Pourquoi la France compte-t-elle si peu de statues de footballeurs ?

Le Stade de Reims a récemment dévoilé la statue de Just Fontaine aux abords du stade Auguste-Delaune. En France, pourtant, les statues de footballeurs se font très rares.
Article rédigé par Justin Schroeder
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le 6 octobre 2024, le Stade de Reims a inauguré la statue de Just Fontaine, réalisée par Juan Carlos Carrillo et installée devant le stade Auguste-Delaune à Reims. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Devant une foule nombreuse rassemblée sur le parvis du stade Auguste-Delaune de Reims, Arnaud Robinet, maire de la ville, et Jean-Pierre Caillot, président du Stade de Reims, ont inauguré la statue de Just Fontaine, dimanche 6 octobre. Le légendaire numéro 9, trois fois champion de France avec le club rémois, a été immortalisé dans le bronze.

"Cette statue sera, pour nos joueurs, nos supporters et tous les amoureux du football, un rappel quotidien de ce que signifie être un grand joueur, et surtout un grand homme", a déclaré Jean-Pierre Caillot devant la sculpture. Si le Stade de Reims célèbre ses légendes par des statues, le club champenois fait figure d’exception. En France, on compte sur les doigts d’une main les statues de footballeurs.

Seulement cinq statues de footballeurs dans l'Hexagone

Just Fontaine est le cinquième joueur à avoir une statue en France. Reims en compte désormais deux. "Justo", comme on le surnommait, trône désormais aux côtés de son ancien coéquipier en club et de l’équipe de France, Raymond Kopa. A Rennes, Jean Prouff possède sa statue. Inauguré en 2021, le bronze de l'ancien joueur et entraîneur emblématique du Stade Rennais est installé non pas à l'extérieur, mais à l'intérieur du stade, assis dans les tribunes. Le FC Nantes a, la même année, honoré son ancien milieu de terrain aux 638 matchs sous les couleurs des Canaris : Henri Michel. Enfin, la dernière statue est celle de Raymond Keruzoré, considéré comme le meilleur joueur breton par France Football, située à Carhaix, une ville qui aime statufier ses icônes régionales.

Henri Michel a également eu droit à sa statue, inaugurée le 8 mai 2021 au stade de La Beaujoire, à Nantes. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

Ce nombre est très faible comparé à nos voisins européens (23 en Allemagne et 25 en Espagne) où les footballeurs sont plus régulièrement honorés. Jacqueline Lalouette, historienne et professeure à l'Université de Lille, explique pourtant que la France est un pays qui aime la statuaire : "Nous avons une véritable culture de la statue. La statuaire publique est très développée, mais elle concerne principalement des figures politiques, des écrivains, des militaires ou des scientifiques."

"Les statues de sportifs, elles, sont bien plus rares. Et en France, elles sont assez récentes, comme celles des acteurs et des chanteurs", poursuit la chercheuse, qui a exploré ce sujet dans son ouvrage 'Un peuple de statues'. La célébration sculptée des grands hommes (France, 1801-2018). En France, contrairement aux pays anglo-saxons, il est extrêmement rare de voir des personnalités statufiées de leur vivant, ce qui contribue également à expliquer le faible nombre de statues de footballeurs à l'heure actuelle.

Des coûts qui peuvent être très élevés

Plusieurs obstacles se dressent lorsqu'il s'agit d'ériger une statue en l'honneur d'un footballeur. D'abord, un comité d'initiative doit porter le projet. Ensuite, il faut obtenir l'accord du conseil municipal pour qu'un espace public soit dédié à l'installation de la statue. En parallèle, il faut trouver un sculpteur capable de réaliser l'œuvre. Des démarches qui peuvent être longues.

Le plus grand défi reste toutefois le financement, qui peut s’avérer très coûteux. Réalisées en matériaux nobles, comme le bronze ou la feuille d'or, à l'exemple de la statue d'Henri Michel à Nantes, les statues doivent attirer du mécénat ou débloquer des fonds publics. À Reims, la sculpture en bronze de Just Fontaine, réalisée par le Franco-Péruvien Juan Carlos Carrillo, a coûté 200 000 euros. La ville de Reims a participé à son financement, avec l'aide du Stade de Reims et d'entreprises locales (maison de champagne), comme elle l'avait fait pour celle de Raymond Kopa. Inaugurée en 2018, elle a également nécessité un budget de 200 000 euros de la part de la mairie. Des sommes qui peuvent décourager certains projets.

Le Royaume-Uni, patrie des statues

De partout dans le monde, elles fleurissent en grand nombre. Cristiano Ronaldo à Madère (Portugal), Zico à Rio de Janeiro (Brésil), Lionel Messi à Buenos Aires (Argentine), Bobby Moore devant Wembley à Londres (Royaume-Uni), ou encore Thierry Henry devant l'Emirates Stadium (Arsenal), également dans la capitale britannique, ont tous leur statue. Le Royaume-Uni semble particulièrement attaché à cette culture statuaire. En tout, le site Sporting Statues, qui étudie les statues de sportifs du monde entier, recense plus de 120 statues en lien avec le football (joueurs, entraîneurs, présidents, fans iconiques) au Royaume-Uni.

Spécialiste des statistiques sur les statues de footballeurs à l'Université de Sheffield, Chris Stride explique pourquoi il y a plus de statues dans son pays qu'en France. "Le football n'est pas une passion aussi dévorante en France qu'au Royaume-Uni. Le nombre de spectateurs et la couverture médiatique en sont le reflet. Cela a forcément un impact sur le financement et l'organisation nécessaires à l'érection des statues, ainsi que sur la mesure dans laquelle les footballeurs sont considérés comme des sujets appropriés."

Toutefois, selon Chris Stride, il n'est pas impossible d'imaginer que ce phénomène prenne de l'ampleur en France dans les prochaines années. "Il y a un effet de contagion naturel : un club ou une ville le fait et d'autres s'en inspirent".

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