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PSG : l'angoisse existentielle d'un nouveau riche

Absence de Neymar, erreur d'arbitrage, tactique défaillante... Beaucoup de causes ont été assignées à l'élimination catastrophe du PSG de la Ligue des champions face à Manchester United mercredi. Mais le problème est bien plus profond. Depuis l'arrivée de Qatar Sports Investments, Paris échoue chaque année à prouver sa légitimité au sommet de la hiérarchie européenne. Ce qui était à l'origine un blocage s'est mué en véritable angoisse existentielle.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
 

Du football à la tragédie classique, il n'y a qu'un pas. Il plane dans l'air quelque chose d'insaisissable au Parc des Princes mercredi soir. Le sentiment d'une fatalité imminente s'empare du match, des joueurs et des supporters du PSG. "On sait tous que ça va arriver, on ne sait juste pas comment", pouvait-on lire sur les réseaux sociaux.

Mené 2-1 par Manchester United jusqu'à la dernière minute mais virtuellement qualifié en quart de finale, le club de la capitale cède sur un coup du sort à la fois tellement improbable et si prévisible. Une frappe manquée mais déviée par la main de Presnel Kimpembe met fin au déroulement. Place au dénouement. Le temps s'arrête, la vidéo révèle la faute, la jette au regard du public et des protagonistes. Il n'est plus possible d'échapper à son destin. Et comme dans toute tragédie, le récit se termine par une mise à mort avec Marcus Rashford dans la peau du bourreau, lui qui n'avait jamais tiré de penalty en match officiel.

Le PSG était promis aux cimes européennes depuis le rachat et l'investissement massif de QSI en 2011. Il n'a toujours pas réussi à franchir le stade des quarts de finale en Ligue des champions. Pire encore, sur les trois dernières éditions, le blocage se produit en huitième de finale. Comme si le club septuple champion de France était touché par un malaise profond en constante progression.

Du blocage mental à l'angoisse chronique

Est-ce un problème sportif ? Visiblement non puisque l'équipe de Thomas Tuchel a réussi à s'imposer 2-0 à Old Trafford avec plusieurs absents de marque (dont Neymar et Cavani) et malgré l'éternel problème du milieu de terrain, pas résolu par la simple arrivée de Leandro Paredes au mercato hivernal. En phase de poules, Liverpool et Naples ont terminé derrière la formation francilienne. Deux années plus tôt, le Barça avait été giflé 4-0 au Parc. Le problème est donc plus profond, et forcément en partie psychologique.

Quand on regarde la prestation de l'équipe mercredi, elle est méconnaissable. Jamais cette saison, l'animation n'avait été aussi insipide. Immobilité chronique des atouts offensifs, liaison compliquée entre le milieu et l'attaque, erreurs de concentration en défense, tous les ingrédients du match gâché ont été réunis. Il serait malhonnête d'imputer la faute à Tuchel, irréprochable depuis le début de la saison, qu'on imagine difficilement satisfait de l'animation de son équipe. Il avait d'ailleurs décidé d'aligner le même onze qu'au match aller dans l'idée de reproduire la prestation convaincante du premier round.

Compliqué également de pointer du doigt les joueurs présents aux clubs depuis plusieurs saisons, comme le capitaine Thiago Silva. Les erreurs à l'origine des deux premiers buts ont été l'oeuvre de deux recrues estivales : le jeune Thilo Kehrer et l'expérimenté Gianluigi Buffon. Il est incontestable que le portier italien a l'étoffe d'un champion, et pourtant, il s'est rendu coupable d'une boulette. Preuve qu'il y a quelque chose qui dépasse les joueurs, quelque chose qu'une simple force mentale ne saurait surpasser. Le mal-être trouve en fait son origine dans les entrailles même du club de la capitale, un mal-être semé en même temps que les ambitions de grandeur lors du rachat du club. Le PSG s'est déjà montré capable de remporter une compétition européenne, en l'occurrence la C2 en 1996.

