Pourquoi la France entière souhaite le maintien du FC Sochaux en Ligue 1
... à l'exception, sans doute, des supporters d'Evian Thonon Gaillard, le club à qui les Sochaliens vont disputer samedi la dernière place de non-relégable.
"Je vis plus d'émotions aujourd'hui avec Sochaux que lors de la qualification en Ligue des champions avec Auxerre", lâche l'attaquant sochalien Roy Contout. L'équipe franc-comtoise, en perdition à la mi-saison, peut décrocher son maintien en Ligue 1, à condition de battre Evian Thonon Gaillard, 17e, samedi 17 mai. Une véritable "finale" pour éviter la relégation, rendue possible par l'incroyable épopée des Sochaliens débutée en janvier. Et depuis, la France entière prie pour le maintien des Doubistes.
Parce que Sochaux, c'est l'épopée de la saison
Avoir 11 points à la trêve, mais réussir au final à se maintenir, c'est presque du jamais-vu. Aucun club n'a réalisé cette performance depuis Saint-Etienne en 1988-89, rappelle le site Poteaux carrés. Il faut voir d'où partait Sochaux. "Depuis trois ou quatre saisons, on s'ennuyait à mourir au stade Bonal. Les gens ont la mémoire courte !", sourit Yoann Chateau, cofondateur du site allezsochaux.com.
Les victoires à domicile s'enchaînent depuis janvier, et même le PSG a été bousculé le 27 avril au stade Bonal (1-1), alors qu'il pouvait remporter le titre de champion en cas de victoire. La "finale pour le maintien" face à Evian Thonon Gaillard se disputera devant un stade comble, rapporte France 3 Franche-Comté. "La performance des Sochaliens émeut les gens, c'est un exploit. Tout fan de foot rêve que son équipe réussisse la même épopée", estime Yohann Conrad, des Parigots de Sochaux, le club de supporters de l'équipe doubiste en région parisienne.
Parce que le petit monde de la Ligue 1 les soutient
Lors de l'émission Téléfoot, le président du club, Laurent Pernet, a confié avoir reçu des messages de soutien "de nombreux clubs, qui souhaitent que Sochaux reste en L1. Et ça fait chaud au cœur." Ce que confirme Jérôme Villedieu, qui possède une impressionnante collection de 408 maillots du club. "Même Loulou Nicollin [le président du club de Montpellier, lui aussi collectionneur de maillots] m'a dit qu'il faut que ce soit Sochaux qui se maintienne." Yohann Conrad acquiesce : "Lors du dernier déplacement à Rennes, les supporters rennais, qui n'avaient plus rien à jouer, ont carrément souhaité notre victoire avant le coup d'envoi du match." Et Sochaux s'est imposé !
Parce qu'Evian Thonon Gaillard ne fait pas rêver grand monde
Le club haut-savoyard souffre toujours d'un déficit de notoriété, malgré son accession en finale de la Coupe de France l'année dernière. Evian Thonon Gaillard, un club qui porte un maillot calqué sur le design des bouteilles d'Evian, qui joue à Annecy, dont l'ancien nom est Croix de Savoie, et qui souffre d'une guerre interne entre ses actionnaires. Mais un club devenu la bête noire du PSG, et qui a montré ses talents de poil à gratter quand il n'est pas favori. Comme lors de ce match décisif qui doit se jouer samedi à Sochaux...
Parce qu'on a trouvé le José Mourinho français
50% Jaime Lannister de la série Games of Thrones, 50% le prince charmant de Shrek, 100% sauveur. Voilà en résumé le CV d'Hervé Renard, né en... Savoie, qui a bourlingué en National avant de hisser la modeste Zambie sur le toit de l'Afrique, en remportant la Coupe d'Afrique des nations en 2012. Aucun club pro français ne lui avait confié d'équipe, jusqu'à ce jour d'octobre 2013 où il débarque à Sochaux. Le club est déjà au fond du trou. Et dans les premiers temps, Renard n'arrive pas à redresser la situation. "Avec ce groupe-là, jusqu’à la fin de la saison, on ne peut pas rester en Ligue 1. C’est impossible", confie-t-il à L'Equipe en décembre. Un mercato hivernal agité plus tard (six nouveaux joueurs, dont Jordan Ayew), et ce n'est plus la même équipe. Sochaux marche sur l'eau, et serait sixième si le championnat avait commencé après la trêve. Les 10 points d'avance d'Evian Thonon Gaillard fin décembre ont fondu à une seule unité, avant cette dernière journée de championnat fatidique.
Jérôme Villedieu a déjà une idée pour enrichir sa collection pléthorique de maillots : "Pourquoi ne pas demander sa chemise blanche à Hervé Renard ?" En Afrique, joueurs et supporters étaient convaincus qu'elle portait bonheur.
Parce que Sochaux est là depuis toujours (ou presque)
Sochaux peut s'enorgueillir d'un glorieux palmarès... qui prend la poussière. Le club a été sacré champion en 1935 et 1938, a obtenu l'essentiel de ses Coupes dans les années 1950 avant une embellie avec une Coupe de la Ligue en 2003 et une Coupe de France en 2007. Depuis quatre saisons, le scénario est toujours le même : démarrage laborieux, crise pendant l'hiver, et sprint final en boulet de canon pour arracher une 16e place. "Je ne me souviens plus de tous nos maintiens. Il y en a eu tellement", reconnaît Jérôme Villedieu.
N'empêche, le club détient le record du plus grand nombre de saisons dans l'élite (66). Comme le chante le rappeur KLX, en filant la métaphore animalière sur le lion, emblème du club : "Dans la savane de la première division / on règne sans partage avec le plus grand nombre de saisons."
Parce que tout le monde croit que Sochaux est le petit poucet
L'analogie avec la Coupe de France ou le village d'Astérix pour parler du FCSM est tentante, mais erronée. Sochaux dispose tout de même du 9e budget de Ligue 1, avec 40 millions d'euros, soit presque 12 de plus que l'adversaire savoyard.
Ce qui lui vaut les railleries de ses concurrents au maintien, comme Rolland Courbis, qui a retapé un Montpellier mal en point en cours de saison : "Cette équipe de Sochaux a été prise en sympathie par tout le monde : les adversaires, les médias… Hervé Renard, que je trouve très compétent, est arrivé pour le moment à faire d’un 19e, un 18e." Pascal Dupraz, le coach d'Evian Thonon Gaillard (ETG), ne refuse pas le rôle de l'outsider : "Dans le monde du sport, tout le monde est d'accord pour proclamer que c'est Sochaux le plus fort. Mais comme je le fais de temps à autre, je vous conseille de mettre une pièce sur l'ETG."
Parce que Sochaux remettra ça l'année prochaine
En début de saison, le président, Laurent Pernet, avait promis aux supporters une saison sans stress. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'est lourdement trompé. "Faire des saisons comme Toulouse, à finir 12e dans le ventre mou, ça ne me donne pas de palpitations, estime Yohann Conrad. Je sais bien que j'éviterais les ulcères à l'estomac, de me ronger les ongles jusqu'au sang en avril-mai, mais c'est ça, le lot d'un supporter d'un club formateur. C'est frustrant, mais c'est comme ça."
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