CRITIQUE. "Pelé" : Quand Netflix retrace la naissance de la légende du football brésilien
"Le Brésil, c’est tout pour moi". Ces quelques mots prononcés par Pelé en début du documentaire posent le décor : un jeune joueur de football, issu d’une famille pauvre, qui s’est créé son propre destin grâce au ballon rond et qui a rendu fier son pays.
Le nouveau documentaire sportif proposé par Netflix est une plongée au cœur de l’enfance et de la jeunesse de Pelé. On y découvre de nombreuses images d’archives du petit brésilien jouant au football dans la rue avec ses copains ou encore ses premiers pas au Santos FC. Mais David Tryhorn et Ben Nicholas, les réalisateurs du documentaire éponyme Pelé, s'intéressent plus précisément sur la manière dont l’homme est devenu bien plus qu’un simple joueur de football, dont le nom aurait traversé les frontières. Cette œuvre insiste sur le contexte et la manière dont Pelé s’est transformé en légende vivante.
"Pelé a rendu fiers les Brésiliens"
Pour cela, le documentaire est rythmé par les différentes Coupe du monde, avec comme point de départ celle de 1958, organisée en Suède. C’est lors de ce Mondial, remporté par le Brésil pour la première fois, que le jeune Edson Arantes do Nascimento dit Pelé, alors âgé de 17 ans seulement, se révèle aux yeux du monde entier. Il fait la fierté de son pays à tel point qu’à son retour d’Europe, il est adulé telle une rock star. "Pelé apparaît alors comme celui qui libère les Brésiliens de leur complexe d’infériorité, et devient un grand symbole. (…) Il a rendu fiers les Brésiliens", indique Juca Kfouri, journaliste et ami du "Roi Pelé".
Car plus qu’une simple victoire, cette Coupe du monde est pour les Brésiliens un moyen de se faire une place sur la scène internationale grâce au football, après l’occasion manquée de 1950 où le pays, organisateur du Mondial, échoue en finale face à l’Uruguay. Après leur deuxième sacre consécutif en 1962, les Brésiliens apparaissent comme les rois du ballon rond, et Pelé comme une divinité. "Pelé se révèle en même temps que le Brésil est devenu un pays moderne", souligne Fernando Henrique Cardoso, le président du Brésil entre 1995 et 2003.
Pelé était "incapable de contester, critiquer ou juger"
Mais le coup d’Etat militaire de 1964 change la donne. Le Brésil que chacun connaissait sombre dans la dictature. Encore aujourd'hui, Pelé reste vague sur cette période peu flatteuse pour son pays, mais reconnait qu’il était "dur de démêler le vrai du faux. On me demandait tout le temps de prendre parti, mais je suis toujours resté en retrait", explique l’homme âgé de 80 ans. Ce manque de position claire lui a été reproché à l’époque, tout comme aujourd’hui.
"J’aime Pelé mais ça ne m’empêche pas de le critiquer. Il se comportait comme un noir qui ne savait dire que oui monsieur, un noir qui accepte tout, incapable de contester, critiquer ou juger. (…) Si Pelé avait émis un jugement [à l’époque], ça aurait eu des répercussions fortes au Brésil", témoigne son ancien coéquipier de la Seleçao entre 1967 et 1977, Paulo Lima César. Il est d'ailleurs le seul du documentaire à "ternir" le portrait lisse et sans défaut dessiné par les autres intervenants.
Bien plus que du football
Malgré la déception vécue lors de la Coupe du monde en 1966 en Angleterre et l'élimination du Brésil au premier tour, Pelé a pris part au Mondial de 1970 au Mexique. Pourtant, il s'était juré de laisser sa place. Le documentaire laisse entendre que le gouvernement ne lui aurait pas laissé le choix. A l’époque, remporter cette compétition était presque devenu une question politique.
Interrogé sur cette participation, Pelé répond qu'il était davantage question d'un "défi personnel" que d'une obligation politique ou de faire plaisir aux Brésiliens. Alors que les critiques sont vives à son encontre, qu’on doute de ses compétences, qu’il ne serait plus le Pelé d’avant, il porte son équipe jusqu’à la victoire. "C’était un soulagement de gagner. (…) Cette coupe a plus compté pour le pays que pour le foot", se souvient ému le seul joueur de l'histoire à avoir gagné trois Coupes du monde.
Le fabuleux destin du héros brésilien porte véritablement ce documentaire. On en voudrait d'ailleurs encore un peu plus, notamment sur l'après-carrière du joueur qui n'est pas du tout évoquée. Malgré certaines longueurs, ce film de 1h48 fait preuve d’une grande richesse d’images d’archives, et est composé de nombreux témoignages d’anciens coéquipiers au FC Santos et au sein de la Seleçao, de ses proches, de journalistes, ou même d’anciens politiques comme l’ex-président brésilien Fernando Henrique Cardoso. Si la quasi-totalité des témoignages dressent le même portrait de Pelé, ce "prodige" qui a éclos au Santos FC et dont le "charisme naturel" attirait tous les regards, Pelé lui apparaît presque à nu dans cette rétrospective.
S’installant face caméra à l’aide de son déambulateur, il se confie sans tabou sur son enfance, ses débuts dans le football, sa gestion de sa soudaine célébrité et même sur ses infidélités. "Ça devait être dur d’être ma femme", tranche-t-il. Il laisse même s'échapper quelques larmes comme lorsqu’il raconte son dernier titre de champion du monde. "C’était ma dernière coupe du monde, il fallait que je gagne", se rappelle celui qui aurait tout fait pour rendre son pays fier et heureux.
"Pelé", actuellement sur Netflix, 1h48.
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