Finale de la Ligue des champions : le dispositif de maintien de l'ordre autour du Stade de France vivement critiqué à l'étranger
Si la préfecture de police de Paris évoque une dispersion "sans difficulté" des spectateurs en marge du match, plusieurs observateurs étrangers ont été pour le moins surpris par les méthodes des forces de l'ordre.
"Honteux", "horrible", "choquant"... La presse étrangère n'avait pas de mots assez forts, dimanche 29 mai, pour qualifier les incidents en marge de la finale de la Ligue des champions, retardée de plus de 30 minutes samedi soir au Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Au centre des critiques : la gestion de la foule par les forces de l'ordre françaises, qui ont fait usage de gaz lacrymogène.
Alors que la préfecture de police de Paris a assuré que "l'intervention rapide des forces de l'ordre" avait permis d'évacuer des fraudeurs présumés, puis leur dispersion "sans difficulté", plusieurs titres espagnols se sont attardés sur les vidéos prises aux abords du Stade de France. "Des images honteuses (...), un manque de contrôle total", a déploré le quotidien sportif As sur son site, montrant des agents de sécurité et des stadiers impuissants face à des supporters escaladant les grilles avant de pénétrer à toute vitesse dans l'enceinte.
Le site espagnol Semana évoque quant à lui des "scènes de chaos" autour des files d'attente, décrites comme "énormes". De son côté, le quotidien El Mundo souligne l'incapacité des forces de l'ordre à contenir "le désordre causé par ceux qui n'avaient pas de ticket". Des fraudeurs principalement présents dans le camp de Liverpool, avance le journal sur son site. C'est d'ailleurs ce qu'a pointé du doigt le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a fustigé samedi soir sur Twitter le comportement de "milliers de 'supporters' britanniques, sans billet ou avec des faux billets".
La presse britannique atterrée
Mais c'est de l'autre côté de la Manche que les critiques sont les plus sévères. Le Guardian s'interroge sur la capacité de l'UEFA "à organiser un évènement majeur". Avant de relater l'histoire d'un supporter de Liverpool tendant désespérément son billet à travers la grille après avoir été aspergé de gaz lacrymogène par la police. De son côté, le tabloïd The Sun titre "Stade de Farce" pour décrire le fiasco.
Plus au nord, la presse de Liverpool s'étrangle après cette nuit qualifiée d'"horrible" et de "dégoûtante". Le site du Liverpool Echo regorge de récits de supporters pris pour cibles par les grenades lacrymogènes et obligés de "courir pour fuir la police française", rapporte le quotidien local. "A l'ère d'Instagram, il est difficile de se cacher", peut-on notamment lire dans les colonnes du site, qui évoque l'usage de la force employée contre des supporters en présence de leurs enfants.
Du côté des fans de Liverpool, c'est la consternation. Dans un communiqué publié dimanche matin, le Spirit of Shankly, syndicat emblématique des supporters du club, a décrit cette soirée comme "l'une des pires rencontres européennes" jamais vues, citant un responsable de la police de Liverpool présent sur les lieux. L'association estime que l'UEFA a négligé la sécurité des fans et accuse par ailleurs la police française d'avoir eu "la main lourde" en ayant recours "à l'aveugle" au gaz lacrymogène.
Dimanche, la secrétaire d'Etat britannique chargée de la Culture et des Sports, Nadine Dorries, a demandé "instamment à l'UEFA de lancer une enquête officielle pour savoir ce qui s'est mal passé et pourquoi".
"La présence policière était ridicule"
Surtout, les opérations de la police française ont directement affecté les journalistes étrangers présents sur place. Dans un billet publié sur le site du Telegraph, Jason Burt, responsable des sujets football pour ce journal, raconte longuement comment il s'est retrouvé dans un nuage de gaz lancé par les forces de l'ordre. "Je n'arrivais pas y croire, (...) c'était une honte absolue", écrit-il notamment, ajoutant que la majorité des fans de Liverpool ont fait preuve d'une grande patience malgré les violences dans les "goulets d'étranglement". Comme de nombreux supporters du Liverpool FC, le journaliste appelle l'UEFA à s'excuser pour la gestion "chaotique" avant la rencontre.
Présent lui aussi dans l'enceinte du Stade de France samedi soir, le reporter Steve Douglas, de l'agence Associated Press, se souvient d'une soirée "choquante et violente". "La police m'a semblé avoir des réactions disproportionnées, explique-t-il par téléphone à franceinfo. Ils ont tiré du gaz lacrymogène à travers les barrières, alors que les gens faisaient simplement la queue. C'était le pire moment." Habitué des grands rassemblements sportifs, Steve Douglas estime que les forces de l'ordre ont agi "dans la hâte".
"C'est comme s'ils ne savaient pas que le plus grand match de football européen se jouait chez eux."
Steve Douglas, reporter sportifà franceinfo
Interrogé sur les intrusions de spectateurs dans le Stade de France, Steve Douglas précise qu'il s'agissait, là où il se trouvait, "de supporters impatients, mais aussi de gens sans billet et de quelques jeunes sans maillots particuliers, qui ont profité du désordre pour entrer". Des intrus qui n'auraient jamais pu arriver aussi près du stade si un cordon de sécurité supplémentaire avait été instauré, selon le reporter. "J'ai couvert la finale du dernier Euro de football par exemple, et la présence policière d'hier soir était ridicule en comparaison. Le dispositif policier n'était pas suffisamment dimensionné." Un dispositif plus important n'avait cependant pas empêché les supporters de s'affronter dans le centre de Londres et aux abords du stade de Wembley avant la finale entre l'Angleterre et l'Italie.
Sur BFMTV dimanche après-midi, Loubna Attal, la porte-parole de la préfecture de police de Paris, s'est félicitée de l'absence de blessés graves lors de ces incidents, tout en ajoutant que "des enseignements [allaient] être tirés" de cette soirée, qui restera assurément dans les mémoires. "On est toujours dans une démarche d’amélioration. Cet épisode ne peut pas être généralisé", a estimé la porte-parole. En tout, 105 personnes ont été interpellées et 39 placées en garde à vue samedi soir à Paris, a fait savoir la préfecture de police.
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