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Affaire Evra : Et les incivilités des supporteurs, on en parle ?

Depuis hier soir et le geste condamnable de Patrice Evra sur un "supporteur" de l’Olympique de Marseille, l’encre va couler à flots sur l'ancien capitaine de l'équipe de France. Son passé avec notamment la grève de Knysna en 2010 et même sa possible fin de carrière sont d'ores et déjà évoqués. Mais l’origine de cette affaire, à savoir le comportement de certains ahuris dans les stades de football mérite sans doute tout autant d’être pointé du doigt.
Article rédigé par Romain Bonte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des supporteurs de Guimaraes et de Marseille s'invectivent, lançant des strapontins... (JOSE COELHO / LUSA)

D’ores et déjà livré en pâture, Patrice Evra savait sûrement quelques secondes après son geste, qu’il lui serait difficile d’échapper à la vindicte populaire. Raillé pour ses vidéos farfelues sur les réseaux sociaux, pour son rôle dans la grève des Bleus lors du Mondial 2010 et pour ses phrases devenues cultes (« il faut qu’on tire tous dans le même bateau »), le joueur de 36 ans a cette fois dépassé les bornes. C’est un fait et il sera sanctionné, lourdement.

Comme l’avait été Eric Cantona 22 ans plus tôt, lors d’une séance de kung-fu restée gravée dans les esprits, Evra ne pourra éviter une lourde peine. « Eric the King » avait été suspendu sept mois pour un coup de pied similaire suivi d’un coup de poing assénés à un fan de Crystal Palace. La justice s’en était même mêlée en infligeant à la vedette de Manchester United une peine de 120 heures de travaux d’intérêt général, sans oublier 40 000 livres d’amende, soit environ 55 000 euros.

Cantona avait pris cher, le fan nazillon beaucoup moins

Mais quid du supporteur ? Curieusement, le grand public est moins au courant de son sort. Matthew Simmons, qui avait hurlé « Enculé de bâtard de Français » et craché à la figure de Cantona avant de recevoir ses crampons en guise de remerciements, sera lui aussi puni. Trois ans après avoir été condamné à deux ans avec sursis pour tentative de vol à main armé, cet énergumène soupçonné d’appartenir à un mouvement d’extrême droite a été condamné à 500 livres et 200 pour frais de justice, ainsi qu’à une interdiction de stade… d’un an ! Juste après l’annonce de sa peine, il avait eu la mauvaise idée de secouer le procureur et était donc parti faire un séjour en prison pendant sept jours.

A l’époque, la sanction à l’égard de Cantona n’avait pas posé problème. Celle infligée à Matthew Simmons n’avait été que très peu relayée par les médias. C’est pourtant le cœur du problème. Depuis des années, les instances du football mondial, les médias et les politiques n’ont que trop rarement pris le problème des supporteurs à bras le corps. Les provocations, les insultes, les crachats, « cela fait partie du spectacle », entend-on parfois, de la bouche même des supporteurs. Et « tenir ses nerfs » comme l’a estimé l’entraîneur de l’OM Rudi Garcia après l’incident, fait partie des impératifs de tout footballeur. Malgré les moqueries à longueur d’années, les insultes, malgré les critiques souvent blessantes, les objets jetés, les crachats, le footballeur doit rester zen.

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Au stade, tout est permis

Mais que fait-on réellement pour bouter la violence hors des stades ? Comment se fait-il que plusieurs supporteurs se retrouvent si facilement sur le terrain pendant un match européen ? Au-delà de la question de sécurité qui, décidément, revient bien trop souvent, quelles sanctions envisage-t-on pour ces individus plus soucieux de déverser leur haine que d’assister à un match de foot ? Pas plus tard que le 19 octobre dernier, un supporteur d’Everton s’en était pris au gardien de Lyon Anthony Lopes, avec un enfant dans les bras ! Et malheureusement, il n’est pas rare de voir des enfants d’à peine 10 ans pousser le mimétisme jusqu’à insulter eux-mêmes ou faire des gestes obscènes à l’égard des footballeurs.

Si ces scènes ne surprennent plus, c’est bien parce que le panel des sanctions à l’égard des supporteurs est limité. En France, les instances se contentent souvent de condamnations pécuniaires. Un an après la banderole anti-Ch’tis du PSG de 2008, les supporteurs de l’OM avaient déployés l’ignoble banderole « trois ans sans Julien, trois ans qu’on est bien », en référence à Julien Quemener qui avait été tué en marge de PSG-Tel Aviv. Seul le club phocéen avait été condamné à 40 000 euros d’amende. Pour leur « chômeur, pédophile, consanguin », les cinq supporteurs du PSG avaient écopé d’un an d’interdiction de stade et des peines allant de 300 à 600 euros d’amende. Pour leur banderole écœurante, les fans marseillais n’avaient pas été contrariés…

Des sanctions existent

Pourtant, il existe bien des textes. Selon la législation française, les amendes pour injure publique peuvent atteindre 12 000 euros. Et selon l’article L.332-6 du Code du sport, « provoquer des spectateurs à la haine ou à la violence à l’égard de l’arbitre ou de toute autre personne ou groupe est puni d’un an de prison et de 15.000 euros d’amende ». Mais si les clubs sont souvent condamnés (amendes, fermeture de tribune et éventuellement retrait de points), les agissements commis par les supporteurs dans les stades de France, ne se retrouvent que très rarement devant les tribunaux. C’est à croire que les stades sont devenus des zones de non-droit. Evra sera condamné, qu’en est-il de celui qui l’a insulté ?

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