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Ligue des Champions : Pourquoi le huis clos est un double coup dur pour le PSG

Le PSG va devoir s’y résoudre. L’épidémie de Covid-19 a contraint la préfecture de police de Paris à prononcer un huis clos pour son match retour de Ligue des Champions face au Borussia Dortmund mercredi. Un double camouflet pour le club de la capitale, qui va devoir non seulement surmonter un manque d’équité sportif, mais qui va aussi - comme tous les clubs français - perdre très gros sur le plan financier. Décryptage avec notre consultant Eric Roy et Olivier Maillard, manager des organisations sportives et spécialiste dans la gestion des stades.
Article rédigé par Emilien Diaz
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
 

Une coupure avec un rasoir double lames. C’est un peu ce qu’ont dû ressentir les dirigeants du PSG ce lundi, à l’annonce par la préfecture de police de Paris de la tenue du match retour de Ligue des Champions face au Borussia Dortmund à huis clos. Si elle semblait inévitable face à l’ampleur de l’épidémie de Covid-19 qui sévit actuellement en France, la décision des instances policières est un double couperet pour le club de la capitale, qui va devoir gérer une situation compliquée sur le plan sportif, mais aussi économique.

“C’est forcément une mauvaise nouvelle pour le club” reconnaît l’ancien joueur de l’Olympique Lyonnais, consultant pour francetelevisions Eric Roy, “Les matches de Ligue des Champions sont particuliers. L’atmosphère est pesante et à domicile, les joueurs peuvent créer avec les spectateurs un contexte plus compliqué pour l’adversaire. Jouer sans son public est donc pénalisant” poursuit-il. Si le Paris Saint-Germain a tout fait pour que la rencontre se tienne dans des conditions “normales” d’accueil des supporters - allant jusqu’à faire désinfecter le parc des Princes - le huis clos pose évidemment la question de l’équité sportive. 

"Le public a un poids énorme en Ligue des Champions"

Ce match retour face à Dortmund est de loin l’échéance la plus importante des hommes de Thomas Tuchel cette saison. Battus 2-1 en Allemagne, les Parisiens n’auraient clairement pas refusé l’appui de leur 12e homme pour espérer faire pencher la balance en leur faveur. À l’aller, le BVB a reçu le PSG dans un Signal Iduna Park plein à craquer. 80 000 spectateurs venus de toute la Rhur ont pu soutenir leur équipe et contribuer à leur manière à la victoire des leurs. “Il y a une alchimie particulière dans ces grands matches. Le public a un poids énorme et je ne pense pas que le Barça aurait par exemple pu réussir sa remontada dans un stade vide” juge Eric Roy, “Dans les matches à élimination directe, il y a quelque chose de difficilement explicable. Quand tu es joueur, tu te sens porté par le public, tu te sublimes. C’est psychologique et l’aspect mental joue énormément”. 

C’est au mental que les coéquipiers de Kylian Mbappé devront justement aller chercher leur qualification mercredi soir. Dans un Parc des Princes vide, les Parisiens ne pourront compter que sur eux-mêmes, et devront plus que jamais se transcender. Impuissants face à l'injustice de la situation - qui n’est en rien une sanction mais bien une décision sanitaire d’ordre public - ils auront sans doute à coeur de répondre par l’envie, et le courage. “Ils sont capables de gagner” rappelle Eric Roy, “Les grandes équipes se mesurent aussi par leur capacité à s’adapter à ces situations et à faire face à l’adversité. Les Parisiens sont des professionnels et je n’ai aucune doute sur le fait qu’ils sauront se préparer au mieux à affronter ce huis clos”. 

