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Marabouts : Des pratiques douteuses qui échappent à toute réglementation

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L'Oeil du 20H : Le business des marabouts
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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions

Ils sont marabouts, voyants ou sorciers et disent pouvoir prédire l’avenir et jeter des sorts. Leurs recettes font des émules et génèrent des millions de vues sur les réseaux sociaux. Parfois, ils sont au cœur de scandales comme dans l'affaire du footballeur Paul Pogba. L’Oeil du 20H a tenté d’y voir plus clair sur ces pratiques.

Pour trouver un voyant, un médium ou un marabout, quelques clics sur Internet suffisent. Après une recherche rapide, des centaines de sites nous promettent de résoudre nos problèmes. Sur l’un d’eux, on nous assure une aide pour un "amour durable", "fidélité", ou encore "protection contre le mauvais sort". Après un appel et quelques SMS au numéro affiché, le marabout nous donne rendez-vous dans un appartement sommairement aménagé, qu’il décrit comme son cabinet.

500 euros pour un produit "magique"

Nous prétendons subir une déception sentimentale. La consultation ne commence qu’après l’avoir payé, 50 euros en espèces. Il nous livre son diagnostic après avoir dessiné le contour de notre main sur une feuille de papier : “Vous êtes venue me voir au bon moment, parce que son sentiment n’est plus comme avant.

Très vite, il dit avoir une solution pour faire revenir l’être aimé. Mais pour cela, il faudrait consommer un produit présenté comme “magique”, dont il ne veut pas donner la recette tant qu’il n’est pas payé davantage.

Je dois acheter un produit qui coûte 500 euros. On va descendre juste à côté et retirer de l’argent.

Un marabout lors d'une consultation

Nous mettons fin à la consultation, mais certaines victimes se sont laissées entraîner pendant de longs mois au contact d’un marabout. C'est le cas d'une femme retraitée que nous avons rencontrée. Elle en a appelé un en 2019 après avoir perdu plusieurs proches, et dit ensuite être tombée sous son emprise. Elle confie : "J’étais désespérée, je voulais savoir ce qui allait m’arriver. Quand j’ai vu ça sur Internet, je me suis dit que pour 30 euros je ne risquais rien. C’était 30 euros, après ça été 200, puis de fil en aiguille 1000 euros."

120 000 euros versés à un marabout

En un an, la victime assure avoir versé près de 120 000 euros au marabout qu'elle consultait. Elle a perdu toutes ses économies malgré une absence totale de résultats selon elle.

J’ai éliminé pas mal de choses parce que je ne pouvais plus subvenir à ce que j’avais à payer. Je retombe à zéro, c’est comme si je n'avais rien fait.

Une victime de marabout

La retraitée a porté plainte pour abus de confiance, l’affaire est en cours.

La difficile réglementation des sciences occultes

Dans les bureaux de l'Institut National des Arts Divinatoires, les dossiers de victimes présumées de voyants et de marabouts s’entassent.

D’après le président de l'association, Youcef Sissaoui, 1 à 2 millions d’euros seraient extorqués chaque année à des personnes vulnérables. Il réclame la régulation des professions dites divinatoires dans un courrier adressé au Ministre de la Justice en juillet dernier.

Ces professions sont livrées à elles-mêmes, sans contrôle et sans surveillance, permettant à des individus d’exploiter, en toute impunité, une population fragile et vulnérable.

Youcef Sissaoui, président de l'INAD

D'après lui, la régulation de ces professions commence par "une authentification des professionnels, légalement déclarés et clairement identifiés".

Déjà en 2010, le ministère de l’Economie avouait à l’association son impuissance, face à la situation. Il y déplorait notamment que “l’attribution d’une carte professionnelle se heurterait à des obstacles juridiques insurmontables tant au regard du droit national que du droit communautaire”.

De son côté, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires indique avoir traité 24 signalements en lien avec les sciences occultes en 2021. 

Parmi nos sources :

- Lettre de l'INAD au ministère de la Justice, juillet 2022

- Réponse du ministère de l'Economie à l'INAD, 2010

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