Depuis l'acquisition de son statut de nouveau riche, le PSG a changé de visage et celui qu'il montre aujourd'hui à ses adversaires européens n'est certainement pas celui qu'il souhaite renvoyer. "Il faut arrêter de vendre de la peur, on est bons", martelait Kylian Mbappé après la victoire à Manchester. La méthode Coué n'aura pas suffi, les dépenses astronomiques non plus. Paris est le seul des nouveaux riches incapable d'atteindre le dernier carré de la Ligue des champions.

Fuyante légitimité

Quatre années après un passage en Ligue 2, Monaco a réussi à atteindre la demi-finale en 2017. Dès la première saison de l'ère Abramovitch (2003-2004), Chelsea était en demi-finale. Quant à Manchester City, ce n'est pas beaucoup mieux que le PSG mais les Citizens se sont rendus en demi-finale en 2016, en éliminant d'ailleurs un PSG insipide. A 20 millions d'euros près, le club aujourd'hui entraîné par Pep Guardiola a dépensé autant sur le marché des transferts que Paris depuis la saison 2011-2012 (1,174 milliards d'euros).

Alors, pourquoi Paris panique plus que ses rivaux fortunés ? Premièrement, Chelsea et Manchester City, qui étaient des clubs de second plan avant leur rachat, n'ont eu de cesse de batailler en Premier League, où règne une concurrence féroce pour le titre. Quand les deux clubs anglais sont concurrencés par Arsenal, Liverpool, Manchester United ou encore Tottenham, Paris n'est jamais bousculé par plusieurs rivaux en même temps et aucune des potentielles menaces n'arrive à se stabiliser. En 2016, Zlatan et compagnie ont été sacrés avec 31 points d'avance sur l'OL. En Premier League, les 19 points d'avance de City sur United l'an passé est un record absolu.

Attention, il ne s'agit pas d'imputer la responsabilité des échecs européens du PSG aux autres clubs de Ligue 1. Le problème tient surtout à un manque de préparation. Le club de la capitale n'a qu'un seul choc crucial par saison, en phase finale de C1. En championnat, une défaite face à Lyon n'a pas de conséquence tant l'avance est grande en tête du championnat. Face à des adversaires comme Barcelone, Madrid et maintenant United, Paris perd ses moyens au premier rendez-vous, faute d'habitude. 

Dans ce cas là, pourquoi l'ASM a-t-elle réussi à se qualifier en demi-finale de la Ligue des champions en 2017 ? Tout simplement, parce que les projecteurs et leur lumière oppressante sont tous tournés sur le PSG depuis 2011. Aucun droit à l'erreur quand on a autant de moyens en championnat, surtout qu'on affirme crânement briguer le trône de l'Europe. Monaco n'a pas eu le temps de tergiverser, la quatrième année était la bonne. Les hommes de Leonardo Jardim ont joué sans complexe tant ils n'avaient rien à perdre. 

A Paris chaque échec est vécu comme un mélodrame, renforçant la pression et le malaise intérieur. Dans la déconvenue de mercredi, on pouvait apercevoir les stigmates de la remontada, elle-même nourrie par les échecs précédents. Presque huit ans après l'arrivée de QSI, Paris cherche encore à gagner sa légitimité au milieu des cadors. Chelsea et Manchester City ont déjà évincé la question. Chez les Rouge et Bleu, elle enfle année après année au point de tourner à l'angoisse existentielle. Complexé, le club de la capitale se tétanise quand l'échéance est cruciale. Cette angoisse est contagieuse. Elle a figé joueurs et supporters mercredi contre Manchester United dans un fatalisme ambiant. 

Pour l'anecdote, Chelsea avait attendu 9 années avant de remporter la C1. C'est l'année où le club londonien était le moins attendu qu'il a atteint son apogée. Dixième de Premier League, il avait battu le Bayern Munich en finale avec un entraîneur intérimaire, Roberto Di Matteo. Cela fera 9 ans l'année prochaine que le PSG a fait son entrée dans la cour des nouveaux riches. Qui sait ?

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