortège refait surface à l’autre bout de la ville, au cimetière de Mazargues, dans le 9e arrondissement. Cette fois l’ambiance est plus intime. Une centaine de fidèles attend patiemment que la famille Tapie quitte les lieux et que les équipes municipales ouvrent les grilles. Il est 15h et, au compte-goutte, les supporters de l’OM se penchent sur la tombe très fleurie de Bernard Tapie. À jamais le premier, voilà Tapie à jamais Marseillais.

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