Ligue des Champions : De la glorieuse incertitude de la VAR
“On a pris un penalty absurde, si vous me le permettez. L'arbitre n'a pas été au niveau”. Éliminé vendredi soir avec la Juventus Turin face à Lyon (0-1, 2-1), l’entraîneur Maurizio Sarri n’a pas caché son mécontentement vis-à-vis de la prestation de l’arbitre allemand Felix Zwayer. Dans le viseur, le penalty accordé à l’OL après 9 minutes de jeu pour une faute sur Houssem Aouar dans la surface, de Rodrigo Bentancur ou de Federico Bernardeschi (c'est selon). Le premier a taclé sur le ballon devant Aouar, le deuxième l’a légèrement effleuré, mais aucun fautif n’a été clairement désigné malgré l’intervention de la VAR.
Juve - Lyon comme piqûre de rappel
Memphis Depay s’était alors délecté du tir au but, le transformant d’une panenka léchée, permettant à l’OL d’ouvrir le score, mais surtout de marquer le but à l’extérieur qui a permis au club rhodanien de passer au prochain tour en dépit de la défaite. Voilà ce qui a particulièrement agacé Maurizio Sarri, qui a d’ailleurs été limogé le lendemain par la Vieille Dame pour son élimination.
C’est parce qu’un seul fait match peut avoir de telles conséquences que l’assistance vidéo à l’arbitrage a été introduite, avec le but de dissiper les incertitudes et d’éviter les injustices. Qu’il ait raison ou non, qu’il soit subjectif ou non, Maurizio Sarri n’a pas compris les décisions des arbitres allemands de Juventus - OL et il n’a pas été le seul à le faire remarquer.
Dans l’autre sens, Felix Zwayer a accordé un penalty à la Vieille Dame une demi-heure après ce fait de match, avec ce qui ressemble beaucoup à de la compensation. Memphis Depay a été jugé fautif en déviant un coup franc de Miralem Pjanic irrégulièrement (41’). Après avoir eu recours à la VAR, Zwayer a confirmé sa décision. Sur les images, Depay a bien touché le ballon du coude, mais il avait les bras collés au corps et visiblement pas l’intention de déployer son bras.
Barça - Napoli pour remuer le couteau
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour tomber sur un autre match où l’arbitrage a été pointé du doigt malgré l’utilisation de l’assistance vidéo. Le lendemain, lors de FC Barcelone - Naples, un autre match crucial de C1, Cüneyt Cakir a fait appel à la VAR à trois reprises en première période sans réussir à faire consensus. Il a d’abord validé l’ouverture du score de Clément Lenglet, buteur de la tête sur corner après avoir poussé ostensiblement son vis-à-vis (9’). Puis, il a annulé le but du 3-0 pour une main très difficile à déceler de Lionel Messi (29’). Enfin, Cakir a mis près de 5 minutes pour signaler une faute de Kalidou Koulibaly sur le même Messi dans la surface juste avant la pause (44’).
Ainsi, 5 situations litigieuses réparties sur deux matches ont connu une difficile résolution pour le retour de la Ligue des Champions, malgré l’aide de la VAR. Et, à l’évidence, la compétition n’est pas plus juste et plus infaillible depuis l’introduction du dispositif en février 2019. La main de Presnel Kimpembe sanctionnée lors du huitième de finale retour contre Manchester United est par exemple restée gravée dans la mémoire des supporters parisiens.
Le président de l’UEFA lui-même, Aleksander Ceferin, n’a pas caché son scepticisme à l’égard de l’efficacité de l’assistance vidéo. "Je n’en étais pas un partisan à la base, et je dois dire que je ne suis pas convaincu des résultats. Les arbitres de touche ne se donnent même plus la peine de lever le drapeau. Ils attendent, attendent, attendent… Les joueurs ? Ils ne fêtent plus. Maintenant, ils attendent d’abord la VAR. C’est un vrai bordel. Nous allons suggérer des changements [mais] (...) malheureusement il n’y a pas de retour en arrière possible", expliquait-il dans une interview au Mirror en décembre dernier.
Derrière la VAR, l'impossible régulation totale du jeu
Par sa promesse utopique de mettre fin aux injustices en gommant toute erreur possible, l’assistance vidéo n’a eu pour l’instant pour conséquence que de les exacerber. Ses défenseurs diront que c’est l’utilisation qui en est faite qui est à l’origine des maux du football. Mais, il suffit de regarder les situations décrites plus haut pour se rendre compte qu’une situation est toujours vouée à interprétation.
Pour beaucoup d’observateurs, il est maintenant avéré que toute main dans la surface, involontaire ou non, devait être sanctionnée depuis cette saison. Pourtant, les règles du jeu édictées par l’Ifab ne mentionnent pas de condamnation systématique et le critère d’acte délibéré existe encore. Ces règles sont d’ailleurs très difficilement lisibles. Prenons l’exemple du but annulé de Messi contre Naples. Ce dernier a été sanctionné pour avoir légèrement touché le ballon de la main après un contrôle du torse.
Il n’a ni touché le ballon délibérément, ni récupéré la possession grâce avec la main, ni marqué directement avec. Ses bras n’étaient pas au-dessus de ses épaules et l’agrandissement artificiel de la surface du corps n’est pas évident du tout. Dans sa loi n°12, l’Ifab indique par la suite qu’il “n’y a en général pas faute si le ballon touche le bras ou la main d’un joueur directement depuis sa tête, son tronc ou sa jambe”, ce qui est le cas de Messi, mais un arbitre pointilleux peut aussi plaider l’agrandissement de la surface du corps.
La nécessité d’interpréter toute situation litigieuse rend de toute façon impossible la réalisation de l’objectif de l’assistance vidéo. Certes, les règles peuvent être chamboulées pour une meilleure adaptation sur le pré, mais le football sera toujours une terre d’erreurs et d’injustices. Accepter cette idée ne pourra que réduire la défiance des observateurs et des acteurs du football européen envers ceux qui l’arbitrent. Et pourquoi pas permettre à tout le monde de se reconcentrer sur le jeu.
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