Coronavirus : Des Ultras malheureux mais Ultras mobilisés durant le confinement
Pour certains, les joueurs ou les dirigeants des clubs notamment, la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 actuelle pourrait être source de graves conséquences financières et économiques. Quand des clubs négocient avec leurs joueurs une baisse des salaires ou une mise au chômage partiel, il y en a d’autres pour qui ce sont, avant toute chose, le moral et la passion qui sont mis à rude épreuve. Parmi ces gens-là, on retrouve évidemment les supporters et les Ultras. Ceux qui, chaque week-end, animent les tribunes de nos stades, corps et âmes, avec une détermination et un amour pour leur club qu'ils sont seuls à pouvoir comprendre.
« Aller à Bollaert, c’est un besoin social et vital »
Pour Jérémy, membre des Red Tigers 94 du Racing Club de Lens, ses activités au quotidien en tant qu’Ultra sont tout simplement primordiales : "Toutes les semaines, tous les jours, nous parlons football et Ultras. On a toujours quelque chose à faire et quand on arrive au match le week-end, il n’y a que ça. Je ne prévois rien quand on a match à Bollaert. Je ne pourrais jamais arrêter d’aller à Bollaert, c’est un vrai besoin. C’est un besoin social et vital." Le stade Bollaert, véritable temple de tous les Lensois et une des plus emblématiques enceintes du football français, vibre en effet tous les quinze jours. Même pensionnaires de Ligue 2, mais à la lutte pour une montée dans l’élite (le RCL est deuxième, ndlr), plus de 26 000 spectateurs (5e meilleure affluence en France L1 et L2 confondues, ndlr) s’entassent dans l’antre où résonne notamment Les Corons, morceau de Pierre Bachelet et entonné par les supporters lensois toujours fiers de leurs ancêtres mineurs.
Des supporters qui sont d’ailleurs reconnus comme parmi les meilleurs dans l’Hexagone. Fidèles comme personne ou presque, les Ultras sang et or se distinguent notamment par leur capacité à se déplacer de partout, tout le temps. Tous les stades de France, le week-end comme en semaine, accueillent ainsi des centaines d’Ultras lensois lorsque leur équipe joue. Car l’essence même de l’ADN Ultra réside dans le déplacement des troupes. À 37 ans aujourd’hui, et père de famille, Jérémy ne peut plus se déplacer comme "à l’époque" où il avait notamment fait "trois Grand Chelem de suite". Le Grand Chelem pour un Ultra ? C'est de ne pas rater le moindre match de la saison, à domicile et extérieur compris, championnat et toutes coupes confondus. Voilà qui permet de mesurer la passion et l’amour du bonhomme. "Le déplacement ? C’est unique", nous avoue le supporter nordiste, "c’est dans les déplacements que tu crées ton groupe. Tu découvres les gens. Tu crées une solidarité et un lien particulier."
"Ce manque de tribune, de stade : ça me bouffe !"
Déplacements dans toute la France, match à Bollaert ou encore regroupement au local pour discuter et décider du prochain tifo autour d’une bonne bière : tant d’activités au quotidien que Jérémy et ses compagnons ne peuvent plus apprécier en ces temps de confinement. Et depuis un peu plus de dix jours, le contexte actuel est un véritable crève-cœur pour tous ces amoureux du foot. "Ce manque de tribune, de stade : ça me bouffe !" nous témoigne avec véhémence Jérémy qui poursuit : "C’est un réel manque. Aller voir mes copains, gueuler dans ma tribune, boire des bières avec mes potes, ça me bouffe vraiment de plus pouvoir aller au stade. J’ai une grosse boule au ventre en permanence mais au fond de moi, je suis totalement conscient de ce qui se passe et le confinement est hyper important."
Ce manque insoutenable, ce fanatisme teinté de sang et d’or, cet amour à l’extrême que vouent les Ultras comme Jérémy pour le Racing Club de Lens, c’est aussi ce qui leur permet aujourd’hui de tenir le coup en cette période de crise sanitaire. Dans ce match qui oppose le monde au Covid-19, les Red Tigers essaient donc "d’apporter leur pierre à l’édifice" comme nous avoue Pierre, frère de sang de Jérémy dans la tribune Marek du Stade Bollaert. Individuellement tout d’abord puisque Jérémy, en tant qu’éducateur spécialisé en pédopsychiatrie au Centre Hospitalier de Lens, s’est mis à la totale disposition du personnel soignant, au service brancardier. Mais aussi collectivement, plusieurs actions ayant été menées par le groupe d’Ultras lensois.
Ultras mobilisés
Dans un communiqué diffusé sur twitter le 19 mars, le groupe lensois a donc annoncé la mise en place, en partenariat avec une grande surface locale, d’un lieu de collecte pour rassembler du matériel manquant au personnel hospitalier. De quoi aménager une crèche pour les enfants du personnel, distribuer des livres et des revues pour les patients, des chocolats et autres en-cas pour le personnel soignant, ou encore des tablettes offertes aux personnes âgées confinées dans les EHPAD et qui veulent contacter leurs proches. Enfin, une cagnotte, qui avait dépassé les 4500€ jeudi après-midi, a été également lancée pour soutenir le personnel soignant. Tant de belles actions menées qui représentent parfaitement la mentalité des Ultras. Lensois, certes, mais aussi de toute la France.
Pierre, qui est également le président de l’Association Nationale des Supporters en France, témoigne : "En une semaine, chaque groupe Ultra a mis en place une action. Cela s’est fait naturellement et de façon spontanée. C’est l’essence même du mouvement Ultra. Il y a de la solidarité au sein des groupes, mais aussi sur le plan national. Et notamment dès qu’il y a des catastrophes, les groupes Ultras se sont toujours mobilisés." Des actes de solidarité en faveur de ce personnel dévoué et en première ligne que Pierre, à son échelle, veut promouvoir : "À l’ANS, on essaye de donner une certaine visibilité localement. C’est la seule chose qu’on peut faire."
Voir sur Twitter
Plus de 30 groupes d’Ultras français s’activent
Sur le site officiel de l’ANS, justement, plus de 30 clubs français sont représentés par près d’une quarantaine de groupes d’Ultras mobilisés dans la lutte contre la propagation du Covid-19. Du côté de Bastia, par exemple, le lancement d'une cagnotte a permis de récolter un plus de 53000€, reversés là encore au personnel soignant. Par des cagnottes, des banderoles, ou des actions comme celles menées par les Red Tigers lensois, tout est bon à prendre et potentiellement salvateur. Alors oui, évidemment, les Ultras vivent mal cette situation de confinement. Mais qui, aujourd’hui, pourrait se vanter du contraire ? Car c’est bien ça qu’il faut retenir, si les Ultras sont malheureux de ne plus pouvoir encourager leur équipe de foot, ils sont heureux, fiers, et plus que jamais volontaires pour soutenir tous ceux qui tentent de nous sauver la vie chaque jour. C’est aussi ça le quotidien d’un Ultra. Confinement ou pas.
Voir sur Twitter
Voir sur Twitter
Voir sur Twitter
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.