Ça s'est passé un 21 juin 1970 : Le triomphe du roi Pelé en finale de Coupe du Monde au Mexique
J’avais 15 ans et mon idole s’appelait Johann Cruyff. En bon petit joueur français, fasciné par l’Ajax d’Amsterdam en Coupe d’Europe... Et puis, grâce à la mondovision et l’arrivée de la couleur dans mon foyer, j’ai découvert la planète Brésil et son roi noir.
En pleine nuit en France, nous ressentions cette chaleur mexicaine qui a nappé la neuvième Coupe du Monde. Cette luminosité forte et ce soleil radieux comme la couleur jaune des maillots brésiliens. En voyant évoluer la Seleção, j’avais l’impression que les chaussures des joueurs étaient équipées d’aimants tant le ballon semblait collé à leurs pieds. Une impression de facilité technique déconcertante que je n’avais jamais vue ...
Jairzinho et sa vitesse, Rivelino le pied gauche le plus puissant au monde, les dribbles de Gerson, la malice de Tostao et l’extraordinaire vision du roi Pelé ! Ces joueurs-là ont enchanté mon adolescence. Pelé qui tente de lober le gardien tchèque, Pelé qui marque de la tête contre l’Angleterre un but que Gordon Banks a arrêté, Pelé qui fait un grand pont au gardien uruguayen... J’avais le sentiment de vivre la plus belle des Coupes du Monde. De fait, on n’a rien vu de mieux depuis 1970. Et la finale Brésil-Italie est un chef-d’œuvre !
Un milliard de téléspectateurs
110 000 spectateurs au stade Aztèque de Mexico, rempli dès 9h du matin, un milliard de téléspectateurs ce 21 juin 1970. Le stade Aztèque qui venait de vivre le match du siècle, Italie-Allemagne 4-3 en demi-finale... L’Italie du sélectionneur Valcareggi laisse à nouveau le magnifique Rivera sur la touche. La Squaddra Azzura du capitaine Facchetti oppose le catenaccio aux jongleurs brésiliens, le verrou à la créativité. Les transalpins croient au marquage individuel strict pour gagner les duels.
D’ailleurs les italiens Bertini, Rosato, Cera, Burgnich multiplient les fautes. La première période est insipide et tendue, à l’image du temps pluvieux et orageux. Pelé, au prix d’une formidable détente sur un centre de Rivelino, marque de la tête le premier but et c’est Boninsegna qui égalisera à huit minutes de la mi-temps, sur une faute du gardien Felix, le seul brésilien qui ne faisait rêver personne...
Et puis la magie brésilienne s’est répandue sur la pelouse mexicaine. Apres un travail préparatoire de Jairzinho et Everaldo, Gerson dribble Facchetti et inscrit le deuxième but à la 66e minute, le seul but qui ne porte pas le sceau de Pelé. Le troisième but marquera aussi les esprits : sur une remise de la tête somptueuse et millimétrée de Pelé, Jairzinho, auteur de 7 buts au Mexique, porte le score à 3-1 pour le Brésil.
Le plus beau but jamais vu en Coupe du Monde
Mais le plus beau est à venir ! A trois minutes de la fin, alors que les Italiens sont ivres de fatigue et incapables de contester la supériorité sud-américaine, Pelé construit le plus beau but jamais vu en Coupe du Monde... Au milieu du terrain, le roi reçoit un ballon de Clodoaldo. Et là, sans se retourner complètement, avec des yeux dans le dos, Pelé sert son capitaine Carlos Alberto dont l’appel sur la droite, à l’entrée des 16m, est génial. Lancé comme une fusée, le latéral droit brésilien catapulte, sans contrôle, le ballon dans le but italien d’Albertosi. Une frappe magistrale qui semble tout nettoyer sur son passage ! C’est le plus beau but, à la fois collectif et individuel, que j’ai vu... Pelé est impliqué dans trois buts sur quatre.
Lorsque l’arbitre est-allemand, M. Rudolph Gloeckner, siffle la fin du match, la folie s’empare du stade Aztèque. Supporters brésiliens et mexicains déshabillent les joueurs champions du monde pour la troisième fois, après les succès de 58 et 62. Pelé, sans short ni maillot, est porté en triomphe. Je reverrai toute ma vie le bonheur du roi brésilien, la peau noire et en sueur, dans le ciel rempli de confettis de Mexico... Numéro 10 de génie, Pelé avait 17 ans lorsqu’il a gagné sa première Coupe du Monde en Suède en 1958. Il était blessé pour la victoire de son équipe en 1962 au Chili. Agressé par tous les défenseurs, il a vécu, en fantôme, la Coupe du Monde 66 en Angleterre. Et là, à 29 ans, en direct sur les télévisions du monde entier et au sommet de son art, il entre comme un Dieu dans la mémoire collective du football mondial. A jamais le plus grand... Même s’il n’a marqué que 4 fois alors que l’allemand Gert Muller est sacré meilleur buteur avec 10 réalisations.
Le Brésil, triple vainqueur de la Coupe du Monde
Le Brésil de Mario Zagalo, rappelé juste avant le Mondial sous la pression de la presse et du gouvernement, a gagné ses 6 matches. Il a battu la Tchécoslovaquie 4-1, l’Angleterre tenante du titre 1-0 et la Roumanie 3-2 au premier tour. Puis le Pérou 4-1 en quart de finale, l’Uruguay 3-1 en demie avant d’assommer l’Italie en finale. Et Zagalo devint le premier à remporter le titre mondial comme joueur puis comme entraîneur...
Le Brésil, triple vainqueur de la Coupe du Monde Jules-Rimet, conserve par conséquent le trophée du sculpteur français Abel Lafleur, qui avait ciselé, dès 1930, la Victoire ailée en or fin rehaussée de pierres précieuses. Dans le vestiaire des champions, alors que Rivelino entame une samba, Clodoaldo, le milieu brésilien, murmure à l’oreille de Pelé, sacré Patrimoine national par le président brésilien : "Tu sais, les confettis mexicains, je vais les voir tomber toute ma vie..."
1970 aura été marquée par de Gaulle, Willy Brandt, Soljenitsyne, Lech Walesa, le divorce des Beatles et... le sacre de Pelé, le meilleur footballeur de tous les temps...
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