"On a toute notre place dans ce business" : rencontre avec Jennifer Mendelewitsch, l'une des rares femmes agents de joueurs de football
Dans l'entrée de son agence, située à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, sur le mur, les photos des joueurs dont elle gère la carrière. Jennifer Mendelewitsch s'arrête fièrement devant celle de Mohammed Kudus, milieu de terrain ghanéen qu'elle vient de faire signer en Premier League anglaise, à West Ham. "C'est à ce jour le plus gros transfert que j'ai réalisé, en termes de chiffres, puisque c'est une transaction à 45 millions d'euros, glisse-t-elle dans un sourire. Ce n'est pas un aboutissement, mais je suis contente évidemment."
"Mon rôle, c'est que le joueur soit satisfait. On l'a réalisé en toute fin de mercato, le 28 août, dans les derniers jours, c'est un peu stressant, mais c'est le résultat qui compte."
Jennifer Mendelewitschà franceinfo
Si le montant peut impressionner, c'est le résultat, d'une carrière débutée il y a 20 ans – elle a obtenu sa licence d'agent, délivrée par la Fédération française de football, en 2003 – dans l'anonymat. Et son amour pour le football et le métier d'agent est arrivé grâce à un coup du sort. "Je devais aller en voyage linguistique, mais la boite a fait faillite, raconte-t-elle. Je me retrouve à regarder la Coupe du monde avec mon père, de fil en aiguille, il m'emmène au stade". "Il était agent, je l'accompagnais souvent au bureau, j'étais en quelque sorte une petite main, je l'entendais aussi parfois parler de ses affaires", poursuit-elle.
"Je me suis dit que je voulais me lancer là-dedans. J'ai fait des études en droit des affaires. Quand je l'ai annoncé à mon père, il m'a dit : 'bonne chance, mais continue quand même la fac de droit' (rires).
Jennifer Mendelewitsch
Un père qui l'a laissée faire seule, "il ne m’a pas légué son carnet d'adresse", précise Jennifer Mendelewitsch, avec forcément des débuts compliqués. "Comme beaucoup, j'ai dû avoir un job à côté pendant des années, car les premières commissions mettent un certain temps à arriver." Un père qui l'a laissé faire seule, "il ne m'a pas légué son carnet d'adresse", précise Jennifer Mendelewitsch, avec forcément des débuts compliqués. "Comme beaucoup, j'ai dû avoir un job à côté pendant des années car les premières commissions mettent un certain temps à arriver."
Pas plus de femmes dans le milieu
D'autant plus que les femmes sont très rares dans le milieu. Et en 20 ans de carrière, elle constate qu’il "n'y a pas plus de femmes" qui se lancent dans cette aventure entrepreneuriale. En 2023, sur les 300 agents licenciés à la Fédération française de football, seulement 6% sont des femmes. "C'est dommage, regrette Jennifer Mendelewitsch. Il y en a beaucoup qui sont effrayées par l'image que peut véhiculer le football, un milieu très fermé, très masculin, pour ne pas dire machiste", explique-t-elle."Mais je suis la preuve qu'on peut y arriver en étant une femme", martèle-t-elle.
"Ce n'est pas un handicap, bien au contraire. Du fait qu’on ne soit pas beaucoup, on est rapidement identifiées et identifiables, on a toute notre place dans ce business."
Jennifer Mendelewitschà franceinfo
Être une femme dans ce milieu, "ce n'est pas une question" pour Jennifer Mendelewitsch, qui n'a jamais ressenti de réticence pour travailler avec elle. "Quand j'appelle un club, il n’y a aucun différence que je sois une femme ou un homme", affirme l'agente. "Oui, je suis une femme et ce qui compte, c'est de savoir si je fais bien le travail, insiste-t-elle. Est-ce que le joueur reste avec son agent ou le quitte ? Est-ce qu'on arrive à faire un transfert dans un club comme West Ham ou non (sourires) ?"
Bien installée après 20 ans de carrière
Sa persévérance a payé. Jennifer Mendelewitsch ne changerait pour rien au monde de métier. "Aucune de mes journées ne ressemble à une autre", souligne-t-elle. "Je voyage beaucoup, je rencontre des gens qui ont été des idoles quand j'étais petite, comme par exemple le gardien de but néerlandais Edwin Van der Saar (passé par Manchester United, son club de cœur), raconte l'agente. La première seconde quand tu es face à lui ça fait bizarre (rires) puis après, tu te remets dans ton rôle".
Elle vit désormais confortablement de son métier, attend avec impatience la fermeture du marché des transferts vendredi pour prendre quelques jours de repos bien mérités avant de repartir en quête de nouveaux joueurs à conseiller.
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