"On a été tellement frustrés pendant vingt ans" : les supporters nantais impatients d'accueillir la Juventus en Ligue Europa
"Le temps est pluvieux à Nantes, mais j’espère que ça ne vous empêchera pas de venir supporter nos Canaris demain à la Beaujoire." À l’arrivée à la gare de Nantes, le message du contrôleur SNCF trahit une forme d’excitation. Le club nantais s’apprête à vivre un moment historique, jeudi 23 février, à l’occasion de son barrage retour de Ligue Europa contre la Juventus Turin, au stade de la Beaujoire, après un match aller qui s'est achevé sur un nul (1-1).
"On s’est donné le droit de rêver", a lancé Antoine Kombouaré, l’entraîneur de Nantes, en conférence de presse mercredi, alors que les Canaris n’avaient plus participé à une Coupe d’Europe depuis la saison 2001-2002. Pour réaliser à quel point ce match contre la Juventus est un rendez-vous de gala, il faut se rapprocher du club. La tribune de presse devrait atteindre jeudi un taux de remplissage record, tandis que le FCN a invité quinze anciens, dont Didier Deschamps, Claude Makélélé et Jean-Claude Suaudeau.
"Je pense qu’il y aura le feu jeudi", estime Gérald Chauvin, président du groupe de supporters Canaris Retz. Lui fait partie de l’ancienne génération de supporters, qui a connu les titres de 1995 et 2001, et l’élimination en demi-finale de la Ligue des champions en 1996 contre la Juventus. "J’étais steward à la Beaujoire lors du match retour", se souvient-il.
Passer le flambeau aux plus jeunes générations
Le match de jeudi contre le club italien, Gérald Chauvin le voit comme l’occasion "d’effacer une injustice et de prendre une revanche" vingt-six ans après. L’accueil se devra d’être à la hauteur pour que Nantes s’impose, surtout après l’épisode de Turin la semaine dernière : les supporters de la Brigade Loire, le groupe Ultra du club, n’ont pas pu accéder à l’Allianz Stadium lors du match aller, en raison du refus de la police locale.
Thierry Tissot, président du plus gros groupe de supporters, Activ Nantes Supports (780 membres), voit les choses de manière différente. Celui qui a connu les exploits européens de Nantes dans les années 90 tient une permanence dans un bar ce mercredi, pour délivrer les dernières places avant la rencontre. "En 1996, on venait davantage pour voir les résultats du club et on s’en foutait de l’ambiance dans le stade. Les choses ont changé et on vient surtout pour faire la fête, partager des moments entre potes et profiter du spectacle qui est dans les tribunes", assure-t-il.
Le supporter des Canaris, qui gère son groupe depuis 2019, est père de deux enfants, Émilie et Amaury, qui l’accompagnent dans sa mission de bénévolat, et qu’il abreuve d’exploits nantais depuis leur plus jeune âge. Ce match contre la Juventus, c’est aussi l’occasion pour les plus jeunes générations de connaître à leur tour un grand rendez-vous européen à la Beaujoire. "Mon père m’a longtemps raconté ces moments et j’ai toujours rêvé de vivre la même chose, assure Émilie, sourire aux lèvres. Maintenant, je comprends mieux."
"Le match de l'année"
Pas question, donc, de rater ce qui sera "le match de l’année", selon Glen Russeau. Le supporter de 20 ans est abonné depuis cette saison en tribune Loire, là où la Brigade Loire met l’ambiance : "Je m’attends à une grande fête. Il y a beaucoup d’engouement, toute la ville est derrière le club." Les supporters interrogés sont unanimes : ce match de Ligue Europa contre la Juventus est plus attendu que la demi-finale de 1996 de Ligue des champions. "À l’époque, il y avait peu d’espoir de se qualifier avant le match retour. Là, il y a une vraie possibilité", explique Anthony Marsais, fan de Nantes qui a récemment produit une vidéo en compilant les extraits des supporters canaris qui se sont déplacés à Turin.
Lui s’attend à "l’une des plus belles ambiances de l’histoire de la Beaujoire", mais n’oublie pas de relativiser en souriant : "On a presque tendance à oublier que ce n’est qu’un match de barrages, mais on ne peut pas s’en empêcher. On a été tellement frustrés pendant vingt ans." Malgré les récents succès du club, la victoire en Coupe de France et ce parcours en Ligue Europa, la "schizophrénie du supporter nantais" n’est jamais bien loin.
Ne pas gâcher la fête avec des engins pyrotechniques
"On est content que le club gagne, mais on attend toujours des changements au sein de la direction", explique Glen Russeau. Waldemar Kita, propriétaire du club depuis 2007, est toujours aussi contesté par les supporters nantais malgré les récents résultats. Pas de quoi gâcher la fête jeudi à la Beaujoire, au contraire d’une surutilisation des engins pyrotechniques, comme en phase de groupes contre l’Olympiakos et Karabagh.
"Il faut que ce soit le feu dans le stade mais au sens figuré. (…) Il faut faire du bruit mais sans se pénaliser, au cas où on se qualifierait", a prévenu Antoine Kombouaré, alors que Nantes pourrait subir un huis clos en cas de nouvel incident. Trouver le juste milieu, tel sera l’objectif des supporters, "qui peuvent changer la donne avec leur soutien et leur engouement", a assuré mercredi Alban Lafont, le gardien et capitaine nantais.
Difficile de dire si les supporters parviendront à se contenir en cas de but ou de qualification, face à une équipe de la Juventus décidée à laver l’affront du match aller. "Si les joueurs sont capables de rééditer cet exploit, on peut rentrer dans la légende. Ce serait quelque chose d’immense", a lancé Kombouaré mercredi. Une chose est certaine : les supporters des Canaris seront au rendez-vous à la Beaujoire.
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