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Le 27 avril 2014, la glissade de Steven Gerrard coûtait (en partie) le titre à Liverpool

Il y a six ans jour pour jour, Steven Gerrard effectuait la plus grosse erreur de sa riche carrière, en glissant contre Chelsea lors d’un match décisif pour le titre de Premier League. Ce faux pas sera fatal pour les Reds qui verront Manchester City repasser devant au classement quelques jours plus tard, ne laissant au capitaine emblématique de Liverpool que des regrets et un fort sentiment d’inachevé.
Article rédigé par Denis Ménétrier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
  (PETER POWELL / MAXPPP)

Il est à 17h à Anfield en ce 27 avril 2014 et les supporters des Reds sont abasourdis. Chelsea vient de s'imposer sur le terrain de Liverpool (2-0) en cette 36e journée de Premier League et a totalement relancé le championnat. Pourtant, trois heures plus tôt, les supporters des Reds accueillaient leurs joueurs, confiants, à coup de "We’re gonna win the League !" ("Nous allons gagner le championnat"). Liverpool est alors en tête de la Premier League, championnat que le club n’a plus remporté depuis 1990, et compte six points d’avance sur son dauphin, Manchester City.

Depuis ce dernier titre il y a trente ans maintenant, une malédiction plane autour de Liverpool en championnat. Une poisse qui se manifeste à nouveau le 27 avril 2014, en la personne du capitaine emblématique du club, Steven Gerrard. "Liverpool est tombé dans le piège de José Mourinho, pour qui ce match était très particulier", explique Bruno Constant, journaliste correspondant en Angleterre entre 2007 et 2016 et qui a couvert la rencontre pour le journal L’Équipe.

L’entraîneur portugais n’a en effet jamais digéré son élimination par Liverpool en demi-finales de la Ligue des champions 2005. Déjà coach de Chelsea, José Mourinho dénoncera le but décisif de Luis García au match retour, qui n’a pas dépassé la ligne de but selon et qu’il qualifiera de "ghost goal". Lors de cette 36e journée de la saison 2013-2014, Mourinho décide de "garer le bus" devant son gardien et laisse le contrôle du ballon aux Reds. Un souvenir tenace pour Bruno Constant, qui se rappelle que "les joueurs de Chelsea gagnaient du temps dès le début du match. C’était un match sans rythme et les Reds ont été aspirés pas les Blues".

Excès de confiance des Reds

En face, le Liverpool de Brendan Rodgers, "le plus spectaculaire depuis une vingtaine d’années", selon le journaliste correspondant, mord à l’appât. Lors de cet exercice 2013-2014, les Reds développent un jeu flamboyant, bien aidés par l’explosion au plus haut niveau de Raheem Sterling et Philippe Coutinho, par un Daniel Sturridge chirurgical et un Luis Suárez tout simplement exceptionnel. Avant ce match décisif contre Chelsea, Liverpool reste sur une série de seize matches consécutifs sans défaite en championnat et compte six points d’avance sur Manchester City.

Une confiance qui joue des tours aux Reds ce 27 avril 2014 selon Bruno Constant : "Ils se sont vus trop beaux, comme Brendan Rodgers qui a voulu que son équipe gagne le titre en pratiquant du beau jeu jusqu’au bout". Souhaitant prendre d'assaut les buts des Blues, Liverpool évolue très haut sur le terrain. Mais dans la troisième minute du temps additionnel de la première période, Steven Gerrard part à la faute. Sur une passe latérale anodine de Mamadou Sakho, le capitaine des Reds glisse et voit Demba Ba filer aux buts et battre Simon Mignolet d’un plat du pied droit.

Le positionnement de Gerrard en question

"L’action a été vue, revue, analysée, décortiquée, et personne ne comprend cette phase de jeu. On se demande pourquoi, avec cet enjeu, à ce moment-là du match, les Reds peuvent se retrouver avec Gerrard en position de dernier défenseur. C’est une situation qui ne doit jamais arriver", analyse Bruno Constant. Cette saison-là, Brendan Rodgers avait repositionné Steven Gerrard devant la défense et celui-ci décrochait souvent entre les deux défenseurs centraux pour effectuer la première relance. Un positionnement fatal ce jour-là pour le capitaine emblématique des Reds. Finalement, Liverpool ne s’en remettra pas et concèdera même un deuxième but en toute fin de match par Willian.

À ce moment-là, les supporters des Reds "savent très bien que c’est terminé", juge l’ancien correspondant de L’Équipe. Ils savent que c’est le match à ne pas perdre et que le titre s’est joué ce jour-là." "Psychologiquement, si Liverpool avait gagné contre Chelsea, ça aurait été très dur pour Manchester City (qui devait jouer juste après la rencontre contre Crystal Palace, ndlr) d’avoir neuf points de retard avec seulement trois matches restant à jouer". Requinqué par la défaite des Reds, Manchester City bat Crystal Palace (2-0) et revient à trois points. Puis s’impose lors de son match en retard contre Aston Villa (4-0) et prend la tête de la Premier League grâce à une différence de buts largement favorable.

"This does not fucking slip guys !"

Les joueurs de Liverpool s’écroulent totalement lors du match suivant contre Crystal Palace, probablement minés par l’erreur de son capitaine. Alors qu’ils menaient 3-0 à la 79e minute, ils concèdent trois buts en moins de dix minutes et voient Manchester City prendre deux points d’avance. Une nouvelle fois, la malédiction touche Liverpool. Une trajectoire cruelle pour une équipe attrayante, qui plus est provoquée par l’erreur de son capitaine de légende. Quelques jours après la glissade contre Chelsea, une vidéo de Gerrard resurgit. Elle date du 13 avril, alors que Liverpool vient de battre son dauphin Manchester City (3-2) à domicile et que le titre semble à portée de main. À l’issue de la rencontre, Gerrard s’adresse à ses coéquipiers dans un Anfield en feu : "This does not fucking slip guys !". Traduction : "On ne laisse pas passer cette chance les gars !". Mais le double sens du mot slip a un goût amer : il signifie également glisser. Cruelle ironie pour les Reds, qui ne remporteront pas le championnat cette année-là, terminant deux points derrière Manchester City.

Cette erreur continue à ce jour de hanter Steven Gerrard : "Je pense à cette glissade tous les jours", témoignait-il en janvier dernier dans le podcast The Greatest Game, enregistré avec son ancien coéquipier Jamie Carragher. "Quand j’analyse correctement la saison 2013-2014, je comprends évidemment que ce n’était pas seulement ce moment qui nous a fait perdre le titre, mais une partie de moi, dans ma tête, pense que c’est le cas". "Voir Liverpool gagner le titre aiderait à soigner ce que je ressens à coup sûr", ajoutait l’ancien capitaine des Reds, alors que son ancienne équipe semblait bien parti pour rompre la série noire cette saison. Mais après la glissade, c'est l'épidémie de coronavirus qui fait resurgir l'ombre de la malédiction.

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