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Selon le sociologue Patrick Mignon, "la France a un problème avec la gestion des supporters"

Ce samedi 30 janvier, de nombreux supporters marseillais ont violemment exprimé leur mécontentement envers le club et ses dirigeants, mais l'OM est loin d'être le seul touché par ce phénomène. À Bordeaux, à Saint-Étienne où même à Lille, ces tensions entre clubs et supporters touchent toute la France. Selon le sociologue Patrick Mignon, cette situation est désormais particulière à l'Hexagone, poussée par une déconnexion des dirigeants, et accentuée par la pandémie de Covid-19.
Article rédigé par Jean-Baptiste Lautier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
Des supporters de l'Olympique de Marseille avec des fumigènes devant le Stade Vélodrome avant un match de Ligue 1 contre Lyon le 18 mars 2018 (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

“Oui, la France a un problème avec la gestion des supporters" assure Patrick Mignon, sociologue et chercheur à l’INSEP. Un problème moins grave qu’il a pu l’être, à une autre époque dans l’Hexagone comme à l’étranger, mais à une différence près, les pays d’Europe du nord l'ont solutionné depuis déjà plusieurs années : “On est rentré dans une progression des relations entre l’État, les clubs et les supporters mais on est encore loin du but."
 

Les évènements qui ont sévi à Marseille ce samedi 30 janvier s’inscrivent dans une suite de contestations dans différents clubs depuis plusieurs mois, comme à Saint-Etienne, Bordeaux ou encore Nantes. Pour Patrick Mignon, toutes ces manifestations ont un lien : “Vous avez des groupes qui se sont constitués autour des ultras, selon l’idée que les seuls vrais supporters, engagés, fidèles étaient les ultras. Cela est notamment lié au faible taux de remplissage des stades en France, qui a donné une légitimité plus grande aux ultras qui sont ceux qui sont tout le temps présents."

La crise sanitaire comme accélérateur

Depuis près d’un an, les supporters ne sont plus admis dans les stades ce qui crée un dilemme : “Comment être supporter de foot quand il n’y a plus de matches auxquels on peut assister?”. Selon Patrick Mignon, auteur de La violence dans les stades : supporters, ultras et hooligans en 1995, les supporters ont choisi : “C’est de radicaliser le propos et de profiter des opportunités qu’offrent les tergiversations”. La crise sanitaire a plongé le monde du football dans une très grande incertitude, aggravée en France par l’imbroglio Mediapro qui a donné des opportunités pour créer de nouvelles tensions entre les clubs et les supporters.

“Cela a également mis entre parenthèses tous les dispositifs portés par les ministères de sport et de l’intérieur pour créer une relation avec les supporters, fondée sur leur reconnaissance en leur offrant une place légitime dans les clubs” explique le sociologue. Le but étant de renouer le dialogue et de sceller une relation basée sur la confiance, “en arrêtant de considérer les supporters comme des délinquants potentiels”. Toutes ces mesures poussées par l’exécutif devraient revenir sur le tapis après la pandémie mais pour l'instant, la situation se cristallise.

Une déconnexion des dirigeants avec les territoires 

Patrick Mignon pointe un autre aspect qui a conduit à ces grandes tensions entre les différentes parties, très bien illustré à Marseille : “Quand le président dit qu’il y a trop de Marseillais dans la gestion du club, il manifeste très clairement une logique économique contre l’attachement entre le club, son territoire et sa population.” Ce constat peut être tiré au sujet de nombreux clubs français, dont les dirigeants ou actionnaires ne se sont que très peu préoccupés du territoire et des supporters, pour se concentrer uniquement sur la rentabilité économique.

Cette situation constitue un terreau très favorable au développement de tensions : “Il y a naturellement un esprit militant des supporters mais ce processus de développement des ultras s’est basé sur cette déconnexion entre d’un côté, un club qui représente un territoire, une région ou même une nation, et de l'autre, une gestion qui tend à se poser la question de sa capacité à faire beaucoup plus de profit”, assure le chercheur à l’INSEP. Dans ce cas “l’équipe dirigeante peut apparaître comme totalement déconnectée de l’intérêt du local”

Il existe pourtant des solutions pour enrayer ces escalades de contestations et de violence. Pour Patrick Mignon, “il faut que les clubs soient beaucoup plus que des clubs qui s'expriment et intègrent le territoire.” Un exemple existe même dans l’Hexagone, mené par un certain Jean-Michel Aulas : “À Lyon, le projet n'est pas contradictoire. Il peut s’inscrire profondément dans l’évolution de la métropole Lyonnaise.” Des raisons d’espérer peuvent donc exister, mais pour cela, il faut se mettre au travail.

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