Incidents au Stade de France : un an après le chaos de la finale de la Ligue des champions, le travail de "fourmi" d'une cellule d'enquête spéciale
Après le fracas international du fiasco, l'enquête de l'ombre. Une cellule d'enquête spéciale de policiers de Seine-Saint-Denis a traqué les auteurs de la myriade de vols et d'agressions qui ont semé le chaos autour du Stade de France, en marge de la finale de la Ligue des champions 2022 entre le Real Madrid et Liverpool.
Les 81 interpellations en flagrance durant cette soirée n'ont abouti qu'à six condamnations en comparution immédiate au cours des jours suivants au tribunal de Bobigny. Une goutte d'eau au regard des plus de 250 plaintes recueillies par la justice autour de ce match. "Il est toujours extrêmement difficile quand on a un mouvement de masse, de foule, de passer de la gestion de l'ordre public à du judiciaire", note le procureur de Bobigny Eric Mathais, "il faut dire précisément qui a fait quoi".
Grands moyens et millier d'heures de vidéosurveillance
Une cellule spéciale a été mise sur pied au service de la sûreté territoriale de Seine-Saint-Denis, suite à l'ouverture de l'enquête deux semaines après les faits. Douze enquêteurs se sont consacrés pendant quatre mois, à plein temps, au décorticage des événements survenus autour de l'enceinte dionysienne. Un luxe de moyens normalement réservé aux procédures les plus sensibles.
S'immergeant dans les milliers d'heures de vidéosurveillance de la zone enregistrées ce soir fatidique - auxquelles manquent les caméras du Stade de France, effacées automatiquement faute de réquisition à temps -, les policiers ont pu bâtir trois dossiers judiciaires. Plan par plan, ils dissèquent les vidéos, cartographient, établissent des frises chronologiques. "Dans ce flot d'informations, il fallait arriver à individualiser des actions, identifier les auteurs des infractions et ensuite trouver la domiciliation de ces individus pour les interpeller", explique à l'AFP Lionel Lamy-Saisi, chef de la sûreté territoriale.
Deux sans-abris, retrouvés grâce à leur téléphone, ont écopé de 18 mois de prison dont une partie avec sursis pour avoir agressé une famille de supporters espagnols.
Le deuxième volet porte sur des violences contre un escadron de gendarmes mobiles sur le parvis du stade après le coup d'envoi de la rencontre, reporté de 35 minutes à cause du désordre ambiant. "C'est un travail de fourmi, on a énormément d'individus face aux forces de l'ordre. On a travaillé sur eux de manière individuelle, en retraçant leur itinéraire, en essayant de voir où on pouvait voir leur visage et on a réussi pour deux d'entre eux [condamnés à 15 mois de prison ferme pour l'un et 12 mois avec sursis pour l'autre]", raconte la capitaine Nora Meraghni qui a dirigé la cellule, dont l'activité s'est arrêtée fin octobre.
Une tentative d'homicide révélée par l'enquête
En explorant les bandes de la SNCF, un enquêteur a également découvert une tentative d'homicide volontaire contre un supporter anglais sur le quai du RER D, qui ne faisait l'objet d'aucun signalement. Les policiers ont pris contact par les réseaux sociaux avec la victime, qui a écopé de 90 jours d'ITT (incapacité totale de travail), pour qu'elle dépose plainte.
"La victime n'y croyait pas, elle avait peur que ça soit une arnaque !"
Nora Meraghni, capitaine en charge de la cellule d'enquêteà l'AFP
En parallèle, ils retracent sur les vidéos le cheminement de deux agresseurs sur toute la soirée, jusqu'à aboutir à l'immeuble d'où ils sont partis. Interpellés à leur tour mi-octobre, deux suspects sont mis en examen et placés en détention provisoire. L'enquête se poursuit sous l'égide d'un juge d'instruction.
Avec six interpellations pour un travail de titan, "nous avons eu des résultats numériquement modestes par rapport à l'investissement", concède à l'AFP le procureur Eric Mathais, mais pour répondre à un "phénomène d'ampleur exceptionnelle, il fallait un dispositif exceptionnel".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.