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Ligue des champions : Julian Nagelsmann, maître dans la gestion de la précocité

Ce jeudi, le RB Leipzig va participer au premier quart de finale de Ligue des champions de son histoire, contre l’Atlético de Madrid. Son entraîneur, Julian Nagelsmann, est l’un des prodiges du football mondial. À seulement 33 ans, et après avoir battu de nombreux records de précocité, l’Allemand est promis à un grand avenir. Sans avoir effectué de carrière professionnelle de footballeur, Nagelsmann a obtenu la légitimité et l’autorité nécessaires à tout entraîneur. Une prouesse au vu de son jeune âge.
Article rédigé par Denis Ménétrier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
 

Son jeune visage ne vous dit peut-être encore rien, mais il faudra vous y habituer. Alors qu’il vient de fêter ses 33 ans en juillet, Julian Nagelsmann semble en effet parti pour réaliser une très longue carrière d’entraîneur. Phénomène de précocité, le technicien du RB Leipzig disputera ce jeudi soir son premier quart de finale de Coupe d’Europe contre l’Atlético de Madrid. Une performance exceptionnelle pour Nagelsmann, qui est devenu en mars dernier le plus jeune entraîneur à passer un tour à élimination directe en C1, à 32 ans et 231 jours, le tout en battant haut la main Tottenham, finaliste de l’édition 2019.

Avant cet exploit, Nagelsmann avait déjà battu plusieurs records de précocité : plus jeune entraîneur de Bundesliga à 28 ans lors de sa signature à Hoffenheim en février 2016 ; plus jeune entraîneur à officier en Ligue des champions l'année dernière, à 31 ans. En quatre saisons au plus haut niveau, Nagelsmann s’est imposé comme un technicien aux connaissances tactiques hors-pair avec une identité de jeu reconnue. Ses performances ont ainsi fait de lui l’une des stars en devenir des bancs de touche.

Mais surtout, le jeune entraîneur a gagné en légitimité, lui qui semblait en manquer lors de ses débuts en 2016. À l'époque, le directeur du football à Hoffenheim, Alexander Rosen, lui fait une confiance aveugle : "C'est un pari risqué mais nous voyons en Nagelsmann un si grand talent que nous souhaitons lui donner une chance". "Cette légitimité, elle est ainsi donnée par la direction du club", affirme Christian Gourcuff, technicien du FC Nantes, qui a également démarré très tôt comme entraîneur-joueur à Lorient au début des années 1980. "Une époque complètement différente", juge l’entraîneur nantais, qui considère qu’après la direction, "ce sont les résultats qui vont crédibiliser ou non le travail de l’entraîneur."

Une carrière de footballeur brisée

Pourtant, difficile pour un débutant de 28 ans comme Nagelsmann de débarquer dans un vestiaire où certains joueurs sont plus âgés, et donc forcément très exigeants. "Il faut savoir mettre le curseur au bon endroit, explique Luka Elsner, entraîneur d’Amiens qui a débuté dans le club slovène du NK Domzale à 31 ans. Lors de mes débuts, je suis passé de coéquipier avec certains joueurs à entraîneur. Et dans la recherche d’une relation nouvelle, j’ai fait l’erreur de mettre plus de distance que nécessaire pour me protéger d’un éventuel problème."

Quand certains jeunes entraîneurs comme Didier Deschamps ou Paul Le Guen, qui ont respectivement débuté à 32 ans à Monaco et à 34 ans au Stade Rennais, ont pu compter sur une grande carrière de joueur, Nagelsmann a dû miser sur ses résultats immédiats. Au début de sa vingtaine, l’Allemand a en effet dû abandonner le projet d’une carrière professionnelle en raison de blessures récurrentes au genou, et s’est tourné vers les études. Un chemin qui lui aura donné raison, alors que "l’image d’ancien grand joueur peut servir un entraîneur, mais pas très longtemps, parce que ce sont les résultats qui vous crédibilisent", analyse Christian Gourcuff.