  (FRANCK FIFE / AFP)

Si la contrainte sportive est évidente mais pas insurmontable  - d’autres matches retour de Ligue des Champions vont se jouer à huis clos - les conséquences économiques sont peut-être plus graves pour Paris, qui va perdre gros sur le plan financier. “Sur l’aspect organisationnel, on annule un événement qui fait travailler beaucoup de monde. Il y a des prestations avec du personnel de sécurité, des hôtesses, de l’encadrement, des commandes auprès de traiteurs, etc. C’est déjà un manque à gagner énorme sur l’échelle de production” analyse Olivier Maillard, manager des Organisations Sportives, spécialiste de la gestion des stades et intervenant Business Sport à l'école de management sportif AMOS : “Il faut ajouter à cela la perte de la billetterie. Plus de 40 000 spectateurs qui avaient acheté leur place 70 ou 80 euros vont devoir être remboursés. Imaginez ce que cela représente en termes de perte au niveau ticketing, mais aussi sur ce que les gens dépensent une fois au stade” poursuit-il. 

Un gros manque à gagner

Impossible de dire précisément combien le PSG va perdre - ou plutôt ne pas gagner - après la décision du huis clos. L’Equipe estimait il y a quelques jours un manque à gagner de 5 millions d’euros, ce qui semble tout à fait crédible aux yeux d’Olivier Maillard : “Contrairement à ce que l’on imagine, les clubs français ne roulent pas sur l’or. Paris non plus. Le club se redéploie beaucoup commercialement pour faire face à des contraintes de fair-play financier et il ne faut pas oublier que les charges et la fiscalité sont colossales. 5 millions d’euros, cela fait du bien, même pour un club comme le PSG. Cela permet de grappiller un peu”.  

En effet, bien que les moyens du PSG sont nettement supérieurs à ceux de ses homologues en Ligue 1, le huis clos concerne ici un match de gala, qui peut rapporter gros. L’impact sera donc énorme sur les prestataires et sur les revenus dégagés par le club. Des assurances seront bien évidemment engagées mais c’est tout de même un coup dur pour les dirigeants qataris, qui espéraient bien capitaliser sur la Ligue des Champions cette saison. “La politique actuelle des clubs français est de vendre leurs meilleurs joueurs pour équilibrer leurs comptes en fin de saison. C’est un peu différent pour Paris mais si vous enlevez aux clubs des rendements vitaux comme ceux de la billetterie, des prestation VIP¨ou de la vente de produits dérivés, il n’y a plus grand chose. L’économie reposerait alors sur les droits TV et la vente de joueurs”, précise Olivier Maillard, pour qui la décision d’un huis clos total du championnat - comme en Italie - serait une “catastrophe” pour l’économie des clubs

La situation est donc difficile à vivre pour le Paris Saint-Germain mais va aussi le devenir pour tous les clubs français. La décision du ministère des sports de limiter à 1000 spectateurs les rencontres de Ligue 1 jusqu’à la mi-avril au moins va forcément impacter l’économie du championnat. “Il y aura moins de recettes et la seule possibilité de rattraper ce manque est de vendre des joueurs. Un club va forcément tout faire pour reporter un match plutôt que de le jouer à huis clos. Ce serait se tirer une balle dans le pied” ajoute Olivier Maillard. Ce sont sans doute ces éléments qui ont poussé Strasbourg à reporter son match face au PSG samedi plutôt que de le disputer à huis clos. 

Paris n’a lui plus le choix et va devoir appréhender l’échéance la plus importante de son année dans un contexte de tensions et de doutes. Pour ne rien arranger, la préparation de Thomas Tuchel a dû être chamboulée par les décisions successives des autorités. Neymar et consorts se présenteront sur la pelouse du Parc des Princes dans deux jours sans avoir disputé le moindre match depuis la demi-finale de Coupe de France contre Lyon mercredi dernier. Un casse-tête pour le staff, qui a dans un premier temps pensé la semaine de préparation avec un match en Alsace qui n'a finalement pas eu lieu. "On aborde pas un match à huis clos de la même façon" conclut Eric Roy. Si la montagne semblait déjà difficile à gravir, un obstacle supplémentaire est venu se glisser sur le chemin qui doit mener le PSG au sommet. Il faudra un mental à toutes épreuves pour venir à bout des hommes de Lucien Favre mercredi. 

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