Non au "clasico" à toutes les sauces sportives !
En France, on utilise ce terme pour la moindre petite rencontre de n'importe quelle discipline. Or, il n'y a qu'un seul match de foot qui mérite cette appellation et c'est Barcelone-Real Madrid. Retour sur une dérive.
A l'origine, le clasico, c'est le match de foot qui oppose le Real Madrid au FC Barcelone, que ce soit dans le championnat espagnol, en Coupe du roi, ou en Coupe d'Europe. Et un clasico, il y en a justement un mercredi 25 janvier. Mais d'après certains sites spécialisés, il y en a aussi un jeudi 26 : le duel Nadal-Federer en demi-finales de l'open d'Australie de tennis. Bref, le terme espagnol "clasico" est désormais utilisé pour tout et n'importe quoi. Stoooooop !
Le "clasico", nom espagnol, masculin...
La notion de clasico en sport ne correspond qu'à la confrontation Barça-Real, deux formations qui écrasent le championnat esapgnol, avec en arrière-fond la rivalité politique entre l'Etat central madrilène et le nationalisme catalan. Sans aller jusqu'à en faire un remake de la guerre d'Espagne. L'équivalent le plus pertinent du clasico espagnol en Europe, ce serait le derby écossais de Glasgow entre le Celtic, plutôt catholique, et les Rangers, farouchement protestants, le fameux Old Firm.
Un clasico constitue un évènement phare : les audiences des Barça-Real sont sans commune mesure avec n'importe quel autre match diffusé, si ce n'est la finale de la Coupe du monde. On parle d'un demi-milliard de télespectateurs pour un simple clasico de championnat.
Un concept plaqué sur le championnat de France...
En France, on parle de clasico pour OM-PSG depuis 2006, à l'initiative de Canal +. Dès les années 80, Bernard Tapie et la chaîne cryptée ont forgé de toute pièce la rivalité Paris-Marseille pour créer un degré de concurrence plus fort que les derbies locaux. Claude Puel, alors entraîneur de l'Olympique lyonnais, trouvait cette opposition factice sur Foot01.com : "Pour moi, c’est préfabriqué. Ce folklore autour ne m’intéresse pas." Le sociologue du sport Paul Yonnet écrivait lui, comme le relève le site LaMadjer.com : "La hiérarchie sociale et médiatique des sports-spectacles s’établit en fonction de l’aptitude des organisateurs et des responsables à fabriquer des rivaux." Bref, après quelques années, le concept était fin prêt pour être baptisé clasico.
Cependant, la vraie rivalité centenaire, l'affiche qui a eu lieu le plus souvent dans le championnat de France, c'est... Marseille-Sochaux. Moins propice aux passions.
... mais qui n'est pas qu'un mal français
Pas français, francophone plutôt : MC Alger contre JS Kabylie ? Un clasico... du championnat algérien. Anderlecht-Standard de Liège ? Un clasico... du championnat belge. Si dans les pays francophones, on reprend tel quel le terme espagnol, dans les autres pays d'Europe, on a transposé. D'où l'expression "klassieker" entre l'Ajax et Feyenoord, témoin de l'appropriation par les Hollandais dès les années 20 de ce concept. En Allemagne, la notion de "Klassiker" (article en allemand) concerne l'équipe nationale face au voisin hollandais.
Depuis 2010, Canal + tente de populariser le terme en version française, sans doute pour enfoncer le clou lors des matchs PSG-OM. Mais ce "classique" sonne mal aux oreilles de l'amateur de foot.
... et qui a contaminé tous les terrains
Le terme est même devenu un synonyme de "derby" - qui signifie lui-même une rencontre entre deux équipes voisines et rivales -, y compris pour des matchs à l'enjeu tout sauf planétaire, comme l'atteste ce titre du journal local La Sambre : "Le RC Sambre Maubeuge veut gagner son 'Clasico' face à Charleville". Et le mot a gagné d'autres sports. On trouve donc un clasico dans le rugby français (Stade toulousain-Stade français), un clasico dans le handball tricolore (Montpellier-Chambéry) et... deux clasicos dans le basket, Pau-Villeurbanne et Villeurbanne-Limoges selon les versions. Sans parler du fameux Nadal-Federer dans la presse branchée tennis...
Il est grand temps de trouver un mot pour qualifier ces rencontres à fort enjeu émotionnel et commercial, sans dénaturer l'un des plus beaux termes utilisés pour parler de football. Toute bonne idée est la bienvenue dans les commentaires. Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française, si tu nous lis...
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