Ligue 2 : les mille et une idées des supporters contre les matchs à 18h45
En avançant d'une heure et quart le coup d'envoi des matchs de L2 le vendredi soir, la Ligue de football professionnel a fédéré les supporters, qui entendent bien mener une guérilla médiatique contre cette décision.
"Il faudrait arrêter de croire que les supporters des clubs de L2 sont tous des chômeurs qui habitent en face du stade", déclare Pascal Demuynck, du Comité pour le retour de l'ambiance au stade Bollaert, l'antre du RC Lens. Le nouvel horaire des matchs à 18h45 le vendredi soir, décidé par la Ligue de football professionnel et entériné par la chaîne beIN Sport, ne passe pas auprès des supporters. Face à la perspective de stades vides - beaucoup de passionnés ne pouvant matériellement se rendre au stade à temps -, les supporters se mobilisent. Et les idées ne manquent pas.
• Boycotter les rencontres
Certains groupes de supporters, les plus radicaux, se sont autodissous, comme le Kop Rouge à Guingamp. D'autres constatent qu'ils n'auront pas besoin d'appeler au boycott pour vider le stade : "Le boycott sera naturel, à cause des horaires, car les gens ne pourront pas venir, explique Olivia Delitte, du Kop Ciel et Marine 84 du Havre. Le stade vide toute l'année, ça se fera tout seul." C'est particulièrement dommage pour le HAC, qui inaugure son nouveau stade jeudi 12 juillet. "Des études montrent que l'effet d'un nouveau stade se traduit par une hausse de la fréquentation de 30%. Les dirigeants du club tablaient dessus dans le budget du club, mais ce ne sera pas le cas. Les gens pourront se libérer une fois ou deux, pour les grosses affiches, mais pas pour les dix-neuf rencontres du championnat. Finalement, le slogan du club, 'un stade pour tous', va devenir 'un stade pour tous ceux qui finissent le travail à 17h30'."
A Lens, on évoque l'idée de n'arriver au stade qu'à 20 heures, l'horaire demandé par les supporters, et de laisser les tribunes vides pendant la première heure de jeu.
• Faire signer la pétition par des personnalités et par le plus grand nombre
"A Guingamp, ils ont passé trois jours sur la place du marché, et ont récolté ainsi 2 000 signatures", explique Romain, de la Brigade Loire, club de supporters du FC Nantes. A mettre en perspective avec les 7 000 récoltées sur le site Internet. "Le gros du travail se passe sur le terrain. Faire une pétition sur Internet c'est bien beau, mais ça ne remplace pas le travail de proximité", conclut Romain. Au Havre, le Kop Ciel et Marine 84 a lancé un appel aux supporters pour inonder la boîte aux lettres du club… avec succès, puisque ça a poussé le président, Jean-Pierre Louvel, à signer la pétition.
Si les élus locaux sont mobilisés, comme le maire de Lens cité par Lensois.com, pour débaucher des personnalités de premier plan, c'est plus difficile. "A Monaco, si le prince Albert s'élève contre Al-Jazeera [propriétaire de beIN Sport], c'est pratiquement un incident diplomatique, reconnaît Nassim Lababedi, patron des Ultras Monaco. Je pense qu'il dira directement le fond de sa pensée aux personnes concernées." A Auxerre, Jonathan Ernie, président des Ultras, assure avoir obtenu le soutien de Guy Roux, figure tutélaire du club. Du côté du Mans ou de Sedan, on explique avoir approché la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, et le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, qui a joué au Mans FC dans sa jeunesse.
• S'attaquer à l'image de beIN Sport
"La Ligue de football professionnel n'a pas d'intérêt à conserver une bonne image auprès du public, mais beIN Sport, oui, explique Romain, de la Brigade Loire. Ça peut les pousser à forcer la main à la Ligue. Quand on parle de 'ternir l'image de beIN Sport' dans nos communiqués, ça ne veut pas dire qu'on va aller caillasser leurs camions-régie les soirs de match, mais plutôt appeler au boycott de la chaîne."
La réunion de conciliation promise par la Ligue de football professionnel peut être un moyen de pression : les différents groupes de supporters du collectif veulent en faire un maximum de publicité, de façon à créer une attente auprès du public. Reste qu'aucune date n'est encore fixée.
• Demander des abonnements demi-tarif aux présidents des clubs pour n'assister qu'à une mi-temps
Cette idée peut prêter à sourire, mais elle a réellement été demandée par les groupes de supporters dans certains clubs, comme au Havre. On attend la réaction des présidents devant cette solution qui permettrait peut-être de redresser les chiffres d'abonnements, en baisse des deux tiers, d'après les représentants de supporters.
• Demander de l'aide aux joueurs
A Sedan, Gaël, des Young Boys, propose : "On pourrait demander aux joueurs de s'asseoir sur le terrain au coup d'envoi des matchs. C'est une idée à exploiter, qui dépasserait la simple banderole." Dans beaucoup d'équipes, les joueurs et le staff technique ont été sensibilisés au problème par les supporters, même si assez peu ont signé la pétition. Les joueurs du Clermont Foot, qui l'ont tous signée, font figure d'exception.
• Aller supporter l'équipe B
"On envisage d'aller massivement encourager l'équipe B, qui joue le samedi ou le dimanche après-midi. S'il y a 10 000 personnes au match de la réserve et 3 000 pour le match de l'équipe de L2, ça montrera que les supporters peuvent se mobiliser le week-end", explique Arnaud, du Malherbe Normandy Kop, club de supporters de Caen.
• S'assurer le soutien des clubs de L1
C'est le principal relais médiatique espéré par les supporters mécontents de L2. Une quinzaine de groupes de supporters de clubs de L1 ont signé la pétition SOS Ligue 2. Des banderoles ou des actions lors des matchs… diffusés aussi sur beIN Sport auraient un tout autre retentissement.
• Descendre en National
Mercredi 11 juillet, le club du Mans a été administrativement relégué en National, la troisième division, par le gendarme financier du foot français. "Dans notre malheur, Le Mans jouera à l'horaire qu'on a toujours réclamé, le samedi à 20 heures, explique Jérémy, du Virage Sud, un groupe de supporters du Mans. Reste que j'aurais préféré qu'on reste en Ligue 2 !"
De l'avis général, il paraît compliqué de faire plier la Ligue et beIN Sport à deux semaines du début du championnat. Les supporters ont mis au point une stratégie d'actions graduées, avec en point d'orgue des manifestations nationales sévèrement encadrées pour éviter tout débordement. Comme le résume Romain, de la Brigade Loire, "ça ne sert à rien de faire un gros coup de buzz fin juillet pour que le mouvement s'essoufle ensuite".
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