Économie, concurrence, droits TV... La Ligue 1 à 18 clubs, ça change quoi ?
Le passage de la Ligue 1 de 20 à 18 clubs en 2023-2024 aura des conséquences pour les clubs mais aussi les diffuseurs.
C'était attendu et c'est désormais officiel. Lors de son assemblée générale, la Ligue de football professionnel a acté, jeudi 3 juin, le passage de la Ligue 1 de 20 à 18 clubs dès la saison 2023-2024. Une décision qui risque de changer beaucoup de choses, tant économiquement que sportivement, pour les acteurs du championnat français, clubs et diffuseurs compris. Mickael Terrien, économiste du sport et spécialisé dans les droits TV du football, nous éclaire sur cette évolution à venir.
Une Ligue 1 plus fermée et peut-être plus disputée
Sur le papier, c’est une bonne nouvelle pour les clubs. Avec une Ligue 1 à 18, les équipes vont jouer quatre matchs de moins par saison. Les joueurs auraient donc une phase de récupération plus grande, ce qui diminuera le risque de blessures. Aussi, le championnat pourrait être plus disputé. Par exemple, lors de la saison 2022-2023, quatre clubs vont descendre en Ligue 2, pour lancer ce championnat à 18 clubs. La dramaturgie et le suspense seront donc bel et bien présents, puisque certains pensionnaires historiques de l’élite pourraient descendre.
Quand la Ligue 1 a eu recours à un format avec 18 clubs entre 1997 et 2002, la lutte pour le titre avait également été intense puisqu'aucun club n’était parvenu à conserver sa couronne durant cette période. Cependant, si ce format avantage l’élite, il pourrait bien défavoriser les clubs de Ligue 2. En clair, ces derniers auront plus de mal à monter en Ligue 1.
L’œil du spécialiste Mickael Terrien : "Les clubs de Ligue 2 auront plus de mal à accéder à l’élite, et il y a une grosse probabilité qu’ils descendent en National 1. La mise en place d’une Ligue 2 à 18 clubs va faire baisser le nombre de clubs professionnels. Actuellement en France, il y a environ 42 clubs professionnels. Avec ce format, on passerait à 36. De plus, cela favorise les clubs des métropoles. En passant à 18, on élimine quatre petites villes, comme Guingamp ou encore Auxerre et on favorise les métropoles comme Paris, Lyon ou Marseille. Cependant la méritocratie du sport est toujours présente car si le club d’une petite ville travaille bien il sera récompensé. Nantes et Bordeaux sous-performent à cause de leur gestion compliquée."
Des parts plus grosses dans le gâteau des droits TV
L’hiver dernier, la crise des droits TV pour le football professionnel en France, provoquée par le retrait du diffuseur principal Mediapro, avait déjà tout chamboulé. Le gâteau, pesant 1,2 milliard d’euros par an, Ligue 1 et Ligue 2 comprises, était passé à environ 680 millions d’euros par saison, répartis entre les clubs pros. Une répartition qui était redevenue inégalitaire, nivelée par le haut, et donc plus avantageuse pour les grands clubs comme le PSG, Marseille et Lyon, mieux garnis.
Avec ce passage de la Ligue 1 à 18 clubs, les enjeux financiers seront alors essentiels dans les prochaines négociations. Car dans le cas où la répartition inégalitaire restait en vigueur, avec moins de parts à distribuer, ce serait encore les plus gros poissons les mieux nourris. En revanche, si les droits TV sont répartis à égalité entre tous les clubs, ce qui sera au centre des futures négociations, ce seront les plus petits clubs qui seront ravis de limiter la casse. Car quoi qu’il arrive, à 20 ou 18 clubs dans l’élite en 2024, le foot français sera toujours en train de digérer les conséquences de la crise actuelle.
L’œil de l’expert, Mickael Terrien : "Automatiquement, à partir du moment où la part de financement des droits TV est divisée par deux, les gros clubs veulent à tout prix passer à 18, car ils gagneront plus d’argent. Comme le gâteau est plus petit, les gros clubs veulent logiquement réduire le nombre de parts."
Un produit plus attractif pour les diffuseurs
Le passage de 20 à 18 clubs favorise évidemment la télévision. Canal +, diffuseur actuel du championnat, ne s’est jamais caché : les matchs du milieu et de la fin de tableau ne l’intéressent guère. Par contre, les gros chocs tiennent en haleine la chaîne car ils sont bien plus rémunérateurs. Cependant, rien n’indique que le passage à 18 va multiplier les grands matchs et va, surtout, améliorer la qualité produite par les entraîneurs de l’élite, souvent critiqués pour leur frilosité.
Évidemment, la dimension marketing des gros clubs est plus conséquente que celle de la lanterne rouge du championnat. Autrement dit, moins il y aura de petits clubs, plus le spectacle proposé par les grosses cylindrées sera mis en avant, par Canal + ou les potentiels futurs diffuseurs. Enfin, les gros clubs pourraient attirer davantage les stars du ballon, trop souvent propriétés exclusives du Paris Saint-Germain.
L’œil de l’expert, Mickael Terrien : "En ce qui concerne les droits TV, c’est certainement une demande de Canal +, qui se base sur l’attractivité du championnat. Car ce sont les affiches premium qui intéressent le diffuseur. Mécaniquement, si le championnat compte moins de journées, ça veut dire moins de matchs inintéressants, donc le produit est plus attractif. La LFP essaie de séduire Canal pour avoir des droits TV car c’est une machine : sans diffuseur, il n’y a pas de droits TV. Qui dit pas de droits TV, dit pas de revenus pour les clubs, qui en dépendent majoritairement. C’est un cercle vicieux."
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