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Vide juridique, sanctions, OM - PSG... Marseille - Rennes : 4 questions pour un report

De sérieux incidents au centre d'entraînement de l'Olympique de Marseille ont contraint la Ligue de football à annoncer le report de la rencontre entre l'OM et Rennes, prévue samedi à 21h00. Cette situation, aussi rare que grave, pose plus d'une question autour du club phocéen en crise et désormais un peu plus dans le brouillard.
Article rédigé par Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min

• Pourquoi avoir reporté OM – Rennes ?

Samedi en début d'après-midi, un groupe de 300 supporters de l'Olympique de Marseille s'est présenté autour du centre d'entraînement de l'OM pour manifester leur colère autour de la situation de leur club, à quelques heures de la rencontre. Des échauffourées ont eu lieu entre certains de ces supporters et les forces de sécurité sur place. Une cinquantaine de ces personnes ont réussi à rentrer dans le Centre Robert Louis-Dreyfus et ont fait de sérieux dégâts matériels (vitres brisées, jets de projectiles) selon plusieurs journalistes présents sur place. Les dégâts sont estimés par l'OM à "plusieurs centaines de milliers d'euros", face à ce que le club a qualifié de "barbarie". Plusieurs médias dont L'Equipe ou RMC rapportent par ailleurs que le défenseur espagnol Alvaro Gonzalez a été touché par le jet d'un objet dans les heurts.

Face à l'incapacité de pouvoir assurer la sécurité de ses propres joueurs, l'Olympique de Marseille a alors demandé le report du match contre Rennes à la Ligue de football professionnel, ce qu'il a obtenu, après  consultation du club breton. "Il n'y a rien de plus à ajouter, on a pris acte de la décision de la Ligue et on ne peut que l'accepter" a réagi le président du SRFC Nicolas Holveck à L'Equipe.

• Pourquoi un report et non une annulation ?

Les cas de report sont précisés dans le règlement de la LFP. Les cas d'intempéries, de panne d'installations électriques ou encore d'incidents au cours d'un match dans et aux abords du stade y sont évoqués. Mais pas celui d'incidents de ce type, en amont d'une rencontre. "C'est un cas complètement atypique, nous explique Maître Thierry Granturco, avocat en droit du sport. Il n'est pas prévu dans les textes, qui ne sont pas faits pour être exhaustifs."

Seule la commission de discipline de la Ligue peut a posteriori être compétente pour "évaluer le degré de responsabilité des clubs pour tout incident survenu ou toute infraction aux Règlements […] dans l’enceinte des stades avant, pendant et après les rencontres et de prononcer les sanctions éventuelles". "Mais l'article 2.3 de la commission est lié à un match, aux abords d'un match, aux abords de stade et au stade lui-même, précise Maître Thierry Granturco. Il n'y a pas de précédents, donc pas de jurisprudence. La LFP va devoir procéder à une interprétation 'ratio legis' du règlement, en recherchant le sens du texte."

Ce vide juridique, autant que la situation de l'Olympique de Marseille, à la fois victime et partie prenante dans ces incidents, ont conduit la LFP à procéder au report de la rencontre, plutôt qu'à punir le club olympien.

• Que risque l'Olympique de Marseille ?

Après deux heures de flottement, la Ligue a donné plus de détails sur la situation par la voix de son directeur exécutif Arnaud Rouger, au micro de Canal +. "L'OM ne risque absolument pas de sanctions, a-t-il assuré. Le match sera reporté, il ne sera évidemment pas perdu sur tapis vert, ce serait un comble. Ce sont les fauteurs de trouble qui risquent des sanctions." Cette situation pose question, puisque si le club marseillais n'est évidemment pas responsable des agissements de certains de ses Ultras concernés dans les scènes de ce samedi, il est responsable des conséquences possibles.

"Que l'acceptabilité du report soit inéluctable ne rend pas les Marseillais non sanctionnables, indique Maître Thierry Granturco. Il est impensable d'imaginer que l'OM s'en sorte avec un simple report et sans sanction. Une sanction financière semble inévitable, voire une délocalisation du match contre Rennes." L'ancien avocat met néanmoins fin au débat qui a enflammé les réseaux sociaux sur un possible match perdu pour Marseille. "Donner les trois points à Rennes est toutefois impossible car les textes sont flous et les avocats de l'OM ne pourraient pas laisser le club être infligé d'un match perdu sans procéder à un recours". 

• Quelles conséquences sportives pour l'OM ?

Le club, 7e de Ligue 1 avant les rencontres disputées dimanche, n'avait pas besoin de cela. La formation d'André Villas-Boas est en pleine crise de résultats et de confiance ces dernières semaines. Envisager les conséquences psychologiques de cet après-midi de chaos ne serait que pure spéculation. Il a au moins mis les joueurs phocéens sur une même longueur d'onde : ils ne veulent plus voir ce genre d'incidents se reproduire. "Cela fait 13 ans que je suis joueur de l’Olympique de Marseille. Je connais tout de ce club, je sais l’amour et la frustration qu’il peut susciter. Mais les événements d’aujourd’hui m’attristent et sont inacceptables, s'est ému le gardien international français Steve Mandanda. Nous sommes des joueurs de football et une crise sportive ne peut en aucun cas justifier un tel déferlement de violence."

En pleine période de mercato hivernal, la situation explosive pourrait aussi avoir des conséquences tant sur les éventuelles volontés de départ de joueurs, comme sur celles d'arrivées de potentielles recrues. Le choc face à ces comportements est d'autant plus fort qu'il va devoir être vite effacé. L'OM retrouve les pelouses dès mercredi à Lens. Avec ce deuxième match reporté à disputer (après celui contre Nice, reprogrammé le 17 février prochain), le calendrier va se densifier un peu plus et pourrait peser au moment du sprint final, alors que Marseille vise toujours les places européennes en fin de saison. Dimanche prochain, le club des Bouches-du-Rhône reçoit notamment son rival éternel, le Paris Saint-Germain, de quoi faire naître bien des craintes dans un tel cadre.

"Je ne pense pas que la LFP agira sur le match OM – PSG, tempère Maître Thierry Granturco. Elle demandera des mesures de sécurité bien différentes de celles d'aujourd'hui. Une affiche OM-PSG est trop sensible pour être délocalisée, c'est juridiquement possible mais je n'imagine pas la Ligue le faire. Ce serait mettre encore plus le feu à Marseille. Cela me semblerait non justifié, car les Marseillais sont désormais capables de sécuriser ce match en connaissance du contexte de ce samedi. Et juridiquement, les textes ne permettent pas de telles interprétations."

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