Ligue des champions : RB Leipzig, un business qui donne des ailes
Contrairement à ce qu’il clame depuis des années, Red Bull ne donne pas d’ailes. En revanche son argent, oui. La preuve : grâce aux investissements de la boisson énergisante autrichienne, en 8 ans, le RB Leipzig a troqué l’anonymat du football amateur pour les paillettes des huitièmes de finale de Ligue des champions. Et ce, alors qu’il n’existait même pas avant 2009. Un envol éclair pour Red Bull, mais pas au goût de tous. Et on ne parle pas de la boisson.
L’orgueil de la Galaxie Red Bull
Tout commence dans la tête de Dietrich Mateschitz, le milliardaire autrichien propriétaire de Red Bull. Implantée dans le sport avec deux clubs de football (Red Bull Salzbourg, New York Red Bull), la formule 1 (Red Bull Racing) et les sports extrêmes, la firme rêve de racheter un autre club de football, et de le voir jouer les premiers rôles en Allemagne et en Europe. Franz Beckenbauer, ami avec Mateschitz, lui glisse alors une passe décisive vers Leipzig : ville de football qui a accueilli la Coupe du monde 2006, mais dont le club historique, le FC Sachsen Leipzig (ex-Chemie Leipzig) végète en quatrième division. En bonne voie, les négociations échouent, notamment sous la pression des supporters, soucieux de préserver l'âme du club.
En 2009, après d’autres tentatives dans l’ouest de l’Allemagne (Munich 1860, Fortuna Dusseldorf, Sankt Pauli), Mateschitz revient à Leipzig et s’offre le SSV Markanstädt pour 350 000 euros. Cher payé pour un club amateur de banlieue. Dans la foulée, le SSV devient le RasenBallsport Leipzig, et non pas « Red Bull Leipzig », à cause des lois allemandes qui empêchent une entreprise de donner son nom à un club. Pour conserver les initiales « RB », Red Bull trouve cette pirouette, qui signifie littéralement : « sport balle sur pelouse ». En revanche, aucun problème pour renommer le Zentralstadion de 44 000 places - lui aussi racheté - « Red Bull Arena ». Fin 2009, les fondations sont posées. Mateschitz clame ses objectifs : atteindre la Bundesliga d’ici 5 à 10 ans.
Business-model & Corrida
Immédiatement, le club perd son identité : son nouveau logo se confond volontiers avec celui de la marque au taureau, ses maillots sont dessinés aux couleurs de la firme. Attaché à ses traditions avec des clubs aux valeurs fortes, le foot allemand a du mal à avaler ce nouveau Red Bull. Le stade de Leipzig est boycotté par les supporters adverses mais aussi par ceux des clubs historiques de la ville. Sur le terrain, le RBL stagne d’abord en divisions régionales, avant deux montées successives jusqu’en Bundesliga, en 2016. Ce « club en plastique » devient l’emblème du foot-business aux yeux de l'Allemagne, et suscite une haine venue de tout le pays. Un exemple parmi tant d’autres : la tête de taureau tranchée jetée sur la pelouse par les supporters du Dynamo Dresde en 2016.
Et l’ascension sportive du RB Leipzig met de l’huile sur le feu. Dès sa première saison en Bundesliga - la première pour un club d'ex-RDA depuis Cottbus en 2008-09 -, le club talonne le Bayern Munich et termine deuxième. Ce qui irrite. Trois ans plus tard, Leipzig s’est installé parmi les cadors du championnat, avec un modèle clair où l'économique prime sur le sportif. Autrement dit, le but est de performer en s’appuyant sur des jeunes joueurs à fortes plus values, pour les vendre et remplir les caisses. Ainsi, on retrouve plusieurs jeunes français dans l’effectif actuel : Nkunku, Mukiele, Konaté ou Upamecano. Annoncé au Bayern Munich contre 60 millions d’euros, ce dernier symbolise la politique du club. Grand frère du Red Bull Salzbourg, Leipzig se sert du club autrichien comme d’une véritable filiale, et en récupère les meilleurs éléments à sa guise. Sauf quand Dortmund ou d’autres géants viennent se servir avant lui, comme pour Erling Haaland en janvier.
Sorti de nulle part pour devenir la vitrine d’une entreprise, le RB Leipzig incarne le foot-business par essence. D’autant que le RBL base son business-modèle sur la revente de joueurs et le profit. De quoi faire des Taureaux une bête de corrida, dont le toréador serait le reste du football allemand. S’il a finalement su se trouver un public en ville, et éviter les banderilles, Leipzig ne bénéficie pas de la ferveur des autres cadors allemands.
Cette image négative, le club la compense par un style de jeu offensif et ambitieux, incarné par son entraîneur : Julian Nagelsmann, 32 ans. Un football qui tranche avec celui prôné par José Mourinho, l’entraîneur de Tottenham, qu’affronte ce soir Leipzig pour s’inviter parmi les cadors européens, maintenant qu’il fait partie de ceux de Bundesliga. Histoire de prouver que, finalement, Red Bull donne peut-être bien des ailes.
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