José Mourinho : quand le maître de l'arrogance la joue influenceur apaisé
“Aujourd’hui la pression n’est pas sur nous. Quand vous êtes favoris, vous savez que vous l'êtes et vous devez l'accepter. C'est à vous de gérer ce genre de pression et de responsabilité. J’ai connu ça moi-même dans des clubs [comme Chelsea cet été] qui ont été champions sur le marché [des transferts] grâce à des gros investissements”. Mais où est passée l’arrogance de l’autoproclamé "Special One" ? Avant de retrouver Chelsea avec qui il a écrit certaines des plus belles pages de sa carrière, José Mourinho n’a pas joué les gros bras en conférence de presse.
La rédemption du pyromane ?
Pourtant, en l’espace d’une année, l’entraîneur portugais a sorti Tottenham de l’impasse jusqu’à permettre aux Spurs de se battre pour les premiers rôles en Premier League. 14e du championnat au licenciement de Mauricio Pochettino en novembre 2019, le club londonien a bouclé la saison précédente à une inespérée 6e place. Lancé dans une série de 4 victoires consécutives, il était même leader de Premier League avant ce week-end, deux points devant le Chelsea de Frank Lampard. Mais le "Mou" a refusé d'assumer le statut de favori face à son ancien joueur, entraîneur depuis seulement deux ans.
Inhabituel pour celui qui a bâti toute sa carrière par la recherche systématique du rapport de force. Mine de rien, le maître de l'arrogance s'est fait moins tapageur depuis son arrivée sur le banc des Spurs fin novembre 2019. En début de saison, il n'était qu'un nom parmi le gratin des coaches de Premier League, coincé entre Jurgen Klopp, Pep Guardiola, Carlo Ancelotti ou encore Marcelo Bielsa, qui ont d'ailleurs accaparé une bonne partie de la curiosité médiatique. Pour une fois, José Mourinho n'a pas eu besoin de revendiquer sa place parmi les meilleurs pour rappeler qu'elle lui est déjà acquise. Quelque chose a indubitalement changé dans la communication du Portugais.
Peut-être a-t-il lu les lignes du Monde, qui n'avait pas été tendre au moment d'identifier les raisons de son échec quand il a été limogé par Manchester United en décembre 2018. "Il a tiré sur les mêmes ficelles, allumé des incendies un peu partout sans jamais parvenir à les éteindre (...). Avec le temps, il est devenu la première victime de la guerre psychologique qu'il livre à longueur de conférences de presse. A Manchester, le Portugais a réchauffé les mêmes recettes, épuisé ses hommes, les médias et peut-être lui-même avec", écrivait le titre français sur son site internet, pour qui le Special One n'avait à ce moment "plus grand chose de spécial".
"C'était avant que je me fasse virer"
Alors qu'il suscitait l'ire des supporters mancuniens par son incapacité à se remettre en question, José Mourinho a pleinement profité de son année sabbatique pour revoir sa copie. Celui qui fonde son management sur l'importance de considérer un joueur sur un plan global et pas uniquement sportif n'a pas simplement revu ses techniques managériales. Sa manière de communiquer a subi un joli coup de pinceau, visible dès son intronisation sur le banc des Spurs. Quand un journaliste lui a rappelé sa promesse de "ne jamais entraîner Tottenham", formulée quatre ans plus tôt, le Portugais a laissé de côté la méthode frontale pour choisir l'autodérision : "C'était avant que je me fasse virer".
A maintenant 57 ans, Mourinho a accepté de lâcher du lest, à ne plus rechercher absolument l'omniprésence et l'omnipotence sans renier son authenticité. Particulièrement exposé dans la série All or Nothing d'Amazon Prime, qui a filmé le quotidien des Spurs lors de la saison précédente, le Special One s'est montré capable de faire des compromis. "Est-ce que je l'ai aimée ? Non, je l'ai détestée. Mais si c'était à refaire, je le ferais. C'est vraiment intéressant pour les gens qui aiment le foot et ne voient que ce qui se passe sur le terrain", a-t-il réagi en septembre dernier.
Acceptation et compromis
Depuis le mois de juillet, le Mou est également devenu une star d'Instagram (1,3 million d'abonnés), deux ans après avoir désactivé son compte au milieu du marasme à United. Son compte est devenu un florilège de mèmes. On peut y voir une photo de lui-même, assis dans le bus après la défaite contre Anvers en Ligue Europa le 29 octobre dernier (0-1), ostensiblement mécontent, avec une légende de son choix : "les mauvaises performances méritent de mauvais résultats. J'espère que tout le monde dans ce bus est aussi énervé que moi. Demain 11 heures entraînement". Le Portugais a canalisé son ironie piquante pour la rediriger vers un autre but que l'attaque frontale, et ainsi dédramatiser le cours de la saison.
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C'est dans la lignée de cette stratégie de communication que s'inscrit son refus d'assumer la pression et le statut de favori avant son déplacement à Stamford Bridge ce dimanche (17h30). Evidemment tout est calculé et l'apaisement pourrait être plus une façade qu'une réelle transformation du personnage. A son retour à Chelsea en juin 2013, José Mourinho avait déjà fait le coup, changeant son surnom de Special One à "Happy One". "Je vous promets la même chose qu'en 2004, mais avec une différence : je suis l'un des vôtres", avait-il déclaré lors de sa première conférence de presse.
Quelques mois plus tard, il qualifiait par exemple le jeu pratiqué par West Ham de "football du XIXème siècle" après un 0-0 à domicile. Il s'écharpait encore avec Arsène Wenger, entretenant lui-même leur rivalité. Avec des hauts et des bas, Mourinho aura ensuite mené les Blues au titre de champion d'Angleterre en 2015, mais sans jamais cesser ses sorties à l'emporte-pièce. Pour la 2e fois, son histoire avec les Blues avait finalement tourné au vinaigre. Mourinho avait dû faire ses valises seulement 7 mois après le sacre.
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