Pourquoi le Barça n'a plus les moyens de garder Lionel Messi ?
Arrivé au club en 2000 à 13 ans, Lionel Messi quitte le FC Barcelone à contre-cœur, à 34 ans. L'économiste Mickaël Terrien décrypte les raisons de ce départ.
Dimanche 8 août, Lionel Messi a tenu une conférence de presse pour dire adieu au FC Barcelone après 21 ans au club. En larmes, l'homme aux six Ballons d'or est apparu très affecté. Il a clairement expliqué qu'il quittait le club à contre-cœur. Malgré des efforts importants sur son salaire, Lionel Messi ne peut être conservé par le FC Barcelone. Mais alors, comment un des plus grands clubs européens en est arrivé là ? Pourquoi le Barça ne peut plus se permettre de garder le meilleur joueur de son histoire ? Eléments de réponse avec Mickaël Terrien, professeur d'économie du sport à l'université de Lausanne.
Parce qu'il y a un salary cap
Mickaël Terrien : "En Espagne, le contrôle de gestion des clubs est différent de ce qu'on a en France. Ils n'ont pas un équivalent de notre DNCG [Direction nationale de contrôle et de gestion] qui surveille l'endettement des clubs. Eux se focalisent sur un plafond salarial relatif aux revenus des clubs [fixé à 70% des revenus du club]. Concrètement, le plafond salarial du Barça n'est pas le même que celui de Gijon ou Valladolid. Mais la crise économique engendrée par le contexte sanitaire fait que les revenus du Barça ont chuté, donc le plafond de son salary cap aussi. C'est mécanique. D'autant plus qu'à Barcelone, 95% des revenus sont dédiés à la masse salariale [le club doit réduire sa masse salariale de 347 à 160 millions d'euros]. Pour donner une idée, quand 60% des revenus partent dans les salaires, on considère que c'est le seuil d'alerte. Donc là, à Barcelone, sur 100 euros il n'en reste que 5 pour payer tout le reste, des ballons aux commisions des agents."
Parce que le Barça est un endetté chronique
Mickaël Terrien : "Le deuxième problème du Barça, c'est sa dette. Contrairement à la France, où la DNCG se focalise sur les dettes des clubs, en Espagne on se fiche de tout ça. Barcelone est un club extrêmement endetté, mais il ne peut pas faire faillite parce que c'est bien plus qu'un club en Catalogne. Ce n'est pas la première fois qu'il est en grande difficulté financière, et à chaque fois on trouve un moyen pour le sauver. Mais au-delà de cette dette chronique, il y a des dettes à rembourser à très court terme. Autrement dit, il faut sortir du cash ce qui est compliqué quand il vous reste cinq euros sur 100. Laisser filer Messi, c'est retrouver un peu de surface financière."
Parce que le modèle de gouvernance n'aide pas
Mickaël Terrien : "On vante souvent les mérites du modèle de gouvernance du Barça ou du Real, avec leurs socios qui élisent un président. Certains y voient quelque chose de génial, de très démocratique, un but à atteindre. Mais d'un point de vue économique, c'est un frein. Avec le recul, ce type de structure favorise la course à l'armement des clubs parce que pour être réélu, un président va acheter des joueurs pour séduire le public, plus que par intérêt sportif. Et risque de les surpayer. On l'a vu à Barcelone ces dernières années.
En plus, ce système de socios fait que, contrairement à un club détenu par une fortune diverse, le club ne peut pas remettre au pot pour équilibrer les comptes en fin de saison, comme peut le faire un Frank McCourt à Marseille ou un François Pinault à Rennes, par exemple. C'est ce qui fait que ce système de gouvernance pénalise en réalité les clubs, à tel point qu'en 1990 une loi est passée pour pousser les clubs espagnols à quitter ce format, en échange de l'effacement de leurs dettes. Le Barça a fait partie des quatre clubs [avec le Real Madrid, l'Atlhetic Bilbao et Osasuna] qui ont refusé d'abandonner ça, et se retrouve aujourd'hui dans l'impasse."
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