"En fait, peu importe l’âge de l’entraîneur, les joueurs savent déterminer si le niveau de compétences est suffisant pour l’équipe et pour pouvoir les faire progresser. Naturellement, si cette compétence existe, il y a un niveau d’autorité qui s’installe", ajoute Luka Elsner. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Nagelsmann a rapidement obtenu cette autorité naturelle. Dès ses premiers mois avec Hoffenheim, le prodige a sauvé le club de la relégation en Bundesliga, avant de le qualifier en Ligue Europa puis en Ligue des champions les deux saisons suivantes.

Tous les vestiaires dans la poche

Comme tout grand entraîneur, Nagelsmann s’est énormément renseigné sur le métier avant de se lancer. Au point d’aller discuter avec… un dresseur de chevaux. "Je cherchais à travailler sur mon développement personnel. Comment modifier la perception que les gens ont de moi ? Quand les personnes me rencontrent, leur première impression est de penser que je suis arrogant. Je me perçois plutôt comme quelqu’un qui a de l’assurance. Cette première impression change en général quand les gens apprennent à me connaître", avait déclaré Nagelsmann.

"Ce côté charismatique, c’est l’autre point important", confirme Luka Elsner. "Il faut dégager une confiance en soi, ne pas douter du fait qu’on a les compétences nécessaires. Et de ce point de vue-là, Nagelsmann en impose. Son charisme lui permet de renforcer son autorité." Fort de cet aplomb, le jeune technicien allemand s’est mis tous les vestiaires par lesquels il est passé dans la poche. Un écueil pour les jeunes entraîneurs qu’a su éviter Nagelsmann, à l’inverse d’André Villas-Boas, actuel coach de Marseille, lors de son court passage à Chelsea (2011-2012) alors qu’il n’avait que 33 ans.

"Nagelsmann est un génie, puisqu’il n’a pas de passé de joueur et qu’il acquis une grande connaissance du métier et une capacité à installer une vraie identité de jeu, qui sont des choses qu’il a maîtrisées à très haut niveau et très rapidement", résume finalement Luka Elsner. "L’humilité doit prévaloir parce que le risque quand on est jeune, c’est de prendre la grosse tête. Quand on a de l’expérience, on est vacciné par rapport à ça, on a une sagesse que les jeunes ont du mal à avoir", rappelle Christian Gourcuff, près de quarante années de coaching derrière lui.

Un palmarès encore vierge

Pour l’entraîneur du FC Nantes, la jeunesse de Nagelsmann lui permet cependant "d’être plus en prise avec la mentalité des joueurs. Avec l’âge, on est en décalage avec leurs motivations." Pas forcément beaucoup plus âgé que certains des membres de son effectif, Nagelsmann a ainsi imposé le tutoiement à ses joueurs. Sa proximité avec ces derniers lui a notamment permis d’instaurer une règle, celle de donner la composition d'équipe dans les vestiaires du stade, et pas la veille. "Ça maintient la concentration. Il y a un danger, surtout avec les jeunes joueurs, c’est de les voir passer trop de temps devant la télévision la veille d’un match parce qu’ils se disent qu’ils ne vont pas jouer", expliquait Nagelsmann il y a quelques mois.

Contre l’Atlético de Madrid ce jeudi, Nagelsmann ne dérogera pas à sa règle et le jeune entraîneur annoncera la composition d’équipe dans les vestiaires du stade José Alvalade. Après avoir refusé le poste d’entraîneur du Real Madrid en 2018 en remplacement de Zinédine Zidane - "je n’ai que 31 ans, j’aurai une seconde chance" - ce quart de finale de C1 peut lui permettre de taper dans l’œil des plus grands clubs européens et de se rapprocher son premier titre en tant qu'entraîneur. Tout en poursuivant son dépoussiérage des records de précocité, en devenant cette fois le plus jeune entraîneur de l’histoire à atteindre les demi-finales de la Ligue des champions.

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