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Ligue des champions - Docteur Roger Rua : "A cause de la crise sanitaire, ce Final 8 ne sera pas équitable"

Alors que les quatre derniers huitièmes de finale retour se jouent ce week-end, la reprise de la Ligue des champions 2019-2020 fait débat. Et pour cause : selon leur pays d'origine, les clubs engagés n'ont pas eu le même scénario de reprise, et n'affichent donc pas la même forme. Médecin du sport, notamment auprès de l'équipe de France de basket, Roger Rua analyse cette reprise si particulière, et en détaille les possibles conséquences.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
  (STEFAN MATZKE / SAMPICS)

Ce final 8 de Ligue des champions est-il équitable sportivement ?
Roger Rua :
"Équitable, ce n’est pas le mot à partir du moment où il y a des reprises différenciées. Pour un sportif de haut niveau, la pratique irrégulière c’est la pire des choses. Selon les équipes, certains ont eu des programmes adaptés, ce n’était pas organisé pour tout le monde de la même façon. Autrement dit, à cause de la crise sanitaire, ce Final 8 ne sera pas équitable. C’est évident qu’il y aura des différences de forme. Les joueurs ne seront pas à égalité, ils ne seront pas dans le même état physique que ce soit au sein d’une équipe, mais surtout entre les équipes. D’autant que les joueurs ne viennent pas tous des mêmes pays. C’est au coach de secouer tout le monde pour essayer de les mettre au même niveau".

Quels seront les plus forts entre les joueurs des pays ayant repris et ceux qui ont arrêtés ?
RR : "Sincèrement je pense que c’est ceux qui ont été sérieux pendant le confinement, qui ont continué de se préparer. Après, ceux qui ont recommencé le championnat puis pris des vacances, je ne pense pas qu’ils auront un gros avantage. Ceux qui ont une longueur d'avance, ce sont les championnats qui se sont arrêtés là, juste avant la reprise de la C1. Pour un sportif professionnel, ce qui est mauvais, c’est l’irrégularité, d’alterner entre phase active et repos. Si on caricature, là, les clubs italiens qui viennent de finir le championnat seront plus en jambes que les Allemands".

Quels sont les risques pour les joueurs des pays  ayant repris ?
RR :
"Pour eux, le danger c’est au niveau des blessures. En tant que médecin, c’est ce qu’on craint le plus : des blessures causées par l’irrégularité de l'entraînement. Ce sont notamment sur des réflexes de postures, sur un geste un peu anormal, vous devez récupérer votre équilibre très vite : concrètement, on parle d’entorse ou problème musculaire".

Et pour les joueurs des pays n’ayant pas repris ?
RR :
"Ils n’ont pas de risque, parce qu’ils ont pas eu une vraie coupure. Leur problème, cela va être de revenir  à leur niveau. Plus vous êtes arrêtés longtemps, plus le retour au niveau est long, notamment musculairement".

Comment éviter ces risques ?
RR :
"Il y a des protocoles pour homogénéiser le niveau des joueurs individuellement, puis collectivement par l'entraînement. Ca passe par du médical et des exercices adaptés. Les périodes les plus difficiles sont toujours le début de la saison, parce qu’on dépend de ce qu’on a fait avant en préparation, ou pas. Ensuite, la deuxième période critique, c’est vers janvier-février, où des blessures arrivent si la préparation n’a pas été bonne".

A terme, la longueur et la charge de la saison qui s’ouvre, c’est une menace pour leur intégrité physique ?
RR :
"Oui. Du côté des staffs médicaux, on est inquiet, quelque soit le sport. L’accumulation ce n’est jamais bon. Inévitablement, cela entraîne un risque accru de blessure parce que les organismes sont fatigués. Les clubs vont devoir s'armer en staff et en joueurs, être axés sur la prévention des blessures et faire tourner plus les joueurs"

On a vu beaucoup de blessures dans les pays qui ont repris, comme l’Allemagne ou dimanche en Cup pour Chelsea : à qui la faute ? 
RR :
"C’est la confirmation de ce que je viens de vous dire. Quand une saison est autant hachée, c’est inévitable. Il ne faut pas oublier non plus que des joueurs ont été atteints par le Covid. Or, c’est une maladie avec une convalescence très compliquée, qui entraîne des états de fatigue anormaux, qui peuvent engendrer des blessures".

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