Le naming, c'est du béton !
Je vais vous parler d'un pays où les clubs sont des franchises. Un pays où les clubs sont propriétaires de leur stade. Un pays où les collectivités locales ne font pas plus dans le social que dans le sport. Un pays où le business est roi et s'affiche sans vergogne. Sans aide publique mais avec des recettes sans commune mesure avec celle d'un club de Ligue 1 (guichet, merchandising, droits TV), financer un nouveau stade aux Etats-Unis s'avère moins difficile qu'en France. A cela s'ajoute un complément non négligeable : le Naming. Lancée de manière plus ou moins innocente par la presse à l'occasion de compétitions sportives (Solitaire du Figaro, Cross Ouest-France, Grand-Prix du Midi Libre, etc), cette pratique du parrainage a été reprise au bond par les sociétés en quête de visibilité et d'investissement. Ont alors fleuri dans un monde globalisé les compétitions griffées, surtout dans le tennis, le golf ou la voile (Open Gaz de France, Trophée Lancôme, Volvo Ocean race). Fer de lance du phénomène, les Américains sont allés encore plus loin en proposant de louer le nom de leur enceinte sportive. Plus de 20 franchises NBA sur 30 y ont recours et 17 sur 32 équipes de NFL. A y regarder de plus près, la plupart des réfractaires sont des stades historiques comme le Soldier Field de Chicago ou le Lambeau Field de Green Bay.
Sur le vieux continent, la tendance au naming s'est accélérée en même temps que les chantiers. Alors que l'Euro 2004 de football n'avait pas généré de recours au parrainage des stades, le Mondial 2006 en Allemagne a ouvert les vannes. A Munich, le Bayern a délaissé son vétuste stade olympique pour un stade flambant neuf, l'Allianz Arena. Comme l'Emirates Stadium de Londres qui abrite Arsenal, le gigantesque "canot pneumatique" (Schlauchboot) est devenu un symbole dans toute l'Europe. Un modèle à 340 millions d'euros pour 69 901 places et payé presque à moitié par le naming. C'est l'assureur Allianz qui met la main à la poche en déboursant 150 millions d'euros sur 15 ans pour voir son nom écrit en gros sur le stade et dans tous les médias (6 M / an selon rapport Seguin). Si tous les clubs de Bundesliga ne disposent pas d'une enceinte neuve, ils sont 13 sur 18 à utiliser le naming. Sous-équipée en matière de stades et de salles, la France lorgne tous les week-ends sur les championnats étrangers où les tribunes neuves et pleines font rêver les comptables. Amateur de foot et supporter fidèle du PSG, Philippe Seguin avait publié en décembre 2009 un rapport sur "les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels". Il y expliquait le retard pris par notre pays dans les infrastructures sportives et préconisait la privatisation des stades. "On sait que cela prendra du temps, expliquait-il. 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans. Nous avons un retard de plusieurs décennies sur les autres pays. Nous sommes dans une situation qui peut être transitoire", affirmait-il. Selon lui, le naming était loin de prendre racine en France, expliquant qu'il voyait "mal le stade vélodrome de Marseille s'accoupler avec un autre nom".
Une première au Mans
Depuis la mort de l'ancien président de l'Assemblée Nationale et de la Cour des Comptes, les mentalités ont changé. L'obtention de l'Euro-2016 en France a donné un coup de boost aux divers projets de stade. Y compris à Marseille où le maire Jean-Claude Gaudin laissait clairement la porte entrouverte au parrainage en juillet dernier. "La possibilité d'une dénomination dédiée reste ouverte en raison de son intérêt financier", affirmait ainsi M.Gaudin lors de la présentation du nouvel ex-Vélodrome évalué à 273 millions d'euros et qui sera livré en 2014. Dans le Nord, on cherche toujours un nom au grand stade lillois. Prévue pour l'été 2012, l'enceinte ultra-moderne de 50.283 places espère une redevance de 3 millions par an pour compléter le financement. A l'automne 2009, aucune société n'avait répondu à l'appel d'offres nordiste. Du côté d'OL-land, une demande de permis de construire a été déposée le 25 janvier dernier alors qu'une forte opposition locale à Decines-Charpieu bloque toujours le processus. Le très actif président Aulas a -provisoirement ?- baptisé son projet "Stade des Lumières". Pas de naming pour le moment mais nul doute que, si une opportunité se présente, JMA copiera les grands clubs européens.
L'histoire retiendra que Le Mans a le premier utilisé ce procédé avec le MMArena, appelé à remplacer le vétuste Léon-Bollée. Tout est bon au pays du cochon. D'où cette idée du nommage. "On a essayé de trouver une formule qui soit originale, qui pèse le moins possible sur les finances des collectivités locales", explique le maire (PS) du Mans, Jean-Claude Boulard. Sur un coût total de 102 millions d'euros, Vinci a emporté la concession de 30 ans pour 39 millions, les collectivités en ont apporté 49 et le naming solde l'ardoise avec un apport de 3 millions et une "location" du nom du stade à 1 million d'euros annuel pendant dix ans (voir article xxx). Geoffroy-Guichard, Félix-Bollaert, Gerland, Vélodrome, Chaban-Delmas et consort auraient donc des soucis à se faire si la mode du naming s'étend sur les pelouses françaises. A l'ère du foot-business et des stades ultra-modernes, peut-on échapper au phénomène ? Va-t-on y perdre nos traditions ? Les Allemands et quelques les Anglais y sont passés. Avec le spectacle et la finance, le compte est bon.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.