Fifagate: le tour de passe-passe de Blatter, la coûteuse main de Henry, Angleterre-2022
La vraie fausse démission de Sepp Blatter
Accroché depuis 17 ans à la présidence de la Fifa, et réélu contre vents et marées à 79 ans, Sepp Blatter a fini par démissionner. Devant l'ampleur des révélations de la justice américaine, le Suisse qui était directement visé, n'a pu faire autrement. Habile, il reste néanmoins officieusement le patron du football mondial, en attendant un nouveau vote du congrès qui ne devrait se tenir qu'en 2016. "Je continuerai d'exercer mes fonctions en tant que président de la Fifa jusqu'à l'organisation de ces prochaines élections", a-t-il affirmé sans que cela n'ait l'air de surprendre grand monde. A la tête d'une pyramide profondément touchée par les affaires, avec près d'une quinzaine de mises en examen, et les soupçons de corruption qui portent désormais sur son bras droit, le Français Jérôme Valcke, Blatter se trouve acculé. Il ne participera d'ailleurs pas à la réunion du CIO dont il est membre votant, ce mardi à Lausanne. Mais pour le moment, il n'est pas directement accusé dans une affaire particulière, et n'a pas exclu une nouvelle candidature pour la prochaine élection…
10 millions de dollars dans la poche
Depuis la déclassification de documents de la justice américaine portant sur les soupçons de corruption à la Fifa, quelques noms sortent du lot. Le Trinidadien Jack Warner, ex-président de la Concacaf, aurait ainsi empoché 10 millions de dollars en échange de trois voix en faveur de l'Afrique du Sud, au moment du vote pour l'attribution du Mondial-2010. Mais l'affaire semble prendre des proportions démesurées, Warner ayant indiqué qu'il détenait des documents prouvant l'implication de la Fifa dans les élections législatives de 2010 à Trinité-et-Tobago, et cite le nom de Sepp Blatter, parmi les personnes désignées. Depuis, l'Afrique du Sud a admis que ces 10 millions de dollars avaient été versés au football caribéen par fraternité panafricaine, uniquement.
Le Mondial 2022 en Angleterre ?
Pour le moment, tout va bien, dit-on du côté de la Fifa. Le Mondial-2022 se tiendra au Qatar, et il n'y a pas de raison de penser le contraire. Devant ce discours de façade, certains ont bien compris qu'ils pouvaient encore espérer décrocher la timbale. Déçus d'avoir été recalé pour le Mondial-2018, les Anglais se sont portés volontaires accueillir le Mondial-2022 si l'attribution de la compétition au Qatar était remise en cause. Et ce n'est autre que le ministre des Sports britannique John Whittingdale, qui a lancé le pavé dans la mare. Aussitôt, la Confédération asiatique de football (AFC) a levé son bouclier, et soutenu le Qatar. "L'ensemble de la communauté asiatique du football est de tout coeur avec le Qatar, et nous sommes tous impatients d'accueillir la Coupe du monde et de recevoir le monde", a déclaré l'AFC.
Quand la Fifa achète le silence de l'Irlande
Chaque jour, on en apprend un peu plus sur les us et coutumes de l'état Fifa. Le 18 novembre 2009, Thierry Henry contrôle le ballon de la main et offre le ballon du but à William Gallas, un but synonyme de qualification pour le Mondial 2010. Malgré les vives contestations en Irlande, mais aussi en France, ce sont bien les Bleus qui se retrouvent en Afrique du Sud (avec la suite que l'on connaît !). Mais l'histoire ne s'arrête donc pas là. La Fifa aurait en effet offert cinq millions de dollars (environ 4,5 millions d'euros) à la Fédération irlandaise pour qu'elle ne porte pas plainte. Il semblerait que la somme ait servi à financer en partie la construction de l'Aviva Stadium de Dublin.
Chuck Blazer déballe
Si l'on en apprend tant sur les méthodes assez douteuses de la Fifa, c'est en grande partie grâce à Chuck Blazer, un ancien membre du comité exécutif de la Fifa de 1996 à 2013. Interrogé par la justice américaine en 2013, ses aveux viennent seulement d'être déclassifiés… "Durant la période où j'ai travaillé pour la Fifa et la Concacaf (Confédération d'Amérique du nord, centrale et Caraïbes), j'ai entre autres commis avec d'autres personnes au moins deux actes d'activité de racket", a affirmé l'Américain. "J'ai accepté avec d'autres personnes en 1992 ou autour de cette date de faciliter le versement d'un pot-de-vin pour la sélection du pays hôte de la Coupe du monde 1998", a admis l'homme aujourd'hui âgé de 70 ans. Un représentant du comité de candidature marocain lui aurait ainsi offert un pot-de-vin en échange de sa voix pour le Maroc. Mais finalement, la compétition avait été attribuée à la France. Blazer a assuré qu'il en avait été de même pour d'autres désignations. "A partir de 2004 et jusqu'en 2011, moi et d'autres membres du comité exécutif de la Fifa, nous avons accepté des pots-de-vin en vue de la désignation de l'Afrique du Sud comme pays organisateur de la Coupe du monde 2010", a-t-il dit.
La complicité de grandes banques mondiales
Devant l'ampleur de ces malversations, il est difficile de croire que les grandes banques internationales n'ont pas joué un rôle. C'est du moins ce que pense Jubilee USA, un groupement d'organisations de lutte contre la pauvreté et l'opacité financière. L'ONG met en cause directement 26 banques, dont JPMorgan Chase et Citigroup, ces établissements ayant permis à ces fonds de "circuler" dans le système financier américain. C'est ainsi qu'une perquisition s'est effectuée au siège de la Fédération de football du Vénézuéla (FVF). Il a été ordonné "le gel des comptes bancaires et l'interdiction de vendre ou grever des biens". En Australie, une enquête a été ouverte sur un détournement de fonds présumé dans le cadre de la candidature de l'Australie à l'organisation du Mondial-2022. Selon le président de la Fédération australienne, Frank Lowy, le processus de désignation du pays organisateur n'a "pas été propre". En attendant de prochaines révélations, ce "Fifagate" risque de faire couler encore beaucoup d'encre partout dans le monde.
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