Transferts : Mauro Icardi au PSG, rabais isolé ou liquidation annoncée ?
Les soldes d'été ont commencé de bonne heure. Ce dimanche, le Paris Saint-Germain a confirmé la signature attendue de Mauro Icardi après une saison de prêt réussie dans la capitale. Montant de la transaction : 50 millions d'euros (hors bonus), une somme conséquente mais assez loin de la flambée des prix constatée sur le marché des transferts ces dernières saisons. Pour un club qui a été capable de miser 367 millions d'euros (là aussi hors bonus) pour le tandem Kylian Mbappé – Neymar, le transfert de l'Argentin ressemble à un investissement assez banal. Il faut dire que le PSG est rarement parvenu ces dernières saisons à obtenir des joueurs sans offrir une somme au-dessus du marché. Mais alors, comment expliquer que le champion de France ait réussi à arracher Icardi à l'Inter Milan tout en faisant ce qui semble être sur le papier une si bonne affaire ? Serait-ce une bonne négociation d'un jour ou le début du monde de demain sur le mercato ? La réponse se situe sans doute quelque part entre les deux.
Ce si cher indésirable
Avec 20 buts sous ses nouvelles couleurs en 2019/2020, Mauro Icardi a réussi son examen de passage pour convaincre le PSG d'en faire son futur avant-centre à court et moyen terme. L'occasion de récupérer un joueur international, en pleine force de l'âge, était difficile à laisser passer. A ce prix-là, l'ex-Milanais a même tout d'un coup en or, d'autant plus que son option d'achat avait dans un premier temps était fixée à 70 millions d'euros. Le renard des surfaces était même coté à 100 millions d'euros fin 2018 après plusieurs saisons de haut niveau en Serie A. Le directeur sportif parisien Leonardo a su se montrer persuasif pour convaincre les dirigeants de l'Inter de lâcher leur ancien fer de lance avec une petite ristourne. De là a à y voir une nouvelle tendance pour tout le football européen, il y a un pas bien trop précipité.
Si Icardi est assurément un des meilleurs numéros 9 du monde, il est aussi l'un des rares cadors qui n'était plus en odeur de sainteté dans son club. L'Argentin a alterné l'excellent en empilant les buts chez les Nerazzurri, et la tension, palpable entre le joueur et l'entourage de l'Inter depuis déjà de nombreux mois. Capitaine déchu en février 2019, il écrivait alors ne pas savoir s'il y avait "de l’amour et du respect pour l’Inter et pour moi de la part de certains décideurs". Entre les mises à l'écart et les relations houleuses avec les tifosi, l'international de l'Albiceleste ne rentrait pas dans les plans d'Antonio Conte. Ce qui n'est pas le cas des principales cibles du prochain mercato comme Paul Pogba, Jadon Sancho ou Harry Kane dans leurs clubs respectifs.
5,6 milliards d'euros de perte de valeur dans les cinq grands championnats
Dans ce climat de défiance, l'Inter n'était pas en position de force pour vendre son attaquant à prix fort. Elle l'a été d'autant plus contrainte par un marché complètement bouleversé par le coronavirus. La saison 2019/2020 a d'ores et déjà été perturbée par la pandémie, mais les effets vont encore se ressentir tout l'été prochain. Les pertes financières provoquées par le Covid-19 vont faire des dégâts, ce malgré la reprise de la majorité des championnats européens. Le cabinet d'audit spécialisé KPMG estime à 6,6 milliards d'euros la perte de valeur des joueurs des dix plus grands championnats européens depuis le mois de février, dans le cas le moins pessimiste de la reprise globale du football sur le continent. Les cinq plus grands championnats européens depuis le mois de février pèsent à eux seuls 5,6 milliards d'euros envolés.
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Le facteur incertitude lié à la situation sanitaire peut pousser les clubs à assurer leurs arrières et la vente d'un joueur, même à un tarif moins élevé, plutôt que de voir sa valeur s'effondrer par la force du virus. Pour les clubs les plus en difficulté sur le plan de la trésorerie, vendre en faisant un effort reste toujours plus intéressant que prendre le risque de ne pas pouvoir compter sur la moindre rentrée d'argent à court terme.
Moins de transferts mais plus de marge de négociation
Ces chiffres spectaculaires sont toutefois nuancés pour les joueurs de renom. Pour les 20 joueurs les plus chers de la planète, la baisse de leur valeur marchande est estimée à 13% par KPMG, contre 17,7% pour l'ensemble des joueurs des dix grands championnats européens. La promesse d'un avenir brillant ou le statut déjà assumé de superstar du football évitent au gratin de voir leur cote sombrer, en dépit des circonstances. Appartenir à des formations aux moyens colossaux leur garantit également de ne pas être bradé à tout prix pour assurer l'avenir de leur club.
Le cabinet KPMG anticipe ainsi un revirement de stratégie sur le marché des transferts, où le trading effréné des clubs vendeurs pourrait laisser place aux gros budgets aux nez fins. "Nous allons désormais plus probablement assister à un marché d'achats, dans lequel une minorité de clubs pourrait exploiter les positions financières difficiles de leurs homologues pour obtenir des joueurs à un prix moins élevé que ce qu'il aurait été possible jusqu'à la dernière période des transferts." Paris et ses moyens qataris ont saisi l'opportunité d'un joueur devenu indésirable à Milan dans un contexte troublé pour saisir la bonne affaire.
Le mercato estival 2020 pourrait ainsi offrir moins de transferts en volume, mais aussi en valeur, à l'image de celui de Mauro Icardi. Le cas de Paul Pogba pourrait lui aussi être significatif. Plus gros transfert de l'histoire avec les 105 millions d'euros déboursés par Manchester United à l'été 2016, il ne figure plus aujourd'hui dans le Top 20 des plus grandes valeurs marchandes. Sa cote a même chuté de 21% depuis février, alors qu'il ne possède plus qu'un an de contrat chez les Red Devils et reste sur une saison plombée par les blessures. L'exemple parfait de l'opportunité de récupérer une vedette du football mondial à un tarif "modique" eu égard à son statut. Encore faudra-t-il que ce scénario dont la Juventus Turin rêve déjà ne se heurte pas au portefeuille bien garni de Man U, qui devrait avoir les moyens de résister aux offres de ses concurrents. L'opération "tout doit disparaître" n'est pas encore pour aujourd'hui.
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